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MUTINERIES AU BURKINA : Attention au syndrome guinéen !

Publié le mercredi 1er juin 2011 à 02h16min

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Le sommeil des Burkinabè a été une fois de plus perturbé dans la nuit du 29 au 30 mai 2011 à Dédougou, Kaya, Dori et Tenkodogo. Dans ces villes, des militaires se sont mutinés pour réclamer notamment des indemnités de logement. Et pour se faire entendre, ils ont eu recours à leurs armes avec lesquelles ils ont tiré en l’air. Et une fois de plus, on fait état de mutinerie au Burkina. Pourtant, on pensait en avoir fini avec le crépitement des armes pour des revendications corporatistes depuis que le chef de l’Etat en personne a pris un certain nombre de mesures pour résoudre les problèmes des frondeurs que plus d’un Burkinabè avait trouvé fondés, même si la façon de les poser laisse beaucoup à désirer.

Au nombre de ces mesures, il y a le limogeage des différents chefs de corps militaires accusés d’être à l’origine du ressentiment de la soldatesque, la dissolution du gouvernement de Tertius Zongo et la prise en main par le chef de l’Etat himself du ministère de la Défense dans le nouveau gouvernement de Luc Adolphe Tiao. On n’oubliera pas aussi la série de rencontres avec le commandement et les hommes du rang qui s’est terminée par la fameuse déclaration pleine d’optimisme du chef de l’Etat (« la crise est terminée ») et le toast porté au retour du calme dans les casernes.

La mutinerie de Dédougou a eu lieu au lendemain de la visite du nouveau chef d’état-major général des armées, le général de brigade Honoré Nabéré Traoré qui fait la ronde des casernes pour appeler les militaires au calme. S’il a été écouté, on peut dire que son message n’est pas très bien passé auprès des militaires de cette ville qui se sont mis à tirer dès qu’il a tourné le dos.

On peut donc affirmer que tout ce qui a été fait jusque-là pour résoudre la crise des casernes a été vain. Conséquence : les mutineries ont continué avec leur lot de désagréments comme les morts et les tués par balles perdues dans les rangs des civils, les viols, les pillages de commerces, etc. Alors, qu’est-ce qui se passe donc pour qu’à intervalles réguliers, on assiste à une révolte de militaires pour des revendications corporatistes censées avoir pourtant été réglées ? C’est à se demander si les militaires n’en font pas trop maintenant au point de vouloir tout le bras d’un Etat dont l’autorité a sérieusement pris un coup depuis les événements de Koudougou en février dernier.

D’ailleurs, c’est le sentiment que l’on a après avoir écouté le porte-parole du gouvernement qui, le 30 mai dernier, sur les antennes d’une radio étrangère, faisait état de surenchère et de chantage inacceptables avec les dernières mutineries.

Mais en l’absence de toute information précise, il faut se garder de dédouaner l’Etat à bon compte. A en croire certains mutins, ils ont fait le coup de feu pour des engagements non tenus par les autorités. Une façon pour eux de réclamer leur dû. Mais osons aussi une nouvelle fois cette question qui pourrait paraître taboue et que nous avons posée dans une de nos éditions : et si tous ces mouvements d’humeur itératifs des hommes en treillis n’étaient pas pour de l’argent ? En d’autres termes, la soldatesque voudrait-elle quelque chose d’autre qu’elle ne veut pas dire ou nommer pour le moment ? A quel moment tout cela va-t-il finir pour que le Burkina renoue avec sa sérénité d’antan ?

En attendant, la peur des mutineries tenaille les Burkinabè qui redoutent les périodes de paie de la solde des militaires, qui intervient tous les 15 du mois, et aussi les fins de mois. Ce qui s’est déjà passé rappelle la Guinée Conakry sous feu Lansana Conté et, un peu loin de chez nous, la Centrafrique sous le défunt président Patassé. Ces deux pays se caractérisaient par des mutineries à répétition. La situation au Burkina s’apparente, à quelques exceptions près, à celle qui prévalait en Guinée du général Conté. Les militaires s’étaient mutinés là-bas aussi, à cette époque, à plusieurs reprises pour revendiquer le paiement d’arriérés de salaires.

Le gouvernement avait accédé, en mai 2008 lors de la dernière grande mutinerie, à cette revendication et à bien d’autres comme la mise en retraite anticipée de tous les généraux qui ont mal géré l’armée ; le limogeage du ministre de la Défense de l’époque, (le général Mamadou Bailo Diallo) ; la subvention du prix du riz, etc. Au Pays des Hommes intègres, le gouvernement s’est aussi empressé de régler les revendications corporatistes et a fait le ménage dans la chaîne de commandement. En Guinée Conakry, les mutins prenaient soin de préciser que leur mouvement ne visait pas le chef de l’Etat et chef suprême des armées mais bien leur hiérarchie.

Chez nous également, un porte-parole des militaires du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) qui se sont mutinés les 14 et 15 avril 2011, a renouvelé sa loyauté au chef de l’Etat et celle de ses frères d’armes dans un message lu à la télévision nationale. Pour en finir avec les mutineries, la Guinée s’est résolue à restructurer l’armée sous la transition avec l’aide notamment de l’ONU. Est-ce ce qu’il faut également au Burkina pour que cessent à jamais ces mutineries ? Il faudra peut-être y songer car, selon un économiste analysant la série de mutineries en Guinée, "la solution, ce n’est pas de satisfaire simplement les revendications des mutins, mais c’est plutôt d’éradiquer les pratiques qui ont conduit à l’accumulation d’arriérés et de restructurer complètement l’armée".

Les différentes similitudes entre la Guinée Conakry et le Burkina, sur ce plan, sont très troublantes. Attention donc à ne pas tomber dans cette situation préjudiciable à la paix sociale et au développement. C’est peu de dire que l’image du Burkina a sérieusement pris un coup à l’extérieur depuis la première mutinerie dans la nuit du 22 au 23 mars 2011. Les touristes, les investisseurs potentiels se détournent de la destination Burkina et cela se ressent fortement dans des secteurs comme l’hôtellerie. Ce n’est pas le ministre des Affaires étrangères, Djibrill Bassolet, qui se démène comme Sisyphe pour redorer le blason du pays à l’extérieur, qui dira le contraire.

"Le Pays"

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