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Vol AH 5017. L’axe Ouagadougou-Paris marginalise l’axe Alger-Bamako (3/7)

Publié le lundi 4 août 2014 à 22h45min

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Lundi 28 juillet 2014. Journée chômée à Ouagadougou. Fête de l’Aïd, la fin du Ramadan. Les rues de la capitale burkinabè sont désertes, elles, d’ordinaire, si animées : autos, motos, vélos, piétons. Le vol AH 5017 s’est crashé au Mali voilà déjà cinq jours mais les effets collatéraux de cette affaire se font encore sentir. Les Burkinabè, les Français, les Libanais… morts dans cette tragédie avaient des familles, des amis, des connaissances… qui témoignent à la RTB de ce que « ce sont toujours les meilleurs qui partent les premiers ».

Le week-end, ici, se déroule sans presse ; Aïd oblige, trois jours sans journaux. Les quotidiens le sont de moins en moins. Sur les télés, le crash de l’AH 5017 occupe encore les écrans. La France découvre Ouagadougou, l’hôtel Laïco à Ouaga 2000, Blaise Compaoré…, dans les restaurants de la capitale, à commencer par Le Capuccino (qui, en ce jour d’Aïd est ouvert mais arbore un voile noir sur la porte tandis que les serveurs portent un brassard de deuil) on croise un paquet de journalistes français qui n’entendent pas rater cette occasion d’une virée au « Pays des hommes intègres ». C’est à Ouaga que ça se passe et nulle part ailleurs.

A Bamako, capitale du Mali où le vol AH 5017 s’est crashé, on se contente de faire de la figuration. Le déplacement d’Ibrahim Boubacar Keïta à Gao a été zappé par les télés françaises et étrangères. Le Mali est pourtant responsable de l’enquête technique et juridique puisque c’est sur son territoire que l’avion s’est écrasé. Mais ce pays n’a même pas les moyens d’autopsier un dromadaire alors il a fallu que Bamako demande, une fois encore, l’assistance de la France. C’est dire que Paris, comme Ouagadougou, quelles que soient les déclarations officielles, occupe le terrain sans vraiment se soucier de la souveraineté malienne. IBK en éprouve de l’amertume. Mais le contexte qui prévaut actuellement à Bamako l’oblige à faire profil bas.

Après tout, avec cette « affaire », les médias internationaux oublient ce qui se passe (mal) dans la capitale malienne depuis quelques semaines. IBK n’a donc pas droit à la visite d’un ministre français, pas même d’une secrétaire d’Etat, et doit se contenter de l’escale dans sa capitale d’une délégation algérienne conduite par le ministre des Transports, Amar Ghoul, accompagné comme il se doit, d’une « équipe multidisciplinaire » comprenant les représentants de l’armée (ANP), de la police et des « services », le PDG d’Air Algérie et le directeur général de la navigation aérienne. « Ce qui devra être fait le sera » affirmera IBK à qui, malheureusement, personne ne demandera de faire quoi que ce soit. Il en profitera cependant pour affirmer sa souveraineté alors que vient de s’achever, dans un silence médiatique assourdissant (l’affaire AH 5017 occupe tous les médias), la conférence d’Alger sur le dossier malien. « Si j’avais choisi l’Algérie pour abriter ces pourparlers, ce n’est pas le fait du hasard. Ceci procède d’une confiance totale en l’Algérie et en son président Abdelaziz Bouteflika ». C’est ce qu’on appelle réécrire l’Histoire.

Le Mali, où est tombé l’avion, et l’Algérie, sa destination finale, sont d’autant plus absents médiatiquement qu’un homme s’est imposé comme l’interlocuteur incontournable : le général de brigade Gilbert Diendéré. Il préside le comité de crise burkinabè. C’est lui qui, dès le jeudi 24 juillet 2014, s’est présenté au journal de 20 h de la RTB, avec à ses côtés, cependant, Alain Edouard Traoré, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, pour expliquer que le Burkina Faso était en pointe dans la résolution de cette dramatique affaire.

Voir débouler, jour après jour, Diendéré sur les écrans, dialoguer avec la presse internationale (il a sans doute parlé avec plus de journalistes en quelques jours qu’en plusieurs décennies !), avoir de la considération pour les uns, de la compassion pour les autres, sourire, expliquer, être grave quand il le faut, didactique, pragmatique, clair, net et précis, explicatif, accepter les questions et y répondre, plus encore sous les projecteurs, tout cela avait un côté irréaliste.

Diendéré, dit-on, aurait été, il y a plus de trente ans, le cinquième homme de la « Révolution » : après Sankara, Compaoré, Zongo, Lingani. Un « homme de l’ombre », ajoute-t-on. Il est l’actuel chef d’état-major particulier du président du Faso, toujours patron du Régiment de la sécurité présidentielle (RSP) qui s’est pourtant mutiné, lui aussi, en 2011, patron également des Renseignements généraux, de tous les renseignements généraux, ayant l’œil, en permanence, sur la situation sécuritaire au Mali depuis sa « base » de Ouahigouya, « capitale » de la province du Yatenga.

