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TOURISME DANS LE NOUMBIEL : Que de sites culturels méconnus !

Publié le jeudi 21 juin 2012 à 00h23min

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La province du Noumbiel est l’une des zones du Burkina Faso qui regorge d’importants sites touristiques et une population cosmopolite du fait de sa proximité avec le Ghana et la Côte d’Ivoire. Malheureusement, ces sites culturels ne sont pas mis en valeur et restent méconnus. Et pourtant, que de points attractifs dans cette région susceptibles de rapporter des recettes pour les collectivités. Voyage au cœur d’une zone où reposent des "sauveurs" de la France.

Des épitaphes en forme de médailles, en guise de leur bravoure, tombées ou illisibles, des tombes sous des feuilles de tecks, c’est le spectacle désolant que laisse voir les nécropoles de tirailleurs sénégalais, ceux-là qui ont sauvé la France en lui permettant d’étouffer moult révoltes. Ce site se trouve à l’entrée de Batié… En effet, ces combattants de retour à Batié, jadis pôle de recrutement, y ont passé le reste de leur vie. Et voici que leur dernière demeure est devenue un nid de serpents et d’autres reptiles. Toutes choses qui font dire à un natif de Batié que « ce sont les oubliés de la colonisation ». Un bar-dancing se dresse en face du cimetière, censé être le lieu de repos de ces combattants.

De plus en plus, des tombes ordinaires avoisinent celles de ces tirailleurs sénégalais. Pour le maire de la commune de Batié, Jean Bosco Somé, des démarches sont faites dans l’intention de restaurer ces nécropoles, mais en vain. « Nous avons entrepris des rencontres avec l’ambassade de la France au Burkina pour lui demander de nous donner un coup de main afin de rénover les tombes des tirailleurs sénégalais et cela depuis 2009 mais c’est resté sans suite », a-t-il noté. Mais pourquoi les populations elles-mêmes ne sauvegarderaient pas les tombes de ceux qui ont fait l’histoire ?. Le Pr Magloire Somé, enseignant au département Histoire de l’Université de Ouagadougou, explique : « Ce sont des tombes d’ennemis, car ce fut des colonnes coloniales qui ont réprimé la population.

Il y a eu mort d’hommes et les colons les ont enterrés là-bas et avaient pris soin de ces tombes. Mais aujourd’hui, qui a intérêt à s’occuper des tombes d’ennemis ? Les populations étant convaincues que ce sont des tombes d’ennemis ». Les bâtiments coloniaux qui se dressent à l’entrée de Batié, capitale de la province du Noumbiel, prouvent que les colonisateurs sont passés par là. Le Noumbiel est la seule province à avoir deux frontières internationales (avec la Côte d’Ivoire et le Ghana) et une limite nationale (avec le Poni). Dans l’enceinte du Centre médical de Batié, se dresse la résidence du premier président de Côte d’Ivoire, Félix Houphouët Boigny.

D’une architecture magnifique avec des matériaux locaux, elle ne reflète rien du passage de cet illustre homme politique. C’est un bâtiment délabré, portes et fenêtres condamnées, en somme, un sanctuaire de serpents. Une image semblable à celle du Lycée Ouezzin-Coulibaly qui fut jadis le collège nouvel délocalisé à Bobo-Dioulasso. Aux alentours de ces décombres, se dressent des flamboyants. A première vue c’est un tas d’immondices constitués de matériaux qui résistent à l’usure du temps. L’ancien collège est devenu un dépotoir. Quant à l’école de Batié centre, elle a été construite depuis 1949 par Welhore (l’architecte), avec une épaisseur considérable de 60 cm.

Des portes et fenêtres en forme de coupole, typique d’un bâtiment des années coloniales. Le directeur de cette école, Abdoul Karim Ouédraogo, nous explique que l’ivoirien Bernard B. Dadié aurait enseigné dans cette école, de même que l’ancien président malien Modibo Keita. La résidence du haut- commissaire est également un lieu historique à même de figurer sur la liste du patrimoine touristique. Des ivoires de près de 2 mètres, en grandeur nature, y sont à côté d’autres objets de l’époque coloniale. Non loin de la résidence du haut-commissaire, une touffe d’arbres mystiques. On raconte que lors de la conquête de la ville par les colons, un des derniers guerriers, du nom de Sein, aurait été appréhendé, décapité et sa tête accrochée à un arbre en guise de trophée mais aussi de leçons aux éventuels récalcitrants. Le macchabée ne serait pas tombé mais se serait simplement incliné.

