Lefaso.net : Comment se porte la coopération bilatérale Burkina Faso- République de Chine ?

S.E.M ZHANG, Ming Zhong : Je dirai en pleine forme. Nous avons plein de projets de coopération bilatérale en cours d’exécution, selon la 8e session de la commission mixte tenue en juin 2010 à Taipei. Dernièrement, selon un des projets intitulé « appui en équipements informatiques », j’ai pu offrir 200 ordinateurs de bureaux, 50 ordinateurs portables et 200 onduleurs à l’administration Burkinabè. Il y a certainement une dizaine d’institutions de l’Etat qui seront bénéficiaires.

Grosso modo, nous intervenons dans trois domaines : la formation professionnelle, l’agriculture surtout dans le projet riz pluvial et le domaine de la santé. Hier (ndlr : jeudi 1er septembre), nous avons constaté l’ouverture de l’hôpital national Blaise Compaoré où nous avons contribué au financement. Certes, il y a encore quelques insuffisances à améliorer. Les trois domaines représentent à peu près 70% des ressources financières accordées par mon gouvernement. Je dirai que les projets s’exécutent bien. Nous sommes satisfaits de la performance et de la compétence de nos partenaires burkinabè.

Lefaso.net : La République de Chine célèbre les 100 ans de la fondation de la république cette année, que représente cet évènement pour vous et votre pays ?

S.E.M ZHANG, Ming Zhong : C’est un évènement très significatif pour nous parce que ce n’est pas chaque pays qui a une histoire de 100 ans. Le mois prochain, nous allons célébrer le centenaire de notre république. La Chine a connu tout au long de son histoire des heurts et des malheurs. Nous avons connu deux guerres mondiales, nous avons connu plusieurs guerres civiles, nous avons connu la rétrocession après la 2e guerre mondiale, de Taïwan et des îles Pescadores que nous appelons Peng Hu en Mandarins, à la Chine. Effectivement, cette Chine a été dirigée par le gouvernement de la République de Chine. La Chine populaire a été fondée en 1949, c’est-à-dire après, suite à une guerre civile. L’armée nationaliste a été battue et le général Chiang Kai Shek a amené les fonctionnaires et les militaires pour se réfugier à Taïwan. Les communistes ont pensé qu’avec une île, ils ne pourront rien faire. Mais au fait, aujourd’hui, on célèbre le centenaire et je vous invite à aller voir sur place, pour constater la vitalité et la vivacité de notre pays.

Lefaso.net : Aujourd’hui, quel type de relations entretiennent les deux Chine (la République de Chine et la Chine populaire) ?

S.E.M ZHANG, Ming Zhong : Tout le monde sait que depuis 1949, les deux Chine s’opposent. Mais, après la prise de fonction de notre président de la république Ma Ying-Jeou en mai 2008, l’approche a été modifiée et nous avons mis en œuvre une nouvelle politique vis-à-vis de Beijing, c’est-à-dire de laisser de côté le litige politique entre les deux rives du détroit de Taïwan et privilégier davantage et promouvoir l’échange commercial et culturel. Cela a porté fruit. A titre d’exemple, en 2010 le volume bilatéral entre les deux rives s’élèvent à plus de 152 milliards de dollars U$. La Chine populaire est devenue notre premier partenaire commercial depuis 2003. Pratiquement, les deux rives ont cessé la lutte diplomatique depuis 2008. Cela nous permet de nous concentrer sur les projets de coopération au bénéfice par exemple des populations burkinabè.

Lefaso.net : Jusque là, la reconnaissance de votre pays par l’ONU n’est toujours pas une réalité, où en êtes-vous avec les démarches ?

S.E.M ZHANG, Ming Zhong : En ce qui concerne notre participation internationale, ce que nous souhaitons, c’est de sensibiliser nos alliés diplomatiques et les autres pays amis de la République de Chine pour nous aider. Parce qu’avec le siège permanent au conseil de sécurité de l’ONU, la Chine populaire peut faire tout. Je dirai que la plupart des pays en développement sont, en quelque sorte, souvent intimidés par les grandes puissances. Ils n’ont pas de mot à dire. Seulement ils suivent. Mais je dirai qu’aujourd’hui, nous avons encore 23 pays qui maintiennent des relations diplomatiques avec nous dont le Burkina Faso. Nous considérons que la contribution et le soutien constant du Burkina Faso est un facteur très important pour nous.

Lefaso.net : Est-ce à dire qu’au fil des années, le nombre des alliés diplomatiques de la République de Chine diminue ?

