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Alain Yoda entreprend de « serrer les boulons » au CDP après le départ de la « troïka » et de quelques autres (1/2)

Publié le mardi 25 mars 2014 à 05h51min

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Alain Yoda entreprend de « serrer les boulons » au CDP après le départ de la « troïka » et de quelques autres (1/2)

L’avenue Bassawarga était alors l’axe « triomphal » de Ouagadougou, de la « Patte d’Oie » jusqu’au « Camp Guillaume ». C’est là, enfouis au fond d’un jardin joliment arbusté, que se trouvaient de petits bungalows en rez-de-chaussée. Il s’agissait, en fait, des anciens bureaux de la compagnie aérienne Point Air, filiale du Point Mulhouse. Cette compagnie low cost, avant que le low cost ne soit inventé en matière de transport aérien, avait disparu depuis quelques années déjà, victime de la déréglementation du secteur et des restructurations subséquentes.

Nous étions en 1989. Et c’est la compagnie Naganagani (« Petite hirondelle ») qui avait tenté de prendre la suite de Point Air. Jusqu’à ce que les décisions politiques lui imposent de cesser de voler dans le ciel d’Air Afrique. Nous étions dans la deuxième semaine d’août 1989 et le patron de Naganagani, qui répondait à mes questions, avait l’air d’un gamin échappé de l’école. Le « gamin » était un de ces trentenaires propulsés à la tête des entreprises nationales du Burkina Faso par une « Révolution » dont les animateurs étaient de la même classe d’âge. Alain Yoda, DG de Naganagani, « compagnie aérienne burkinabè », était encore une trentenaire quand nous nous sommes rencontrés. Depuis, il a fait du chemin ; jusque sur le devant de la scène politique, sans pour autant apparaître incontournable. Il faut pourtant, aujourd’hui, compter avec lui.

Né le 31 décembre 1951 à Komtoèga*, dans la province du Boulgou, il est le fils de Sambo Yoda et de Sanloum Denné. C’est à Tenkodogo (à moins de 50 km à l’Est de Komtoèga), la « capitale » du Boulgou, qu’il obtiendra son CEPE en 1963. En 1967, il décrochera le BEPC et en 1970 le baccalauréat série B à Ouagadougou. C’est à l’université de Yaoundé (Cameroun), qu’il obtiendra sa licence de sciences économiques. Il se rendra alors en France, à Clermont-Ferrand, pour y passer un certificat d’aptitude à l’administration des entreprises en 1975, puis un DES de sciences économiques en 1976 et, enfin, un doctorat ès sciences économiques en 1977**. Dans le même temps il sera diplômé de l’Ecole nationale du Trésor public de Paris (1976-1977).

De retour en Haute-Volta en 1978, nommé conseiller des affaires économiques, il va rejoindre le ministère du Commerce, de l’Industrie et des Mines. Il sera secrétaire général permanent à l’homologation des prix, directeur général des prix, directeur général de la Caisse générale de péréquation (CGP), conseiller technique du ministre avant d’être nommé, au lendemain de la « Révolution » conseiller économique et financier à la présidence du Faso. C’est en 1987, qu’il sera nommé directeur général de Naganagani.

La « Rectification » et l’instauration du « Front populaire » vont permettre l’éclosion de nouveaux partis politiques. Face à l’Organisation pour la démocratie et le progrès/Mouvement du travail (ODP/MT), le parti au pouvoir, les formations politiques vont se multiplier, fusionner, scissionner, s’apparenter, divorcer, etc. Yoda va fonder l’Union des démocrates sociaux (UDS) avec Dasmané Zéba (secrétaire général) et Juliette Bonkoungou (présidente). Puis, très rapidement, il va prendre ses distances avec ses partenaires et créer le Rassemblement des sociaux-démocrates indépendants (RSI), un groupuscule dont il va prendre la présidence. Le Boulgou avait alors la réputation d’être « la région la plus politisée par le nombre de partis qui en faisaient leur fief ».