L’arbre où a été accroché la tête serait mort sur place, et depuis, la place fait partie de l’histoire de Batié. Non loin, Dokita à une dizaine de kilomètres de Batié, est aussi un village historique car abritant la colline où l’Almamy Samory Touré aurait trouvé refuge. Nous y sommes arrivés au moment où ce village pleure un des ses jeunes qui venait de rendre l’âme. Donc impossible d’avoir un interlocuteur. Monter sur la colline est une épreuve dure et rude. Mais il fallait atteindre le sommet où se trouve une grotte. Une voie sinueuse vous conduit à l’accès. Là un petit espace où ne pousse ni arbres ni herbes. Léo Didier Da, directeur de l’école de Midebdo, est natif de Batié, il nous renseigne : « C’est là que les armes de Samory ont été carbonisées ».

C’est désormais un lieu de culte pour les populations, nous renseigne-t-il. Et l’on peut observer aisément des plumes de volaille et des ossements. Un habitant du village révèle que les vœux sont formulés sur ces lieux chaque année. Mais là comme ailleurs, les versions divergent. Pour certains, ce n’est pas un refuge de Samory Touré, ni de son fils mais celui des habitants de Dokita, pour échapper à la furie des envahisseurs. Une autre version moins répandue raconte que c’est à partir de cette colline, appelée Oulè, qu’un des chefs de Dokita a fléché l’empereur conquérant malinké,Samory Touré. Ce qui l’aurait affaibli et facilité sa capture en territoire ivoirien, non loin de Dokita. L’histoire officielle précise que Samory Touré a été capturé à Guelemou et est mort au Gabon.

Il aurait eu des démêlés avec les Dioulas de Kong pendant qu’il était poursuivi par les français. Il serait alors venu à Wa, au Ghana actuel. Ses soldats patrouillant dans la région pour se ravitailler en vivres et en matériels provoquèrent des affrontements avec les populations locales que sont les Dagari, Lobi et Birifor. Les ravitaillements des troupes de Samory auraient été détournés un jour par deux Dioulas qui s’ont allés se réfugier à Bobo-Dioulasso. L’Almamy s’est alors rendu à Kong où il a appris qu’ils sont à Bobo. C’est de là qu’il aurait décidé de marcher sur Sya. Est-il passé par Dokita en partant de Wa à Kong ? « Je n’en suis pas sûr, car la route directe mettrait Batié au Nord de celle menant de Kong à Bobo. Ses fils, Sanakery Mory dirigeait l’armée de l’Est et Morlè celle de l’Ouest et qui a maté les Gouins.

Les deux armées devaient marcher sur Bobo et pillaient les populations. Il a pu avoir affrontement entre l’armée de Sanakery Mory et les populations de Batié où il est certainement passé », selon la version de M. Magloire Somé. Il en déduit : « Donc, s’il y a quelqu’un qui a reçu une flèche, ce n’est certainement pas Samory lui-même, ni son fils qui n’est pas mort quelque temps après ».

Malheureusement, tous ces sites culturels sont méconnus si bien qu’ils ne reçoivent pas de visiteurs étrangers, selon le maire de Batié, donc aucune retombée pour la municipalité et les populations qui auraient pu en tirer profit s’ils étaient mis en valeur. Le comble c’est que tous ces lieux sont des ruines abandonnées. A titre d’exemple, la tombe du fondateur de Batié, Da Mar, est réduite en un monticule de terre dans un champ de culture. Elle est confondue à des mottes de terre, situation déplorée par le chef de terre qui se trouve être le petit-fils du fondateur. Agé d’une centaine d’années, Somé Nibèyiri, raconte avec amertume la profanation de cette tombe et aussi d’autres lieux de culte dont le marché sacré.

