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Marie Rose Sanou /Ouédraogo, Présidente- Directrice Générale de la « Chaîne Dieudonné », : « Je souhaite simplement et sincèrement que la lumière soit faite »

Publié le vendredi 30 janvier 2015 à 22h39min

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Marie Rose Sanou /Ouédraogo, Présidente- Directrice Générale de la « Chaîne Dieudonné », : « Je souhaite simplement et sincèrement que la lumière soit faite »

La soirée du jeudi 22 janvier 2015 a connu une ambiance surchauffée dans le quartier Wemtenga, suite à « l’interpellation » par la police, de Wend Yam Moné, employé à la « cave Dieudonné » au sujet de la « disparition » de 1000 casiers vides de boisson. Ce qui n’a pas été du goût des amis de Wend Yam Moné qui se seraient mobilisés pour aller incendier le domicile de la propriétaire de la cave. Pour en savoir plus sur cette affaire, nous avons rencontré la plaignante mardi 27 janvier dernier. Entretien !

Lefaso.net : Pouvez- vous revenir sur cette soirée du jeudi 22 janvier, au cours de laquelle votre domicile a été visé par des manifestants ?

Mme Marie Rose Sanou : Mon fils qui est le directeur général a recruté un jeune (qu’il dit être son ami et petit frère du quartier) comme surveillant des caisses (des emballages) de la cave. Après les fêtes de fin d’année, j’ai remarqué un grand trou. J’ai demandé à mon fils si on a fait passer des chèques pour faire sortir les emballages ; parce que l’argent est sorti mais il n’y a pas eu retour. C’est là qu’il m’a fait savoir qu’il poursuit Wend Yam (Wend Yam Moné, ndlr) depuis le 1er janvier dernier, pour qu’il lui fasse le point des emballages, mais que jusque-là, il n’avait pas été capable de le faire. Donc, le jeudi (22 janvier, ndlr), je me suis levée pour aller là-bas. On s’est assis de 6h à 12h ; il a reconnu que les emballages n’étaient pas là et qu’elles se trouvent dans les mains des clients. Je dis qu’il n’y a pas de problème ; comme on ne t’a pas permis de donner des crédits d’emballages aux clients et que ce sont nos clients, on va sortir avec le camion pour essayer de ramasser les emballages. C’est là qu’il a décidé, sur-le-champ, d’arrêter le travail.

Lefaso.net : C’est lorsque vous lui avez proposé de tourner pour ramasser les emballages qu’il vous a dit qu’il arrêtait… ?

Marie Rose Sanou : Oui. C’est quand je lui ai proposé de faire le tour qu’il m’a dit sur place qu’il arrête le boulot. Je lui ai demandé comment faire maintenant pour récupérer mes emballages, à partir du moment où il décide d’arrêter le travail ? C’est-là que j’ai jugé nécessaire de demander le secours de la police qui est venue le prendre et moi, j’ai démarré pour les suivre. Arrivée, on m’a entendue. Et c’est quand on était en train de l’entendre que j’ai été alertée que ma maison est menacée d’être brulée par ses amis. Ce qui est pernicieux, c’est que mon fils (le DG) joue au ballon avec ces derniers ; ils se connaissent très bien. Malgré tout, ils ont décidé, sans chercher à comprendre quoi que ce soit, de venir incendier ma maison.
Au commissariat le jeudi 22 janvier, j’ai dit que le nommé Wend Yam étant orphelin de père et de mère, je ne souhaiterais pas qu’il soit enfermé ; ma plainte est qu’on m’aide à récupérer mes caisses. Il (Wend Yam) a dit qu’on pouvait récupérer la moitié et que le reste, on va voir. C’est en ce moment qu’il a envoyé des messages à ses amis qui ont convergé chez moi pour vouloir brûler ma maison. Quand on m’a appelée pour dire qu’on voulait incendier ma maison, je me suis posée la question de savoir pourquoi on voulait la brûler ? Quand je suis arrivée chez moi, les voisins avaient fait une haie pour les empêcher de parvenir à leur fin et la CRS (Compagnie républicaine de sécurité) était aussi-là. Ce sont les voisins qui m’ont protégée, puis la CRS est arrivée par la suite.

Lefaso.net : Combien étaient les manifestants, à peu près ?

