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Editorial de Sidwaya : Prières pour la tolérance et la paix

Publié le lundi 16 juillet 2012 à 00h33min

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Le 19, 20 ou 21 juillet, à la 29e semaine du calendrier grégorien de l’an 2012, correspondant au neuvième mois de l’an 1433 de la hijri (le calendrier islamique), les musulmans d’Afrique, d’Orient, d’Asie, d’Europe, d’Amérique et d’Océanie observeront, trente jours durant, le jeûne. Le mois de Ramadan est un moment spécifique pour les musulmans. Il trouve son fondement dans la sourate 2 du verset 183 du Coran qui dit : « O vous qui croyez ! On vous a prescrit le jeûne comme on l’a prescrit à ceux d’avant vous, afin que vous soyez pieux. ». Loin d’être donc une injonction douloureuse comme le prétendent certains, la période du jeûne est une occasion pour les fidèles musulmans de se rapprocher de leur Seigneur par des pratiques spirituelles intenses et diversifiées.

« Celui qui jeûne le mois de Ramadan avec un cœur empli de foi et de constance envers Dieu verra ses péchés passés pardonnés », dit d’ailleurs un hadith (ou propos prophétique). Le jeûne est donc un temps consacré à une réflexion intérieure, à la dévotion envers Dieu, à la maîtrise de soi mais surtout à l’expression de la foi au bénéfice des créatures par la générosité qui le caractérise. Le mot arabe "Sawm" qui désigne le jeûne, signifie s’abstenir de nourriture, de boisson, ou de rapports sexuels entre le lever et le coucher du soleil. Le Ramadan est donc un mois de la discipline à toute épreuve. Le docteur égyptien, Yûsuf Abd Allâh Al-Qaradâwî , un érudit du Coran, parlant du jeûne du temps du Prophète Mahommad (Paix et salut sur lui) affirme : « Quelle énorme différence entre notre jeûne et le jeûne de nos prédécesseurs !...

Leurs journées n’étaient que dynamisme, production et excellence ; leurs nuits n’étaient que visites mutuelles, prières et récitations du Coran ; leur mois tout entier n’était qu’apprentissage, adoration et bienfaisance. Leur langue jeûnait et ne proférait ni insultes ni grossièretés. Leurs yeux jeûnaient et ne regardaient ni l’indécence ni la turpitude. Leur cœur jeûnait et ne pensait ni au péché ni au crime. Leurs mains jeûnaient et ne se tendaient ni vers le mal ni vers l’offense ».

Aujourd’hui, tout le monde est d’avis pour dire que la pratique du jeûne est presque aux antipodes de celle qui caractérisait les compagnons du Prophète. Voyez vous-même.
Au moment où des millions de musulmans vont s’adonner au respect du quatrième pilier de l’islam, la pauvreté et la faim n’arrêteront pas de frapper les voisins de musulmans « pleins aux as », des médecins musulmans n’auront pas une petite seconde pour jeter un regard compatissant en direction de malades agonisant devant leur domicile ou leur bureau, occupés qu’ils sont à s’occuper des « en-haut de en haut », capables qu’ils sont de payer, de bien payer.

Au Burkina Faso ici, le prix du sucre connaîtra sa plus forte inflation en cette période de Ramadan. Si l’on peut comprendre qu’une augmentation subite de la demande peut provoquer une hausse des prix, l’on ne saurait expliquer cette façon peu catholique (pardon peu islamique) des « Ladjis » de retenir cette denrée de première nécessité dans les magasins afin de provoquer volontairement la flambée des prix au détriment de leurs coreligionnaires !
Oui, malheureusement le monde ne deviendra pas subitement juste et paisible parce que le mois du jeûne est arrivé. Les gens continueront de faire ce qu’ils font, croyant ainsi respecter la voie de Dieu, lorsqu’ils ne font que respecter leurs propres désirs. Sinon comment comprendre que le prix du sucre flambe en période de jeûne alors que les plus gros importateurs de ce produit de grande consommation sont des « Ladjis » ? Pendant que certains vont à La Mecque ou à la Oumra, pour rencontrer Dieu, Le Miséricordieux, leurs clients burkinabè n’auront pas droit à leur miséricorde !

Au moment où les musulmans pieux prieront intensément pour la paix, des atrocités inhumaines faites de kamikazes et de bombardements de populations civiles se perpétreront bonnement en Afghanistan, en Syrie, au Nigeria ou en Somalie. Oui, au moment où les musulmans prieront pour la paix et la cohésion, l’entente et la solidarité, au nord-Mali, les musulmans de Tombouctou continueront de pleurer la destruction de leurs mosquées et de mausolées où reposaient d’autres musulmans, déclarés impies par des membres d’Ansar Dine et leurs complices d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). Des femmes et des jeunes hommes maliens se feront fouetter pour avoir osé allumer leurs écrans de télévision.

