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Alain Yoda entreprend de « serrer les boulons » au CDP après le départ de la « troïka » et de quelques autres (2/2)

Publié le mercredi 26 mars 2014 à 03h29min

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Alain Yoda entreprend de « serrer les boulons » au CDP après le départ de la « troïka » et de quelques autres (2/2)

Le dimanche 10 juin 2007, Tertius Zongo forme son premier gouvernement. Qui comprend deux ministres d’Etat : Salif Diallo, ministre de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources halieutiques ; Alain Yoda, ministre de la Santé. Pour Yoda, ce titre de ministre d’Etat est une première. Ils ne sont pas nombreux à avoir eu ce privilège sous le régime de Compaoré.

Avant lui, huit ministres seulement en ont bénéficié. Les têtes d’affiche que sont Christian Marc Roch Kaboré, Salif Diallo et Bongnessan Arsène Yé ; Youssouf Ouédraogo parce que revenu au gouvernement (Affaires étrangères) après avoir été premier ministre ; Hermann Yaméogo et Ram Ouédraogo au nom de l’ouverture à « l’opposition ». Avant eux, il y avait Kanidoua Nabaho et Ousmane Ouédraogo. Je ne pense pas en avoir omis !

Le mercredi 3 septembre 2008, il ne reste qu’un seul ministre d’Etat. Salif Diallo n’est plus au gouvernement. Yoda est ministre d’Etat avec en charge le portefeuille des Affaires étrangères et de la Coopération régionale. Il prenait ainsi la suite de Djibrill Y. Bassolé qui s’était vu confier, conjointement par les Nations unies et l’Union africaine, le dossier du Darfour.

L’arrivée de Yoda aux affaires étrangères se situe dans un contexte toujours délicat. Montée en puissance d’AQMI dans le « corridor sahélo-saharien » ; persistance des tensions politiques en Côte d’Ivoire où la présidentielle était toujours à venir ; transition à risques en Guinée ; médiation au Togo ; candidature de Kadré Désiré Ouédraogo à la présidence de la commission de la Cédéao… « Je ne connais rien à la diplomatie » avait dit Yoda lors de son installation. Une démarche « tactique » commentera-t-il plus tard. « Quand on arrive dans un secteur qui n’est pas celui qu’on maîtrise à priori, et si de surcroît on se comporte comme un grand manitou, on se met à coup sûr dans une position difficile ».

C’est aussi le moment où le Burkina Faso avait été appelé à siéger au Conseil de sécurité des Nations unies en tant que membre non permanent. Les 2, 3 et 4 décembre 2010, il va présider les cérémonies du cinquantenaire de la diplomatie burkinabè. Quelques semaines plus tard, le dimanche 16 janvier 2011, Yoda sera reconduit dans ses fonctions. Pour peu de temps. Les « mutineries » vont éclater et bouleverser la situation politique du pays. Tertius Zongo est remplacé à la primature par Beyon Luc Adolphe Tiao et, dans le gouvernement formé le jeudi 21 avril 2011, Yoda rendra le portefeuille des Affaires étrangères et de la Coopération régionale à Bassolé. Une page se tourne.

2010 était une année présidentielle. Blaise Compaoré avait été réélu sans surprises et sans susciter de passion particulière. Yoda, secrétaire à l’information et à la communic ation du CDP, le parti présidentiel, n’avait pas manqué de faire la tournée des médias burkinabè pour y porter la « bonne parole ». Notamment sur l’article 37 qui, déjà, suscitait bien des débats. « L’article 37 n’est pas sacré. Il y a seulement trois dispositions pour lesquelles la Constitution estime qu’il ne peut y avoir modification : la forme républicaine de l’Etat, l’intégrité du territoire et le multipartisme » avait-il ainsi affirmé le mercredi 17 mars 2010 alors qu’il conduisait une mission (« constituée par le président Roch Marc Christian Kaboré, président du CDP » avait-il tenu à préciser dans le Livre d’Or) chargée d’une visite de courtoisie au quotidien privé burkinabè L’Observateur Paalga.

Après quinze années passées au gouvernement, Yoda se retrouve disponible pour le combat politique stricto sensu. La période s’y prête. Après les « mutineries », qui ont traumatisé le pays, le débat va porter sur le Sénat et la révision de l’article 37 qui limite à deux le nombre de mandats présidentiels. Ce débat est « l’arbre qui cache la forêt ». Les questions institutionnelles permettent à l’opposition de faire l’impasse sur les préoccupations sociales des Burkinabè : la vie chère et les dégâts collatéraux causés par l’évolution du pays. Et l’absence de programme alternatif de l’opposition dont le seul mot d’ordre est l’alternance.