Marie Rose Sanou : Plus de 500 personnes maintenant ; ils sont venus au départ au nombre de 40 environ. Mais, quand la CRS est venue, et comme la maison est située au bord de la voie, les passants s’arrêtaient et ils ont aussi, de par leur intoxication, rallié des gens à leur cause. Ils étaient donc là, avec des slogans d’injures à mon encontre. Donc, le lendemain vendredi 23 janvier, on est reparti au commissariat et Wend Yam est resté sur ce qu’il avait dit. On a perdu vingt- quatre palettes et lui, il dit qu’il peut nous remettre treize palettes. Donc, il reconnaît mais il ne peut nous remettre que treize. Quand on a fini, des journalistes ont recueilli mes propos devant la porte, sept de ses copains étaient-là, arrêtés avec des pancartes sur lesquelles il était écrit : « je suis Wend Yam ». Ils m’ont dit que eux, ils ont balancé ça sur l’Internet…etc. ; je ne sais pas ce que ça veut dire.
Je voudrais vraiment, en toute sincérité, inviter l’ensemble des populations burkinabè pour qu’ensemble, nous revoyions notre façon de nous y prendre face à certaines situations. Si aujourd’hui, c’est moi qui avais volé, qui avais fait perdre les biens d’une autre personne, on devrait me sanctionner. Aussi, même que pour le cas de Wend Yam, il n’a pas été sanctionné. Je demande simplement aux autorités compétentes, que la lumière soit faite pour situer chacun. Aujourd’hui, je me pose la question pourquoi des enfants de mon quartier (ils sont à environ un kilomètre de chez moi) veulent venir brûler chez moi. Ça pouvait conduire à un affrontement parce que mon entourage, le voisinage aussi s’est opposé.
Après avoir tenté de brûler, ils reviennent maintenant pour demander pardon. Au commissariat, leur porte-parole est venu s’agenouiller pour dire qu’ils sont venus me voir parce que je suis leur maman, qu’ils sont venus me demander pardon (c’était le vendredi). Je lui ai tout simplement dit qu’il ne m’a pas considérée comme sa maman, parce qu’il m’a insultée, honnie et menacé de brûler ma maison. Je lui ai dit que je suis mère et qu’en aucun cas je ne peux refuser le pardon, mais qu’il faut d’abord que la lumière soit faite. C’est après ça encore qu’ils sont ressortis avec leurs pancartes. Celui qui a pris la parole devant la presse comme le représentant (des manifestants) a dit qu’ils sont eux-mêmes venus au commissariat et qu’ils ont su maintenant la vérité. Je dis mais, il fallait commencer d’abord par savoir le nœud du problème avant de dire que vous allez incendier ma maison. Ils ont fait savoir aux gens, aux passants, que Wend Yam n’a volé que deux caisses. Pourtant, on est à plus de 1000 caisses mais malgré ça, j’ai dit à la police de ne pas l’inquiéter. J’ai dit que le peu que j’arriverais à récupérer, je prendrais. J’ai même rassuré son oncle pour ça. Je ne sais donc pas pourquoi on doit venir brûler ma maison ?

Lefaso.net : Avez-vous eu des disputes avant cette date, des griefs avec des gens ?

Marie Rose Sanou : Non, pas du tout. C’est pourquoi je dis que je ne comprends rien du tout. C’est pour cela que je cherche à comprendre. Ils disaient que moi, j’enferme les gens et qu’aujourd’hui ce sera la dernière fois. J’invite quiconque de donner un seul nom de personne que j’ai enfermé dans le quartier. Je n’ai aucun problème avec mon entourage, au quartier. Je respecte même le plus petit parce que le respect est mutuel.

Lefaso.net : A partir de quelle date vous avez constaté que les caisses ont disparu ?

Marie Rose Sanou : Personnellement, c’est à partir de début janvier 2015. Mais mon fils, le DG, a dit que c’est depuis juillet 2014 qu’il a constaté une perte et qu’il l’avait mis en garde. Le problème, comme Wend Yam est orphelin de père et de mère, il y a un sentiment qui s’est installé. Mais, on ne savait pas qu’il était capable de cela.
Ce qui m’étonne encore plus est qu’il y a, parmi les amis de Wend Yam, des gens qui venaient travailler à l’espace Dieudonné et qui prenaient 5000 francs CFA par séance. Mais, ils avaient des tenues qui ne correspondaient vraiment pas au travail, parce que pour servir, il faut quand même un minimum de propreté pour le respect même du client. Je leur ai donc fait savoir à maintes reprises qu’ils pouvaient, avec ce que je leur donnais, se payer ne serait-ce qu’une chemise acceptable. Et comme ça persistait, mon fils a fini par ne plus faire appel à leur service.

Lefaso.net : Pensez-vous que cela explique la situation… ?

