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Gouvernement Tiao : La carotte et le bâton

Publié le lundi 12 mars 2012 à 02h55min

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Le 10 avril 2007, des agents affiliés au Syndicat autonome du ministère des Affaires étrangères (SAMAE) battaient le macadam pour protester contre la non-satisfaction de leurs revendications. Le lendemain, leur école d’origine, l’Institut diplomatique et des relations internationales (IDRI) était fermée sur décision du Conseil des ministres.

Le 23 mai 2007, le couperet tombait sur la tête de ces 105 infortunés fonctionnaires qui écopaient d’un "blâme avec reversement au ministère de la Fonction publique pour redéploiement dans d’autres administrations lesquels agents persistent dans une attitude de défiance à l’égard de l’administration".

Branle-bas de combat du côté des blâmés qui ont estimé que ces sanctions, qui s’appuient sur les articles 137, 138 et 147 de la loi 013-98/AN du 28 avril 1998, ne figurent pas sur la liste des sanctions disciplinaires au regard de la loi.

Nos diplomates s’étaient adressés même au chef de l’Etat, par voie épistolaire, en poussant l’outrecuidance pour rappeler à ce dernier que bien avant eux des militaires et des GSP avaient bruyamment donner de la voix dans la rue sans être réprimandés.

Une bravade qui avait eu l’heur d’agacer, on le serait moins, le grand patron de la diplomatie burkinabè, le président du Faso qui était resté autiste à toutes les demandes de clémence officielle et officieuse de ces "porteurs de Jeans".

5 longues années après leur dispersion, au cours desquelles beaucoup ont quasiment mangé la vache enragée, les voici bientôt réintégrés dans leur droit, avec la décision du Conseil des ministres du 7 mars 2012. C’est tant mieux pour eux.

Pendant qu’on rhabille les diplomates, à l’inverse, on déshabille des policiers mutins. Au total, 171 policiers ont été congédiés, blâmés, avertis ou mis à la retraite d’office suite aux mutineries d’avril 2011.

En vérité, il fallait s’y attendre, car il aurait été inimaginable qu’après la radiation de plus de 500 militaires, les policiers, gagnés eux aussi par le démon de la mutinerie, quoique leurs actes soient moins "délictuels" que ceux des soldats, ne fassent pas les frais de sanctions disciplinaires.

En choisissant de "griller ces 171 poulets" la veille du 8 mars, le gouvernement n’a fait que confirmer ce qui était quasi attendu.

Après donc un premier travail de l’Inspection technique des services de police qui a identifié formellement les fautifs, par des enquêtes policières en bonne et due forme, les révoqués sont passés courant février 2012 devant un Conseil de discipline, individuellement où chacun aurait reconnu les faits.

Un mode opératoire qui, semble-t-il, a fait l’unanimité au sein de ce corps paramilitaire.

Ces 171 policiers paient pour leur pillage, vol de matériels d’ordinateurs et de disques durs d’ordinateurs au Camp CRS et au Commissariat central, entre autres, et aussi pour leur brutalité envers des supérieurs hiérarchiques.

Du reste, au sein de la Police, ils seraient de plus en plus nombreux, ceux qui pensent qu’il était temps de nettoyer les écuries de ces casernements, quand on sait que ces sautes d’humeur tendent à devenir la règle dans cette corporation :

- déjà le 18 février 2005, 500 élèves-politiciers avaient été rayés des effectifs pour acte d’indiscipline par le ministre de la Sécurité de l’époque, Djibril Bassolet. Ils avaient par la suite été réintégrés sur ordre du chef de l’Etat. On avait alors parlé de "recadrage" ou de "désaveu" du ministre Bassolet, lequel avait plutôt invoqué la "grâce présidentielle" ;

- les riverains et "maquisards" de l’Avenue du Conseil de l’Entente à Gounghin (ex-secteur 9 de Ouaga) se souviendront longtemps de cette nuit du 21 au 22 septembre 2009 au cours de laquelle, beaucoup d’entre eux avaient eu le portrait refait par des élèves-policiers pour une banale histoire de fesses. Renvoyés, ces croquants en tenue avaient pu retrouver leur boulot grâce à des interventions diverses dont celle déterminante du Mogho Naaba. D’ailleurs, il semble que les 171 sanctionnés ont eux aussi pris le chemin de "PANGHIN" (1).

L’Etat a cela de charmant, car autant il peut être magnanime envers ceux qui ont soldé leur compte avec la société, si tant est que la faute est prouvée, autant il sait être intraitable et dur avec des récidivistes.

La carotte et le bâton, voilà les deux instruments dont use la puissance publique pour régenter les citoyens. Même s’il s’en trouveront certains pour s’écrier avec Cicéron que "Summum jus, Summum injuria", la plus grande justice peut s’avérer la plus grande injustice.

Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana

Note :

(1) PANGHIN : Force, puissance en langue mooré, désigne le palais du Mogho Naaba.

L’Observateur Paalga

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