Ce sont aussi des lieux qui ne suscitent aucun intérêt au sein de la population. C’est du moins la remarque qui se dégage quand on visite les sites culturels car certains ne connaissent même pas où est situé le caveau du fondateur de la ville de Batié. De même, les silures sacrés, censés exhausser tous les vœux sont dans un petit puits d’une profondeur d’à peine 2 mètres, avec un peu d’eau tout au fond pour assurer leur survie. Mais le chef de terre Somé Nibèyiri de rassurer « ils ne peuvent pas disparaitre ni mourir, car c’est ainsi depuis la nuit des décennies ».

Histoire de Batié dans la résistance coloniale

Le Sud-Ouest a un peuplement diversifié du fait de ses frontières avec le Ghana et la Côte d’Ivoire. Plusieurs hypothèses ont été avancées à ce sujet. Selon la version du chef de terre, Somé Nabèyiri, corroborée par la thèse de Madeleine Pere et reprise dans une étude en 2001 par le ministère de l’Economie et des Finances, ces populations seraient venues de l’actuel Ghana au cours du 19e siècle. De nombreuses ethnies se sont côtoyées et s’entremêlées dans cette zone avant de franchir de nouveau le fleuve Volta Noire. Ces populations ont des origines méconnues du fait des razzias esclavagistes qui les amenaient à fuir vers d’autres horizons. Aussi, il eut une longue et difficile colonisation confortée par des rivalités ethniques, la conquête de Samory Touré et tout cela à la même époque. Mais les sources traditionnelles et populaires reconnaissent Da Mar comme fondateur de Batié.

Il est expulsé de Batié-Nord ou Momol car détenteur de plusieurs fétiches et s’installe à Batié pour se livrer à des pratiques occultes. Batié, initialement Bâ-Tiel qui signifie dans la langue locale « implantons-nous et mettons-nous à l’écoute » est selon d’autres sources, Batche, qui veut dire en Birifor « est-ce-qu’on a payé ? » pour parler en termes de dot. C’est cette dernière version qui rencontre l’assentiment du chef de terre. Son implantation remonte à 1840, 4 ans avant l’arrivée des colons. Il meurt en 1897 et repose au secteur n° 1 de Batié. C’est une population hétérogène de groupes ethniques divers qui peuple cette zone et n’appartient pas au même système politique et socioéconomique.

Batié, une ville stratégique

C’est un peuple qui n’a pas connu une domination antérieure, selon le Pr Magloire Somé. Ce qui explique son refus féroce face à la pénétration et l’occupation française. Il estime que Batié a eu une place particulière du fait de la détermination de la population à résister à l’occupation coloniale puis à la colonisation française. Les colons ont maté la résistance un peu partout, jusque dans les années 1920 mais les populations ont toujours organisé des guérillas de telle sorte que le colonisateur a compris qu’il fallait ériger le canton de Batié en Cercle, et cela fut fait dès 1927. Pour le Pr Somé, cette érection est importante du fait que la ville est frontalière avec le Ghana qui est anglophone. Et les populations qui organisaient la guérilla étaient en connexion avec celles de la Gold Cost. C’est une solution pour les Français de circonscrire la zone de révolte et aussi de surveiller les relations entre les sujets français et britanniques. La répression fut sanglante et est allée de village en village.

A Batié, on dénombre plusieurs lieux culturels et de rites en ruine où menacés. « La province du Noumbiel est potentiellement riche en minerais et l’on assiste à une prolifération de sites d’orpaillage mais aussi des extractions industrielles », nous signale le haut- commissaire, Raphaël Kaboré. Effectivement, de plus en plus, des collines sont menacées et aussi des villages comme Dokita qui est dans la ligne de mire des miniers. Mais le plus inquiétant, c’est Oulè qui pourrait passer sous les griffes des mineurs. Heureusement que les études ne s’instéressent qu’aux collines voisines. Gageons que la recherche du meilleur ne plombe pas la tradition très ancrée dans cette partie du Burkina où les populations sont très attachées à leur culture et où temple ou mosquée se compte du bout des doigts car comme le dit si bien Jean-Charles Harvey "la tradition est faite de luttes et d’espoirs actifs".