Marie Rose Sanou : C’est aussi la question que je me pose. Parce qu’avant, quand ils venaient, ils travaillent et à la fin on leur donne leur argent et ils partent. Quand il y a un dîner-gala ça fait 10000 francs CFA par séance, un mariage simple fait 5000 francs CFA. Cela fait environ six mois qu’on ne leur fait plus appel.
Lefaso.net : Combien étaient-ils à travailler en son temps ?
Marie Rose Sanou : Une dizaine de personnes. Et toutes ces personnes étaient dans le groupe des manifestants qui sont venus chez moi pour brûler.

Lefaso.net : Où était votre fils le jeudi 22 janvier lorsque vous discutiez avec Wend Yam ?

Marie Rose Sanou : Il était-là, et il s’est même énervé parce que le comportement de Wend Yam n’était pas du tout correct. C’est là que je lui ai dit qu’il faut qu’on trouve la solution devant les autorités compétentes. Je lui ai dit de laisser pour qu’on aille à la police, l’autorité compétente. Vraiment, on est tous déçus…

Lefaso.net : Est-ce qu’avant tout cela, votre fils a eu un jour à vous signaler un manquement dans le comportement de Wend Yam ?

Marie Rose Sanou : Non. Le DG savait bien que si j’apprenais qu’il y avait problème, Wend Yam allait partir. Donc, il le couvrait en quelque sorte. Et quand il y a un petit problème, sa grand-mère vient intervenir (rencontrer mon fils).

Lefaso.net : Avant cette situation, y-a-t-il eu des cas où la grand- mère est intervenue... ?

Marie Rose Sanou : Avant même que les gens (les manifestants) arrivent ici, la grand-mère était passée pour me voir (quand elle a appris que je suis avec son petit fils au commissariat) et on lui a fait savoir que je n’étais pas à la maison. J’ai même dit au commissariat que si Wend Yam y restait, sa grand- mère va en souffrir et que moi-même, je ne supporterais pas de voir sa grand- mère dans un état pareil.

Lefaso.net : Avant le jeudi 22 janvier, la grand- mère a-t-elle eu à intervenir … pour manquement quelconque ?

Marie Rose Sanou : Avec mon fils, oui. Mais pas avec moi. La cave, c’est mon fils qui la gère. Il y avait quelqu’un d’autre qui gérait les caisses mais il est reparti à l’école. Sinon, depuis que la cave existe, en 2000, c’est ce dernier qui l’a toujours gérée (la boisson et les caisses). Quand mon fils a fini ses études, il est venu pour relancer la cave ; donc il a recruté des gens pour ajouter au personnel existant.

Lefaso.net : Depuis quand Wend Yam travaille avec vous ?

Marie Rose Sanou : Une année et quelques mois. En juillet dernier, on a payé des emballages de vingt millions de FCFA. Et pour moi, ces emballages étaient dans la cave en train de « rouler ». Pendant les fêtes de fin d’année, j’ai déboursé encore dix millions pour la boisson et les emballages. Après l’opération, on devrait me remettre l’argent des emballages et de la liquidité. Mais on m’a remis la liquidité sans l’argent des emballages. C’est ce qui m’a tiqué et je me suis déplacée sur les lieux pour vérifier. Wend Yam a lui-même déclaré dans certains organes de la place que le directeur général pouvait faire un mois sans venir à la cave. Si le directeur général peut le faire, c’est grâce à la confiance qu’il a placée à lui. Mais lui, il a profité de ce temps pour poser ses actes. Wend Yam et mon fils se sont connus dans le quartier, il y a bien longtemps ; ils jouaient au ballon ensemble. C’est cette amitié qui a prévalu à son embauche. Sinon, personnellement, je n’embauche pas quelqu’un sans savoir qui il est. Aujourd’hui, les gens viennent me reprocher qu’ils ne savaient pas que c’était ce petit-là, qu’ils le connaissent très bien...

Lefaso.net : Wend Yam avait-il été recruté pour occuper ce poste à l’Espace Dieudonné ?

Marie Rose Sanou : Quand on l’a recruté, c’était pour la livraison. Il a demandé à ce qu’on lui paie un taxi moto pour qu’il livre en même temps les caisses. Malgré tout ça, quand il revenait avec son taxi moto avec les caisses manquantes, le caissier le lui signifiait. Il pensait que comme il avait un niveau d’étude supérieur à celui du caissier, il pouvait tromper sa vigilance. Mais, le caissier a bien tenu son cahier, il notait.

Lefaso.net : Le caissier ou le DG vous avaient-ils signalé ce manquement ?

Marie Rose Sanou : J’ai été informée et j’y ai été quelquefois pour demander. Si j’arrive, je demande pourquoi la cave est vide. A chaque fois, on me dit que les caisses sont chez les clients.

Lefaso.net : C’est Wend Yam qui vous rassurait ainsi ?