Un chiffre traduit l’extrême difficulté à laquelle est confronté le pays : 72 % de sa population a moins de 30 ans ! Il faut des écoles primaires mais aussi des grandes écoles et des universités, des équipements et des infrastructures, des centres de santé et des hôpitaux, des entreprises également et, surtout, des emplois. Le « Pays des hommes intègres » est passé, sans trop de dégâts humains, de l’Etat d’exception à l’Etat démocratique quand, autour de lui, tout s’effondrait ou presque. Il lui reste à structurer une croissance tributaire de quelques produits (coton, or…) et des transferts de la diaspora tout en évitant les dérives inhérentes aux connexions affairo-politiques.

Quand il quitte le gouvernement, Yoda n’est plus qu’un député et un cadre dirigeant du CDP. Il est membre du Bureau politique et du Secrétariat exécutif national, secrétaire à la communication, porte-parole du parti, commissaire politique régional du Centre-Est. Il va préparer le Vème congrès de 2012 martelant que le CDP « est un grand parti » et que c’est le congrès et personne d’autre qui décide des nominations à sa tête : « Le Congrès est la seule instance qui décide de l’orientation du parti pour les trois années à venir ». Il entend réaffirmer la ligne politique du CDP : « la social-démocratie ». Il y a, bien sûr, la perspective du départ annoncé de Kaboré de la direction du parti (« Le CDP ne sera pas orphelin si le président actuel du parti ne se représentait pas ») et celle du retour de Salif Diallo suspendu pour avoir « transgressé les règles de discipline du parti » mais « qui ne peut pas ne pas jouer un rôle au sein du CDP dont il est membre fondateur ».

Le Congrès va propulser Assimi Kouanda à la direction du parti. Mais l’ambiance y est, désormais, délétère. Yoda tentera de rassurer élus et militants : « Il n’y a pas de nuages au sein du CDP, encore moins de divisions ou de défections. Nos adversaires font dans la désinformation et prédisent l’apocalypse, mais notre parti est plus fort que jamais » (cité par Cyrille Zoma, L’Observateur Paalga du mercredi 23 mai 2012).

2014 précédant tout juste 2015, année présidentielle, les tensions vont s’exacerber. Non seulement entre le pouvoir et l’opposition mais au sein du CDP. A la suite du départ de la troïka, et alors que le parti présidentiel semble tanguer dangereusement, c’est Yoda, président du groupe parlementaire CDP à l’Assemblée nationale, qui va « serrer les boulons ». « C’est nous qui avons la légitimité populaire. Nous avons 70 députés, plus de 12.000 conseillers municipaux, 12 conseillers régionaux sur 13. Je ne sais pas ce que vous voulez maintenant comme légitimité » va-t-il proclamer lors des premières journées parlementaires de l’année 2014 (3/4 mars) à l’adresse des députés du CDP.

Sa ligne d’action tient en deux mots : « constance politique ». Il y a des « personnalités » qui s’agitent ; mais c’est le parti qui tient la barre et il n’entend pas la lâcher. « On parle de concertations, on parle de dialogue ; il faut savoir comment le dialogue se construit, comment il est mené. On parle de la paix sociale ; il faut savoir comment elle peut résister au temps, quelles sont les conditions pour qu’elle puisse résister au temps […] Les membres du groupe parlementaire CDP ont une culture politique aujourd’hui qui leur permet de tenir tous les débats et j’en suis très fier ».

Yoda, qui a participé au pouvoir au temps de Kaboré, Diallo, Simon Compaoré, etc. et les connaît donc bien, se retrouve, eux étant partis, un des cadres politiques les mieux aguerris en matière politique stricto sensu et organisationnelle. 2014 est, pour lui, une réelle opportunité de revenir sur le devant de la scène. Il a, en matière politique, cette rigueur et cette intransigeance qui n’est pas celle des apparatchiks du CDP. On le dit « mal aimé », peu enclin à susciter la sympathie. Aux jours d’aujourd’hui, ce n’est peut-être pas les pires défauts alors qu’il faut refaire du CDP un outil de combat politique et pas seulement une « caisse enregistreuse ».

A suivre

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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