Une nouvelle Constitution a été adoptée le 11 juin 1991, permettant la reprise de la vie parlementaire après douze années de régime d’exception. La première législature de la IVème République débute le 17 juin 1992. Alain Yoda siège à l’Assemblée nationale en tant que député du RSI. Il est d’ailleurs le seul élu de ce « parti ». Il va s’apparenter à la Convention nationale des démocrates progressistes/Parti social démocrate (CNPP/PSD), dont le président du groupe est Joseph Ki-Zerbo. La CNPP/PSD, après avoir rejoint le « Front populaire » le 20 février 1990, en avait été exclu en mars 1991, l’entente avec les « communistes » de l’ODP/MT n’étant pas chose évidente. Pour cette première législature, il siègera à la commission des finances, de l’économie et du plan alors présidée par Cyril Goungounga. Mais Yoda va rapidement changer son fusil d’épaule : en 1994, il quittera le RSI et siègera en tant que « non inscrit ». Le 5 février 1996, c’est la fondation du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) qui résulte de l’absorption par l’ODP/MT de plusieurs autres partis. C’est au titre du CDP que Yoda sera réélu à l’Assemblée nationale le 11 mai 1997.

Un mois plus tard, le 10 juin 1997, Yoda va être nommé dans le gouvernement de Kadré Désiré Ouédraogo. Il est en charge des Transports et du Tourisme (il remplace Viviane Yolande Compaoré née Ouédraogo qui passe à l’Intégration régionale). C’est un gouvernement quasi exclusivement CDP (Me Hermann Yaméogo et son parti, l’ADF, membre de la mouvance présidentielle, n’en font plus partie). Il y a dans ce gouvernement deux ministres d’Etat : Salif Diallo et Bongnessan Arsène Yé (qui a cédé la présidence de l’Assemblée nationale à Mélégué Traoré).

Yoda sera maintenu à son portefeuille lors du remaniement du 12 octobre 1999. Le 11 novembre 2000, Ernest Yonli accède à la primature et compose un gouvernement dit de « large ouverture » (le pays vit alors les incessants soubresauts de « l’affaire Zongo ») qui marque le retour de Hermann Yaméogo. Yoda se retrouve ministre du Commerce, de la Promotion de l’entreprise et de l’Artisanat. A la mi-juin 2001, il va organiser le Forum Investir au Burkina qui préfigure en quelque sorte ce que sera, une décennie plus tard, Africallia.

Un an plus tard, le 10 juin 2002, il devient le premier des ministres (derrière deux ministres d’Etat : Youssouf Ouédraogo, ex-Premier ministre, et Salif Diallo) et donc le numéro trois du gouvernement de Yonli. Il est en charge de la santé. Il va poursuivre sa marche en avant. Le lundi 4 juin 2007, alors que Roch Marc Christian Kaboré s’est installé au perchoir de l’Assemblée nationale, Blaise Compaoré va confier à Tertius Zongo la formation d’un nouveau gouvernement. « Loin des bruits et des manœuvres par médias interposés, le président Blaise Compaoré […] et son tout nouveau Premier ministre, Tertius Zongo, poursuivent leurs concertations. Rock Marc Christian Kaboré, le président de l’Assemblée nationale, et Simon Compaoré, le maire de la capitale, placent leurs affidés. François Compaoré, l’influent conseiller à la présidence, renforce sa galaxie et, par delà, son poids au sein du gouvernement […] Reste à trancher quelques cas. Salif Diallo, que certains proches voyaient à la tête d’un grand ministère des Transports et des Infrastructures, a défaut de la primature qu’il convoitait, rempilera finalement à l’Agriculture. Alain Yoda, l’un des vétérans des gouvernements Compaoré, est promu – c’est la surprise du chef - ministre d’Etat, en charge de la santé ». C’est Fasozine (n° 10 – juillet-août 2007) qui raconte ainsi comment « Roch et François » ont apposé leur « griffe » sur le gouvernement.

Le dimanche 10 juin 2007, voilà donc Yoda promu ministre d’Etat pour la première fois.

* Komtoèga se trouve au Sud-Est de Ouagadougou. C’est un petit village au Nord de l’axe Garango-Ouarégou, à 44 km
de Tenkodogo. Certains éléments biographiques fixent l’année de naissance de Alain Yoda en 1953 ; mais 1951 me semble plus une date plus conforme.

** A Clermont-Ferrand, dans le cadre du Centre d’études et de recherches sur le développement international (CERDI), se sont illustrés deux enseignants qui ont marqué l’économie du développement : Patrick Guillaumont et Sylviane Guillaumont-Jeanneney. Yoda a gardé le contact avec cette université et y a même assuré des cours dans le cadre du DESS Santé alors
qu’il était ministre de la… Santé. On notera que son CV évoque un DES (les anciens DEA) en 1976 et un doctorat dès l’année suivante, en 1977, ce qui semble un délai très court pour la rédaction et la soutenance d’une thèse.

A suivre

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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