On l’a vu, ces dernières années, filmé devant un hélico lorsqu’un otage « occidental » était récupéré grâce à une médiation burkinabè dans le Nord-Mali. Bref, un authentique homme de terrain très discret. Il s’est retrouvé sous les projecteurs dès lors qu’il préside le Comité de crise, dont pas grand monde au Burkina Faso ne devait savoir avant cela qu’il existait, qu’il avait en charge les problèmes de sécurité aéronautique (aviation civile), qu’il se réunissait régulièrement et mettait en œuvre des exercices de gestion de crise.

« Le général Gilbert Diendéré, chef d’état-major particulier du président burkinabè Blaise Compaoré » (Le Monde de ce soir, daté du mardi 29 juillet 2014) est devenu la personnalité qui organise, sur le terrain malien, les opérations des sauveteurs tout comme le déplacement sur le site des journalistes et des familles. Quand Christophe Châtelot, l’envoyé spécial à… Bamako du quotidien Le Monde, veut savoir, sur le site d’Alglinta, du côté de Gossi, ce que les familles peuvent espérer, c’est à Diendéré qu’il s’adresse. « Je ne pense pas qu’on puisse reconstituer les corps, ils ont été éparpillés, dispersés. Je ne suis pas sûr qu’on puisse en retrouver certains ».

C’est aussi le point de vue du colonel français Patrick Touron. « On a un choc brutal qui a pulvérisé l’avion en fragments qui ne dépassent pas 10 ou 20 cm. Les passagers ont subi le même sort ». Touron est un gendarme qui a vingt-cinq ans de service mais c’est aussi le titulaire d’un 3è cycle de criminalistique chimique ; il a été chef de la division criminalistique, physique et chimie de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale à Rosny-sous-Bois. Il est aujourd’hui directeur adjoint de l’Institut de recherches criminelles de la gendarmerie nationale (IRCGN). C’est un spécialiste de l’identification des corps fragmentés et c’est à ce titre qu’il est le patron sur le terrain où la zone de crash a été délimitée, à environ 80 km au Sud/Sud-Ouest de Gossi, non loin de Ndaki, une zone de vie ayant été installée non loin de là, au Sud-Est de la zone de crash.

C’est pourquoi Touron entend récupérer l’ADN des proches des victimes afin de mener les analyses nécessaires et que François Hollande, lors de la réception des familles de victimes à Paris, a promis de « faire en sorte que les équipes qui sont sur place puissent, le temps nécessaire, faire le travail de regroupement des corps et d’identification ».

Rappelons que cette recherche « humaine » est menée par la Gendarmerie des transports aériens (GTA) dans le cadre d’une enquête préliminaire pour « homicides volontaires » ouverte dès le crash par le parquet de Paris, tandis que l’enquête technique est assurée par le Bureau d’enquêtes et d’analyses français (BEA) à la demande des autorités maliennes. Les deux boîtes noires sont d’ailleurs, dans cette douloureuse affaire, les seuls trophées que peut exhiber Bamako, ce que ne se sont pas privés de faire (on se demande bien pourquoi), Mamadou Hachim Koumaré et Amar Ghoul, les ministres malien et algérien des Transports, le dimanche 27 juillet 2014, dans la soirée devant les caméras et les photographes.

* Patrick Touron a été un sujet de polémique quand il commandait le groupement de gendarmerie départemental du Bas-Rhin, poste qu’il a occupé pendant quatre ans. Le groupement avait adressé en 2011 aux maires des communes du Bas-Rhin, en vue d’une mise en garde à la suite d’exactions généralisées, un message à vocation confidentielle leur demandant de « dénoncer les individus d’apparence pays de l’Est ». Mais le maire de Kirrwiller, village d’Alsace, avait considéré devoir rendre la missive publique, ce qui n’avait pas été du meilleur effet.

Jean-Pierre BEJOT
LA Dépêche DIplomatique

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Vos commentaires

  • Le 4 août 2014 à 20:15, par Jeanine Debo En réponse à : Vol AH 5017. L’axe Ouagadougou-Paris marginalise l’axe Alger-Bamako (3/7)

    Pourquoi chercher à humilier le Mali ???
    Avion Algero Espagnol passagers français libanais burkinabe pourquoi voulez vous que le Burkina ne soit pas en pointe ? ???

  • Le 4 août 2014 à 22:40, par CH En réponse à : Vol AH 5017. L’axe Ouagadougou-Paris marginalise l’axe Alger-Bamako (3/7)

    tu comprends bien que tes écrits sont faites de louange aux hommes du regime impliqués dans des trafiques de toutes sortes.cet pourvoir a semé la graine de la terreur dans plusieurs pays ,donc le mali est une victime de plus ;en fait qui profite les désordres ?REGARDE BIENNNNNN

  • Le 6 août 2014 à 14:45, par Moud En réponse à : Vol AH 5017. L’axe Ouagadougou-Paris marginalise l’axe Alger-Bamako (3/7)

    Mais bon Dieu. Qu’est-ce qu’il a à nous chercher noise avec le Mali. Et puis, ce trafic d’otages, on n’est pas dupe ! C’est une histoire de gros sous. Et le Gal et son maitre, ils empochent certainement des pourcentages. Et ça, les diplomaties occidentales le savent. Y compris leur rôle dans les différentes crises de la sous-région : Libéria, Sierre Léone, CI, Mali, Angola... Mais comme ils font encore leur affaire ! Jusqu’au jour où... Et Bejot à beau écrire, ça changera rien.

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