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Diaspora : Le Comité international Joseph Ki-Zerbo revisite l’insurrection populaire d’octobre 2014

Publié le jeudi 4 décembre 2014 à 18h28min

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Diaspora : Le Comité international Joseph Ki-Zerbo revisite l’insurrection populaire d’octobre 2014

« Burkina Faso, un mois après l’insurrection populaire d’octobre ». C’est sous ce thème que le Comité international Joseph Ki-Zerbo pour l’Afrique et la diaspora (CIJKAD) a convié ses militants et sympathisants à un débat organisé le 29 novembre à Paris. Selon la chargée de la communication et des relations extérieures, porte-parole du CIJKAD, Adissa Alira, l’objectif de la rencontre est de « mieux comprendre ce qui s’est passé au Burkina, débattre de la transition en cours et explorer des pistes pour réparer les crimes politiques et économiques qui ont été commis dans le passé ».

Newton Ahmed Barry du journal l’Evènement et Vincent Ouattara, professeur à l’université de Koudougou et auteur du brulot, « L’ère Compaoré ; crimes politiques et gestion du pouvoir », publié en 2006, ont été les principaux orateurs du débat.
Le premier a apporté un témoignage sur les évènements qui ont précédé l’insurrection du 30 octobre, la détermination des jeunes dans les quartiers à faire barrage à l’adoption de la loi et qui contrastait avec l’insouciance des députés de la majorité, incapables qu’ils étaient de prendre la mesure de la gravité de la situation. « A l’hôtel Azalai, raconte t-il, j’ai vu des députés heureux d’être là, en train de manger des brochettes et boire la bière, le tout dans une ambiance joyeuse  ».

En dépit du dispositif de sécurité mis en place le 29 octobre au soir, les manifestants sont parvenus très rapidement à pénétrer dans l’enceinte de l’assemblée et certains députés ont dû escalader les murs pour échapper à leur colère.
Vincent Ouattara a insisté sur les causes profondes des évènements d’octobre, notamment les crimes politiques et économiques restés impunis, les injustices sociales et l’absence de perspective pour une partie de la jeunesse.
Les deux orateurs sont du même avis : les choses sont allées trop vite et les forces politiques de l’opposition qui avaient mené la fronde depuis des mois ont été prises de court. D’où le cafouillage auquel on a assisté le 30 et le 31 octobre, avant que l’armée ne prenne les choses en mains, non sans avoir elle aussi, surmonté ses divisions, notamment entre les éléments du Régiment de sécurité présidentielle et l’état-major. Plusieurs participants sont intervenus pour saluer le courage du peuple burkinabè et ont souhaité que d’autres peuples en fassent autant, aussi bien sur le continent que partout dans le monde où des régimes imposent leurs lois contre la volonté de la population. « Le crime n’a pas payé et ne paiera jamais », a lancé Elikia Mboko, historien congolais (RDC) et directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) de Paris. Puis, il met engarde : « Attention à la contre-révolution, car d’où sortent les partis d’opposition ? Peuvent-ils incarner l’alternative au système décadent ? »

A ceux qui seraient tentés de penser que la déconstruction du régime déchu se ferait rapidement, laissant la place à un régime réellement démocratique pour lequel les Burkinabè se sont mobilisés, Darwis Khudori, professeur à l’Université du Havre d’origine indonésienne met, lui aussi en garde : « En Indonésie, 240 millions d’habitants, la chute de Sukarno en 1998 après plus de trente ans de règne, chassé lui aussi par des jeunes mécontents, n’a pas débouché toute suite sur le changement espéré. Il a fallu attendre 2014 avec l’élection de Joko Widodo, un homme d’affaires reconverti dans la politique pour voir un début de changement. Combien de temps faudra t-il pour que le vrai changement intervienne au Burkina ? C’est aux Burkinabè de répondre à cette question, mais le succès ne peut venir que du dynamisme local comme ça s’est passé en Indonésie  ».

Créé en mai 2008 pour coordonner l’action des amis du professeur Joseph Ki-Zerbo, le CIJKAD a profité de l’occasion pour rendre publique une déclaration sur la situation nationale au Burkina. Dénonçant « le système politique verrouillé [sous Blaise Compaoré] et qui avait pour contrepartie la mainmise de la classe dirigeante sur l’économie nationale, d’où une corruption endémique, le trafic d’influence, le bradage des richesses nationales et l’enrichissement scandaleux d’un clan », le CIJKAD énumère les défis à relever par l’équipe de la transition. A commencer par l’adoption d’une stratégie de lutte contre l’impunité, la mise en place d’un comité ad hoc sur les atteintes aux droits de l’homme ouvert à la société civile, un hommage aux victimes du 30 et 31 octobre et des luttes antérieures et une évaluation de l’impact des pillages et dégradations matériels commis en marge de l’insurrection populaire.

Au plan politique et économique, le CIJKAD recommande l’autorisation des candidatures indépendantes lors des élections législatives et municipales, et le renforcement de la décentralisation qui contribue à rapprocher les électeurs des élus, l’Etat des administrés. Enfin, le Comité juge urgent d’assainir le secteur minier et les autres secteurs des industries extractives en réexaminant les contrats d’exploitation et en les rendant publics. Tout en se réjouissant que la Charte de la transition ait prévu le vote des Burkinabè de l’étranger, le CIJKAD regrette cependant l’absence de la diaspora dans les organes de la transition. Solidaire des blessés, le Comité va apporter sa contribution financière à leur prise en charge. Il invite les acteurs des évènements récents « à documenter les journées d’octobre et leur genèse en vue d’édifier les démocrates du continent et de la diaspora. Il souscrit à l’appel lancé par le Centre Norbert Zongo pour recueillir les documents collectés ».

Joachim Vokouma
Lefaso.net (France)

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