Oui, au moment où la Oummah invoquera Allah le Tout-Miséricordieux, pour qu’Il donne la vie, les membres de la secte Boko Haram s’emploieront à faire au mieux leur job favori : poser le maximum de bombes pour faire le plus de morts et de blessés possibles. Que ces victimes sortent des mosquées, des temples ou des églises du Nigeria, peu importe.

Religion de tolérance, l’Islam est aujourd’hui dévoyé par certains de ses pratiquants. Ce qui fait que tous ceux qui ne devraient pas avoir voix au chapitre, critiquent et vilipendent les musulmans. Au nom de Dieu et de la pratique de l’Islam, Boko Haram, Ansar Dine, AQMI et le MUJAO mettent l’Afrique de l’Ouest à feu et à sang. Des familles entières sont endeuillées, des enfants vivent dans la peur, des jeunes se cachent pour ne pas se faire prendre et se faire endoctriner. Au nom d’une certaine pratique de l’Islam, des milliers de personnes vivant au nord-Mali sont jetées sur les routes de l’exil. Or, l’histoire nous enseigne que c’est par le Mali, notamment par Tombouctou, que l’Islam a pénétré en Afrique de l’Ouest grâce aux colporteurs arabes. Plaque tournante du négoce de produits de base tels que le sel, l’or, Tombouctou était aussi au XVe siècle un grand centre d’enseignement islamique. Au faîte de sa grandeur, la ville de Tombouctou comptait environ 25 000 étudiants pour la seule université de Sankoré sous le règne de Sonni Ali Ber ou Ali le Grand.

Signe de la vitalité scientifique et littéraire, de nombreuses familles à Tombouctou détiennent aujourd’hui des milliers de manuscrits portant sur l’astronomie, la botanique ou la musique. On se rappellera les écrits de Ibn Battuta, du chroniqueur Abderrahmane Es Saâdi qui décrivent sa ville dans son Tarikh es-Soudan (1630) ou de l’explorateur Français René Caillié dont le récit de voyage fit grand bruit en Europe. Aujourd’hui, Tombouctou, vénérée par des milliers de musulmans maliens et de la région ouest-africaine, est mise sous coupe réglée par de prétendus « vrais » musulmans regroupés dans des cellules terroristes comme Ansar Dine, le MUJAO ou AQMI. Ils martyrisent la ville sainte au nom d’Allah. Chemin faisant, ces mouvements refusent le droit à chacun de professer et de pratiquer librement la religion agréée par Dieu.

A la faveur du mois béni de Ramadan, toute la Oummah devrait commencer à s’interroger sur les pratiques de ces musulmans d’un autre genre, d’un autre temps. Cela est opportun car, lorsqu’un groupe d’individus comme les fidèles de Boko Haram, d’Ansar Dine ou d’AQMI croient avoir le monopole de la meilleure pratique islamique et veulent obliger toute la communauté à suivre de force ses prescriptions, il y a péril. Si aucune réflexion n’est faite, c’est la Oummah tout entière qui est menacée. L’Islam devenu une idéologie (Islamisme) fait beaucoup de torts à l’Islam religion.

L’Islam n’est évidemment pas de la violence ou le manque de respect envers les non-croyants, l’Islam refuse d’ailleurs d’être propagé par la force. L’Islam est une invitation et le prophète Mohammed (Paix et salut sur lui) n’a fait qu’inviter les gens à adhérer à cette religion par la parole. Certains y ont adhéré, d’autres non, et ceux qui restaient dans leur croyance n’étaient ni persécutés ni contraints à embrasser l’Islam, au nom de la sourate 2 du verset 256. "Il n’ y a plus de contrainte en religion maintenant que la vérité se distingue nettement de l’erreur. Désormais, celui qui rénie les fausses divinités pour vouer sa foi au Seigneur aura saisi l’anse la plus solide, sans crainte de rupture. Dieu est audient et omniscient"

Puissions-nous alors tous prier, en ce mois béni, pour que le Tout-Puissant accorde à ces frères égarés ses grâces afin qu’une réforme profonde et complète de leur être se réalise pour le salut de la Oummah et pour un islam toujours humain et tolérant. Car, Dieu n’aime pas ceux qui transgressent, ne transgressez donc pas ! » (Coran).

Par Rabankhi Abou-Bâkr Zida (rabankhi@yahoo.fr)

Sidwaya

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