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Education aujourd’hui : L’artisanat, au-delà de l’héritage

Publié le dimanche 28 octobre 2012 à 21h42min

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Education aujourd’hui : L’artisanat, au-delà de l’héritage

La XIIIe édition du Salon international de l’artisanat de Ouagadougou bat son plein dans la capitale du Burkina Faso. Des artisans, issus de 33 pays, exposent leur savoir-faire à la grande satisfaction des visiteurs et acheteurs professionnels. Les métiers de l’artisanat sont donc importants pour les pays.

S’il est vrai que l’artisanat représente environ 30% du Produit intérieur brut du Burkina Faso, il est également vrai que l’artisanat burkinabè doit aller au-delà du cercle familial pour être un véritable levier de développement. Il y a déjà des avancées remarquables comme la création de la Chambre des métiers de l’artisanat, le Village artisanal de Ouagadougou. Cependant, beaucoup reste à faire car des milliers d’artisans exercent silencieusement et dans l’anomymat dans nos villes et campagnes sans même savoir que le SIAO est fait pour eux.
La valorisation des métiers de l’artisanat passe par la création de cadres formels destinés à la formation, la production et la gestion même des artisans.

Le constat est que l’artisanat burkinabè peine à trouver une main-d’œuvre qualifiée disponible sur le marché du travail.
Or, la concrétisation du thème de la présente biennale, à savoir « Artisanat africain et émergence économique », passe par la valorisation des métiers de l’artisanat. Ce n’est pas impossible. Tant qu’il y a la volonté, tout est réalisable. En 2010, par exemple, un pays comme le Maroc a, à travers le programme de Millennium challenge account (MCA) financé par les Etats-Unis d’Amérique, lancé un chantier dit de l’alphabétisation fonctionnelle. 30.000 personnes du secteur de l’artisanat étaient concernées par cette alphabétisation. Il vise à permettre aux bénéficiaires d’avoir les compétences pour apprendre les techniques nouvelles concernant leur métier et par conséquent s’adapter à l’évolution du besoin du marché.

C’est la traduction de la volonté d’améliorer les revenus des actifs ainsi que leur employabilité et productivité. Les artisans burkinabè aussi ne doivent plus se contenter du marché intérieur dont la demande est limitée. Et pour conquérir le marché international, ils doivent se faire former et même maîtriser les technologies de l’information et de la communication. Ils doivent pouvoir chercher des acheteurs via Internet. L’artisanat burkinabè est riche, varié et bien ancré dans les traditions séculaires. Il doit maintenant s’adapter au contexte actuel en tendant vers le modernisme.

En mettant l’accent sur la formation professionnelle, en intégrant plus de métiers de l’artisanat dans les écoles, cela contribuera à éviter que ces métiers ne soient perçus comme réservés à ceux qui ont échoué dans d’autres domaines. Les métiers de l’artisanat doivent être présentés comme tout autre avec les mêmes modes de recrutement au lieu de toujours les hériter des parents ou arrière-grands-parents. Il est important de percer le mystère qui se cache semble-t-il derrière certaines créations si l’on est tous convaincu que le savoir et le savoir-faire doivent être partagés.

Il y a par ailleurs nécessité de travailler à faciliter l’insertion

professionnelle des jeunes apprentis. Ces jeunes ont souvent besoin d’un accompagnement financier, d’un encadrement technique pour révéler leur talent et contribuer à l’émergence économique du pays. Certes, le Fonds d’appui au secteur informel (FASI) et le Fonds d’appui aux initiatives des jeunes interviennent dans le financement des micro-projets. Mais beaucoup d’artisans ne savent même pas que ces fonds existent. D’autres aussi ne sont pas prêts à hypothéquer la cour paternelle ou la parcelle familiale comme garantie pour obtenir un prêt bancaire. D’autres enfin n’ont même pas le mentor ou le parrain qui est parfois une des conditions pour avoir le financement. Ils veulent les fonds mais ils ont peur des échecs, des problèmes et la prison.

Une autre manière de valoriser ce que font les artisans est la certification de leur qualification professionnelle dans tous les secteurs de l’artisanat. Si les artisans doivent être formés, il faut aussi songer à certifier leur qualification.

Il y a lieu enfin que les artisans soient fiers de ce qu’ils représentent et de leur réussite. Le premier promoteur d’une entreprise est l’agent de l’entreprise lui-même. On ne peut pas faire la promotion, la valorisation d’un métier si celui-là même qui l’exerce le voit comme vulgaire, dégradant, voire un sous-métier.

En outre, l’Etat gagnerait à multiplier et à diversifier les centres de formation en tenant compte des potentialités des différentes régions comme prévu dans la politique nationale de l’enseignement technique.
Il est temps d’agir de sorte que le pays puisse disposer de cadres en production, gestion de l’artisanat, des entrepreneurs depuis la production de la matière première jusqu’à la commercialisation en passant par le management tout en assurant la qualité et les normes. Il est temps aussi d’œuvrer à ce que l’artisanat burkinabè trouve de nouveaux repères car l’approche traditionnelle, les reflexes ancestraux ne sont pas toujours en phase avec l’actualité.

Comme le dit un auteur, « l’art d’aéroport » n’est pas ce qui permettra à notre artisanat et nos artisans de bénéficier du respect des pairs. Dans l’artisanat comme dans bien d’autres domaines, quand on finit de vendre ce qu’on a produit, on produit désormais pour vendre. La qualité n’est plus l’élément fondamental. Ce qui compte c’est de pouvoir embobiner les potentiels acheteurs pour écouler sa production. L’art burkinabè ramené à un tel niveau perdra forcément le nord et ses lettres de noblesse. Un accent doit aussi être mis sur l’artisanat utilitaire. Dans des pays comme le Japon, la poterie s’est véritablement imposée.

Les tasses de thé, les pots, les assiettes, les verres, les théières, les louches… sont des fruits de la poterie locale. Dans ce pays là, les artisans ne se sont pas contentés de reproduire (servilement) ce que les ancêtres faisaient. Non ! Là-bas, lorsqu’on visite les musées, on se rend compte que les techniques et les approches ont évolué avec le temps. Alors, pourquoi faut-il qu’au Burkina Faso on doive, plusieurs siècles après, manger exactement dans les mêmes plats en terre cuite que nos ancêtres ? Pourquoi produire tels des automates les mêmes gestes comme si le temps s’était arrêté ! Nos artisans doivent aller à la découverte d’autres types ou formes d’artisanat. C’est au contact des autres qu’on découvre, se découvre, se remet en cause, s’améliore. Mal savoir ne vaut pas mieux que tout ignorer ?

Rabankhi Abou-Bâkr ZIDA (rabankhi@yahoo.fr)

Sidwaya

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