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Jean-Baptiste Ouédraogo, lauréat du prix du meilleur film fiction des écoles au 23e FESPACO : « Le FESPACO m’a donné un prix, mais le combat doit continuer »

Publié le mercredi 27 mars 2013 à 21h30min

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Jean-Baptiste Ouédraogo, lauréat du prix du meilleur film fiction des écoles au 23e FESPACO : « Le FESPACO m’a donné un prix, mais le combat doit continuer »

Le 26 mars 2013, les locaux du l’organe de presse en ligne le plus lu dans notre pays a reçu un visiteur muni d’un trophée, venu pour transmettre un message court, mais plein de sens : « merci ». Le jeune réalisateur burkinabè, Pazouknam Jean-Baptiste Ouédraogo qui avait deux films en compétition au FESPACO 2013, dit avoir eu une plus grande visibilité grâce à un article publié sur lui par Lefaso.net au temps fort de la biennale.

Lefaso.net : Pouvez-vous vous présenter aux « fasonautes » et nous situer sur le bien-fondé de votre visite ?

Jean-Baptiste Ouédraogo (J-B O) : Je suis Pazouknam Jean-Baptiste Ouédraogo, étudiant à l’Institut supérieur de l’image et du son (ISIS), et lauréat du Prix du meilleur film fiction des écoles africaines du cinéma au FESPACO 2013.

J’ai tenu à effectuer cette visite au siège du Faso.net, parce que j’ai eu un accompagnement très conséquent pendant le Fescapo. C’est vrai, plusieurs médias ont fait des publications sur mes œuvres. Mais l’article de votre organe a donné plus de visibilité à ce que je fais. C’est pourquoi, j’ai tenu vraiment à venir à la base pour dire merci.

Au Burkina, les cinéastes n’ont pas beaucoup de soutiens ; on fait beaucoup de choses, mais on n’a pas de visibilité. Et le Fespaco est l’occasion qu’on a de se rendre visible ; mieux, par votre entremise. J’ai vraiment apprécié votre approche qui m’a permis de réaliser une interview dans laquelle j’ai eu l’occasion de parler de moi, de ce que je fais. Je me devais d’être reconnaissant à votre égard en venant remercier l’ensemble du personnel du Faso.net.

Rappelez-nous le titre du film et l’essentiel du message qu’il véhicule ?

Le film s’intitule « Une partie de nous », et il traite de la question de protection de l’environnement. Je me suis basé sur la culture africaine en ce sens que tout ce qu’on fait est lié à la nature. C’est au marigot, à la rivière, à la colline, à l’arbre, qu’on demande la santé, la bonne pluviométrie. Et dans mon film, c’est l’histoire entre un tamarinier et une fillette qui est relatée. Vous savez que le tamarinier a une très grande valeur dans nos traditions ; c’est uniquement sous le tamarinier que l’éléphant met bas, c’est aussi l’arbre qui abrite les ancêtres, les génies, les esprits ; il vit plus longtemps que le baobab. Le tamarinier est donc un grand symbole ; et un tel arbre séculaire, quand on l’abat, pour moi, on a tout perdu. Dans mon film une fillette se fond à un tamarinier pour s’opposer à ce qu’on l’abatte. La leçon qu’il faut en tirer, c’est que tout le monde doit se s’engager véritablement pour la protection de l’environnement.

Grâce à ce film, on peut dire que le FESPACO s’est très bien passé pour vous comme en témoigne votre distinction. Pouvez-vous expliquer au citoyen « lamda » l’importance et la valeur de votre prix ?

Ce prix me donne beaucoup d’opportunités, de faveurs, et m’ouvre beaucoup de portes pour la suite de ma carrière. Ça permet aux guichets de financements de savoir que j’ai du talent, d’avoir confiance en moi. Avoir un prix au Fespaco, c’est avoir une reconnaissance mondiale et c’est la preuve qu’on a fait beaucoup d’efforts qui ont été reconnus sur le plan international. C’est ainsi que les gens soutiennent davantage.

Ce prix vous ouvre beaucoup de portes comme vous le dites, mais vous aviez dit dans l’interview accordée à notre confrère que vous avez peur des prix. N’est-ce pas paradoxal ?

Avec les prix, on peut tomber rapidement dans la folie des grandeurs. Or, moi je suis jeune, je suis encore à l’école, je dois beaucoup apprendre ; ce ne sera pas intéressant pour moi de me dire que je connais déjà et que je peux me lancer véritablement dans la concurrence. J’ai eu un prix au Fespaco, c’est bien ; mais je reconnais que je peux aller à un autre festival avec le même film et ne rien avoir. Le Fespaco m’a donné un prix, ça reste un prix ; mais le combat doit continuer. Je dois toujours me battre pour avoir plus de bagages artistiques pour faire honneur à mon école et à mon pays.

Avez-vous déjà enregistré des partenaires qui se sont manifestés pour vous soutenir ?