Wendyam Valentin COMPAORE (Valentin.compaore@yahoo.fr)

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 21 juin 2012 à 12:28 En réponse à : TOURISME DANS LE NOUMBIEL : Que de sites culturels méconnus !

    Très bien mais juste quelques photos de plus serai encore mieux

  • Le 21 juin 2012 à 12:46, par BF En réponse à : TOURISME DANS LE NOUMBIEL : Que de sites culturels méconnus !

    voici une nouvelle preuve de la richesse culturelle de notre pays-travaillons à inculquer à la génération présente et future le tresor que regorge le Burkina Faso, qui n’a sans doute rien à envier aux autres pays !

  • Le 21 juin 2012 à 13:06, par Wendy En réponse à : TOURISME DANS LE NOUMBIEL : Que de sites culturels méconnus !

    Oú ce trouve notre integrité si nous ne sommes pas à mesure de valoriser nos sites culturels,nos cultures ?

  • Le 21 juin 2012 à 13:08, par Wendy En réponse à : TOURISME DANS LE NOUMBIEL : Que de sites culturels méconnus !

    Oú ce trouve notre integrité si nous ne sommes pas à mesure de valoriser nos sites culturels,nos cultures ?

  • Le 21 juin 2012 à 15:49, par Tiéfotiè En réponse à : TOURISME DANS LE NOUMBIEL : Que de sites culturels méconnus !

    j’ai aimé le recit mais je le trouve un peu inachévé.

  • Le 21 juin 2012 à 20:18 En réponse à : TOURISME DANS LE NOUMBIEL : Que de sites culturels méconnus !

    tout simplement, honte aux fils de batié (et du noumbiel en général) où qu’ils soient et honte au gouvernement ! batié, la cité délaissée ! toi qui a formé nombre d’inconnus et d’étrangers ; maintenant tu es abandonnée et ta terre s’appelle "désolation" ! mais je demeure convaincu qu’un jour tu seras appelée "ma préférence", car ton aurore et ton jour de splendeur se lèveront. quand tout leur manquera dans leurs ailleurs, ils se tourneront vers toi. et comme ils ne savent pas ce qui s’appelle honte, ils se réjouiront de ta gloire semblables à des insensés qui perdent aussitôt le souvenir de ce qu’ils ont été.

  • Le 22 juin 2012 à 14:50 En réponse à : TOURISME DANS LE NOUMBIEL : Que de sites culturels méconnus !

    Félicitations à Sidwaya qui a pu balayer son radar sur Batié. Il ya tant et tant à dire sur Batié. Mais... Les Batiélais doivent se reprocher beaucoup de choses : Depuis la mairie, le chef de terre jusqu’au gouvernement. Doit-on incriminer le gouvernement pour la tombe d’un fondateur réduite en monticule. Que font les Batiélais. Un proverbe de chez dit d’ailleurs si Dieu était ton ennemi, envoie lui la une flèche quite à qu’il ne soit pas atteint. Mais tu as eu le mérite de le faire. Salut donc. Au gouvernement, doit-on attendre que les ressortissants fassent quelque chose pour sauvegarder une mémoir qui depasse Batié ?

  • Le 27 juin 2012 à 18:27, par bedjan En réponse à : TOURISME DANS LE NOUMBIEL : Que de sites culturels méconnus !

    Rectificatif Mr le journaliste !!!! vous dites que le Noumbiel est la seule province qui a 2 frontieres internationales !!! connaissez vous la Léraba ? elle en a 2 aussi !!! elle fait frontière avec le mali et avec la cote d’ivoire !! jetez un coup d’oeil sur une carte et vous verrez

  • Le 27 juin 2012 à 18:38, par bedjan En réponse à : TOURISME DANS LE NOUMBIEL : Que de sites culturels méconnus !

    Rectificatif Mr le journaliste !!!! vous dites que le Noumbiel est la seule province qui a 2 frontieres internationales !!! connaissez vous la Léraba ? elle en a 2 aussi !!! elle fait frontière avec le mali et avec la cote d’ivoire !! jetez un coup d’oeil sur une carte et vous verrez

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