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Une révision constitutionnelle peut en cacher une autre…

Publié le mardi 6 mars 2012 à 01h51min

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Bénin, Mali, Sénégal… Les Lois fondamentales sont à l’épreuve d’un toilettage ici et là, avec la volonté proclamée d’apporter plus de punch à la vie institutionnelle de nos Etats. Si les intentions avouées restent, en règle générale, bonnes et louables, on se demande toujours si ces réformes ne répondent pas plutôt à un agenda politique, voire politicien, bien caché…

Le reformatage du texte constitutionnel du Sénégal reste l’un des enjeux majeurs du second tour de l’élection présidentiel qui opposera, en principe le 18 mars prochain, Abdoulaye Wade et Macky Sall. Le scrutin prend d’ailleurs déjà des allures de référendum – Pour ou contre Wade – quand on sait que c’est la validation de la candidature de ce dernier qui a notablement crispé la vie sociopolitique sénégalaise avant le premier tour de cette élection, le 26 février dernier.

En annonçant qu’il ramènera « la durée du mandat du président de la République à cinq renouvelable une seule fois », tout en s’appliquant lui-même cette mesure s’il est élu à l’issue du second tour, Macky Sall ramène le prochain débat électoral sur le terrain constitutionnel, faisant un grand pas vers tous ceux qui, nombreux, brûlent d’envie de décerner un carton rouge au président Wade, coupable de briguer un mandat de trop. « Si je suis élu pour sept ans, je m’engage à n’exercer qu’un mandat de cinq ans et cette réforme qui limitera le nombre de mandat à deux et la durée à cinq ans, ne pourrait plus faire l’objet de modification », a notamment indiqué Macky Sall.

De fait, depuis que certains chefs d’Etat ont décidé à part eux que leur destin personnel de président élu ne saurait se limiter à deux quinquennats successifs, les révisions constitutionnelles continuent de susciter des remous sur le continent. Pourtant, d’une capitale à l’autre, on paie désormais cash toute tentative de remise en cause de cette clause de la limitation qui embarrasse tant nos têtes couronnées. On se rappelle ainsi qu’au Niger, pour avoir trop tiré sur la bride du « tazartché » (continuité) envers et contre tous, la VIe République de Mamadou Tandja a purement et simplement été balayée par un putsch de « restauration démocratique », laissant plus tard la place à une VIIe République re-constitutionnalisée.

Au Burkina Faso, le débat sur le « décadenassage » du verrou de la limitation est toujours d’actualité. Même si les travaux du Conseil consultatif sur les réformes politiques (CCRP), qui a planché sur la question à différents niveaux, n’ont pas conclu le consensus nécessaire à son adoption. Le vent d’alternance qui semble souffler sur le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP, au pouvoir), avec l’élection, ce 4 mars, de son nouveau secrétaire exécutif en la personne d’Assimi Kouanda, achèvera-t-il de clore définitivement ce débat, remis sur la table par ce parti lui-même ?

En tout cas, un peu partout sur le continent, les peuples aspirent à l’alternance et au changement. Mais bien plus, ils sont si friands, aujourd’hui, en matière de gouvernance politique, du respect de la parole donnée, c’est-à-dire du serment présidentiel, qui condamne l’élu à observer strictement les prescriptions de la Constitution sur la base desquelles il a été porté à la tête de l’Etat. A la vérité, c’est que les peuples ont subitement mûri, sont plus ouverts sur le monde, ce monde globalisé qui dessine des destins presque communs aux uns et aux autres.
On peut donc s’attendre à ce que, par-delà les soubresauts de la réécriture de la Constitution du Sénégal, qui pourrait s’engager au lendemain du second tour de l’élection présidentielle – à la condition bien entendu que le président Abdoulaye Wade soit battu dans les urnes à la régulière – les Béninois soupèsent chaque mot, chaque virgule de la révision du texte de leur propre Loi fondamentale. Les députés béninois devraient en effet entamer, le 19 mars prochain, l’examen du projet de loi portant révision de la Constitution du 11 décembre 1990.

Evidemment, le second tour de l’élection présidentielle sénégalaise sera encore dans toutes les têtes, y compris le débat sur la Constitution qui a précédé le premier tour. Aussi, même si on indique que « les options fondamentales énoncées à la conférence nationale des Forces vives de la nation de février 1990, et considérées comme socles de la Constitution », ne seront nullement touchées par ce toilettage, on reste tout de même très prudent à Cotonou. Et vigilant ! Le défi, en la circonstance, c’est de réussir, comme au Mali – dont la Constitution révisée attend d’être adoptée par référendum, normalement en même temps que l’élection du président de la République, le 29 avril prochain, si le scrutin a lieu - à préserver un certain nombre de points forts, considérés comme des acquis irrévocables du processus démocratique.

On peut donc gager que les débats parlementaires seront très suivis du côté de Porto-Novo, siège de l’Assemblée nationale du Bénin, et que le débat citoyen marchera à fond sur les questions liées notamment à « l’Etat de droit, la démocratie libérale, la forme républicaine de l’Etat, le multipartisme intégral, la nature présidentielle du régime, la limitation du mandat du président de la République et l’âge des candidats à l’élection du président de la République ».

SERGE MATHIAS TOMONDJI

Fasozine

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