J-B O : C’est vrai, certains partenaires s’annoncent ; notamment des festivals qui ont demandé à avoir le film pour le mettre dans leurs catalogues. Certains producteurs se sont annoncés aussi, mais il reste à poursuivre. Il y a même un producteur du Burkina qui m’a dit qu’il est prêt à me soutenir pour le prochain Fespaco, avec les réalités que l’on connaît dans le milieu, notamment les difficultés de financement. Et quand je pense à ces difficultés de financement, j’ai mal. C’est comme si au Burkina on ne reconnaît pas notre valeur. Or, le cinéma est un créneau de développement.

Et Il y a aussi des producteurs étrangers qui m’ont donné leur accord, je pense que ça va donner. Je reçois beaucoup de mails par lesquels des gens depuis l’étranger me félicitent, disent vouloir travailler avec moi. Mais au Burkina, rien.

Le président du Faso a pris la résolution de se battre auprès de ses pairs pour le cinéma africain. On attend vraiment qu’il y ait des solutions surtout pour nous les jeunes qui nous battons sans soutien. On voit d’autres pays qui se battent pour leurs cinéastes. J’ai un camarade du Benin qui a aussi été lauréat et qui m’a dit qu’après son accueil chaleureux à l’aéroport, il a été à la « Une » des journaux durant plus de deux semaines. Ce que moi j’ai, c’est le plus grand prix que le Burkina a eu à ce Fespaco et ça s’arrête là. Il n’y a aucune institution, telles la LONAB, l’UEMOA, qui se décide à financer mes études ou mon premier long métrage.

Quelle est votre appréciation d’ensemble du 23e Fespcaco ?

Le Fespaco, c’est vraiment le créneau pour tous les cinéastes de s’exprimer. C’est très bien, surtout pour nous les jeunes. Le Fespaco nous permet de nous mettre en compétition avec d’autres réalisateurs et voir comment ils réalisent leurs films.

Je souhaite qu’il y ait de bonnes politiques qui accompagnent ce festival pour qu’on puisse aller de l’avant et avoir de la visibilité.

Quelles sont vos attentes vis-à-vis de vos ainés cinéastes du Burkina ?

Ils pensent déjà aux jeunes, c’est bien ; mais ils peuvent faire mieux. Ils peuvent, par exemple, écrire un scénario et demander de le réaliser avec leur accompagnement pour le prochain Fespaco. Ils ont beaucoup d’opportunités, ils connaissent beaucoup de gens, beaucoup de guichets de financements. Ils peuvent bien accompagner les jeunes. Cela permettra à ces jeunes d’avoir du crédit vis-à-vis de partenaires étrangers. Et c’est aussi en cela que les gens s’auront qu’ils travaillent pour la relève.

Quel message avez-vous à l’endroit de votre école ?

J-B O : Je leur demande de travailler à dépasser le cadre purement administratif, à assouplir les procédures de financement de nos réalisations. C’est une école de cinéma où l’on doit accompagner les jeunes. L’accompagnement est capital dans les rapports de l’institut et les étudiants pour qu’ils puissent bénéficier de bons projets. Dans une école de cinéma, s’il n’y a pas de soutien, c’est très compliqué. Les responsables de l’ISIS doivent accompagner réellement les étudiants sans se contenir dans des lourdeurs administratives.

Avez-vous un message à l’endroit des cinéphiles burkinabè ?

J-B O  : Les films sont faits pour être vus par le maximum de personnes. Nous savons que le public burkinabè aime bien les films africains, alors nous jeunes réalisateurs faisons de notre mieux pour offrir à ce public des films artistiquement beau, esthétiquement louables, réalisés aux goûts de ce public afin de le rendre encore intéressé. Du reste, nous notons un engouement pour les salles de ciné ; ce qui est fort louable, mais un effort reste à faire. Il faut que les cinéphiles se mobilisent davantage autour de nos films afin de leur donner vie et par là-même nous permettre de les rentabiliser pour pouvoir financer d’autres tournages.

Les cinéphiles peuvent aussi contribuer à la production des films qu’ils adorent voir en salles. Les jeunes cinéastes sont pleins de talents et d’ambitions, mais les moyens leur font défaut. Alors, chaque cinéphile riche ou pauvre peut décider de prendre en charge une part du budget de film en prenant en charge par exemple, les packs d’eau pendant le tournage, un autre pourrait prendre en charge le rafraîchissement de quelques jours de tournage, un autre encore financer la location du matériel ou le salaire des comédiens ou donner gratuitement son décor pour une scène de film... C’est seulement en procédant ainsi que nous pourrons tous être acteurs de l’industrie de cinéma que l’on peine à installer au Burkina, capitale du cinéma africain.

Votre dernier mot ?

Oui ! Encore merci, toutes mes vives félicitations au Faso.net ; c’est votre prix. L’article que vous avez publié sur moi au Fespaco passé m’a vraiment touché. Je ne pouvais pas rester chez moi avec ce trophée sans venir vous le montrer et vous dire merci. On reviendra toujours ici pour demander votre soutien. Je serai toujours fier d’être accompagné par un organe de presse comme Lefaso.net.

Entretien réalisé par Fulbert Paré

Lefaso.net

Lien utile : Pazouknam Jean Baptiste Ouédraogo, étudiant réalisateur : « J’ai peur d’avoir des prix et… »

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