S.E.M ZHANG, Ming Zhong : Il y a des hauts et des bas. Il y a une dizaine d’années, en Afrique nous avons eu à l’époque des relations bilatérales avec le Sénégal, la Guinée Bissau, le Niger, le Tchad et la Centrafrique. Aujourd’hui, nous avons la Gambie, le Burkina Faso, le Swaziland et Sao Tomé et Principe.

Lefaso.net : Quelles sont les activités au programme de la célébration de ce centenaire ?

S.E.M ZHANG, Ming Zhong : Tout au long de cette année, il y a des activités, surtout à travers l’échange culturel artistique. Pour cela, nous avons invité un jeune ressortissant burkinabè pour participer à « Home Stay » à Taïwan, conjointement avec d’autres jeunes venant d’autres pays.

Il y a aussi un groupe composé essentiellement d’enfants burkinabè qui a participé au festival international de Yilan (Yilan international children’s folklore and folkgame festival), il y a un mois à peu près. D’autres groupes sont invités. Plusieurs autres activités sont en cours. En ce qui concerne notre ambassade, à cause des évènements récents de février jusqu’au début juin dernier, les activités programmées n’ont pas pu se réaliser sauf un groupe de jeunes musiciens taïwanais qui sont venus interpréter des morceaux de Jazz au Burkina Faso. C’était en février, à l’occasion du nouvel an chinois.
Le plus grand évènement sera la réception de notre fête nationale le 10 octobre prochain. Nous allons aussi organiser un festival de la cuisine chinoise au Burkina Faso. Ils viendront avec des spécialités taïwanaises. Nous aurons aussi une semaine du film taïwanais. Tous ces évènements auront lieu avant la fin d’année.

Lefaso.net : Vous parliez plus haut de la participation de Issouf barry à « Home Stay » dans le cadre de la semaine internationale de la jeunesse à Taïwan, en quoi a consisté cette activité et à quoi répondait-elle ?

Cette semaine internationale de la jeunesse s’inscrit dans le cadre d’une série d’activités de la célébration de la fondation de la République de Chine. C’est un évènement exceptionnel pour un pays. Notre gouvernement a souhaité que nous puissions partager cette joie avec le plus de personnes possible. Pourquoi pas les jeunes du monde entier. Nous avons donc invité 250 jeunes provenant de 120 pays pour aller à Taïwan. Ils ont été hébergés par des familles d’accueil taïwanais, qui leur ont fait partager leur vision, leur vie, leur culture, la tradition taïwanaise. Dans ce cadre, un jeune burkinabè, Issouf Barry (lauréat des olympiades 2010 en Anglais) a été sélectionné par l’ambassade de Taïwan pour vivre cette expérience à Taïwan.

Lefaso.net : Comment s’est fait le choix des familles d’accueil ?

S.E.M ZHANG, Ming Zhong : Les familles d’accueil s’inscrivent au niveau de la structure de l’organisateur, qui en fonction des critères, tels que ses structures d’accueil et les membres de la famille, fait son choix.
Lefaso.net : Quel a été l’engouement pour cette initiative ?
S.E.M ZHANG, Ming Zhong : L’initiative a suscité un très grand engouement parce qu’elle a été très médiatisée à Taïwan. Les jeunes sont allés pour découvrir Taïwan et les réactions que nous avons reçues d’eux sont très positives. Si vous allez sur le site de l’organisateur, bien que la plupart des familles d’accueil actualisent les activités en chinois, vous allez voir que les familles d’accueil sont très enthousiastes. (ndlr : site de l’organisateur http://taiwanroc100.tw/100homestay_en/Friend_detail.aspx?ms=2452&n=157.)

Lefaso.net : Auriez-vous un message à adresser aux amis de la république de Chine à l’occasion de ce centenaire ?

S.E.M ZHANG, Ming Zhong : Je dirai que le développement est très important pour un pays. Pour atteindre l’objectif de développement national, il faut accorder une importance particulière à l’éducation. Dans l’éducation, personnellement, je privilégierai surtout l’enseignement de base. Il faut que la population puisse recevoir la connaissance non seulement de l’intérieur mais aussi de l’extérieur. Il faut donc réduire au maximum le taux d’analphabétisme pour préparer les jeunes à avoir une capacité pour recevoir les autres savoir-faire. Dans l’éducation, il y a une grande tranche dans le passé, probablement négligée par la plupart des pays en développement, c’est la formation professionnelle. Il faut voir en face les difficultés et essayer d’y remédier. Par exemple, construire une maison, cela demande une formation professionnelle performante qui puisse vous donner non seulement un ouvrier qualifié mais aussi un contremaître compétant.

Interview réalisée par Moussa Diallo

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