Marie Rose Sanou : Oui. Et dans les médias, il affirme que lui, il ne m’avait jamais vue (qu’il ne me connaissait pas avant le 22 janvier 2015). Pourtant, il n’y avait pas longtemps, je l’ai appelé pour venir ramasser du ciment pour envoyer sur un chantier.

Lefaso.net : Avez-vous souvent de petits problèmes avec certains de vos employés ?

Marie Rose Sanou : Non, pas du tout. Vous savez, le travail que nous faisons est très difficile. Mais, ce que les gens me reprochent, c’est même de gérer mes travailleurs comme une famille. Même quand un employé est malade, ça me donne de la peine ; je fais des pieds et des mains pour les soins. Mais, je suis quand même rigoureuse dans le travail. Il y a quelques années de cela, un de mes employés avait soustrait environ 500 caisses et quand on a échangé, il a fini par avouer. Mais aujourd’hui, il travaille toujours avec moi ; je ne l’ai pas laissé. Quand il a commis l’acte, ses frères sont même venus me dire qu’il a volé mais qu’ils me demandent de le laisser travailler et couper progressivement dans son salaire. C’est ainsi qu’après trois mois, j’ai laissé tomber le reste. Cela fait plus de sept ans maintenant, mais il est toujours avec moi. Il s’est racheté en termes de comportement et on vit comme dans une famille. J’ai même augmenté son salaire pour qu’il puisse faire face encore à ses charges familiales.
Mais, cette fois, avec Wend Yam, les caisses sont vraiment beaucoup et s’il décide d’arrêter le boulot sur-le-champ, c’est qu’il s’est préparé pour arrêter. Voilà pourquoi j’ai demandé à la police de m’aider à récupérer le peu ; le reste, je laisse avec le Bon Dieu.

Lefaso.net : L’affaire est à quel niveau aujourd’hui ?

Marie Rose Sanou : L’affaire suit son cours. Je souhaite simplement, et sincèrement, que la lumière soit faite.

Lefaso.net : Wend Yam est-il au commissariat ou … ?

Marie Rose Sanou : Il n’était même pas au commissariat. Quand je suis arrivée, ma plainte était qu’on m’aide à récupérer mes caisses. J’ai même dit à son oncle que mon intention était simplement de récupérer les caisses. Maintenant, c’est l’autorité (la police) qui décide ; ce n’est pas moi qui décide de la conduite à tenir, c’est-à-dire le garder ou ne pas le garder. On s’explique et c’est à la police de voir le degré du problème et la conduite à tenir. C’est pendant qu’on s’expliquait le jeudi 22 janvier, qu’on a appris que ses amis allaient pour brûler chez moi et la police avait décidé de le garder. Mais après, elle l’a relâché. Et quand il est arrivé devant ma cour, ses amis qui manifestaient l’ont soulevé pour faire le tour de ma maison comme un héros, faire des acrobaties jusqu’à chez lui, comme si c’était un marié qu’on accompagnait. L’affaire suit donc son cours et aujourd’hui mardi 27 janvier, ils doivent sortir avec lui pour ramasser les caisses. Je demande simplement aux autorités compétentes que la lumière soit faite.
Je travaille, et le peu que Dieu me donne, je pratique ma foi en me disant que ce que Dieu m’a donné, c’est pour que j’aide les orphelins, les personnes qui sont dans le besoin. Et je me suis investie dans ce domaine. Tout récemment, j’ai été marraine des orphelins … , des femmes de la prison civile où on est allé faire notre arbre de Noël, à Tanghin (centre Delwendé) etc. Je vis ma foi. Je suis la présidente de l’association des veuves des femmes catholiques de la Paroisse Saint Camille, et la marraine également de la Chorale Marie Reine.

Ces manifestants, en mentant aux gens, aux passants, ont voulu les monter contre moi, les instrumentaliser. Mais, je continue de me poser la question de savoir pourquoi ?

On a une association de bon voisinage qui œuvre pour ce genre de situations et je pense qu’ils pouvaient même saisir le président de cette association au lieu de s’adonner à de tels comportements. Mais, les membres de l’association n’ont pas été saisis de quoi que ce soit ; ils ont appris, ils sont venus chez moi et on se regardait, sans savoir ce qui se passe.
Je voudrais vraiment remercier la jeunesse de mon quartier, remercier les vieux et les vieilles qui se sont vite engagés pour empêcher que ma cour parte en fumée.
Je souhaite donc que toute la vérité soit mise à nue et je demande aux autorités de se pencher sur ce genre de situations qui sont fréquentes dans le pays. Je pense que les autorités sont sur la bonne piste pour pouvoir mettre fin aux esprits de vengeance, de justice privée, etc.

Propos recueillis par Oumar Ouédraogo
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