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PARC URBAIN BANGR-WEOGO : SOS pour un bois sacré

Publié le jeudi 17 mars 2011 à 00h22min

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Le parc urbain Bangr-weogo, jadis une poubelle urbaine, suscite un intérêt capital pour la ville de Ouagadougou. Véritable laboratoire à ciel ouvert, ce poumon vert, comme on l’appelle communément, attire 400 à 1 600 visiteurs par jour. Dans ce bois sacré, plus de 900 espèces locales sur 1 400 que compte le Burkina vivent en symbiose avec dame nature. Cependant, ce patrimoine naturel est menacé par des intempéries et des actes anti-écologiques de certains de ses visiteurs. Qui de l’Homme ou de la nature elle-même constitue une menace pour le parc urbain Bangr-weogo ? Regard sur un patrimoine en souffrance.

Le parc urbain Bangr-weogo, une forêt située au coeur de la capitale du Burkina (Ouagadougou), dans l’arrondissement de Nongr-Maassom, a une superficie de 65 hectares. Restaurée et protégée, la gestion de ce poumon vert a été rétrocédée à la commune de Ouagadougou par le ministère de l’Environnement et des eaux et forêts en 2001. Erigée actuellement en direction, le parc urbain Bangr-Weogo (PUB-W) est une entité administrative rattachée à la mairie de Ouagadougou. Elle a pour mission la protection et la restauration des aires protégées de cette zone verte. En outre, l’administration de cette forêt, qui coiffe plus de 130 agents, se doit de mettre en évidence la valeur esthétique de la faune et de la flore (écotourisme), de même qu’elle doit sécuriser et pérenniser ce patrimoine.

C’est dans cette perspective que plusieurs compétences y ont été déployées pour conserver cette biodiversité. Cette équipe de gardes verts est composée de jardiniers, de guides animaliers et de soigneurs animaliers. L’administration du PUB-W est assistée d’un Conseil scientifique et technique dont des chercheurs pour permettre à cet espace de jouer pleinement son rôle de séquestration de carbone, de laboratoire pour élèves, étudiants et chercheurs et de servir de cadre de détente et de loisirs. Des efforts ont été consentis par la commune de Ouagadougou pour faire de cet ancien refuge de bandits de tout acabit, un eldorado. "Les plus hautes autorités l’ont destiné, à être un temple du savoir, un pôle d’expérimentation, de recherche au besoin de la science", nous a confié Moustapha Sarr, directeur du parc urbain Bangr-weogo.

Et ce ne sont pas la volonté et la détermination qui font défaut. Lieu de préservation de notre potentiel environnemental, le PUB-W est aujourd’hui un lieu de production végétale et animale des espèces en voie de disparition. "Bangr-weogo est un laboratoire scientifique, un modèle dans la sous-région, où des étudiants sont envoyés pour leur formation", soutient le Pr Issaka Kaboré Gilba, enseignant-chercheur dans le domaine de la biochimie. C’est pourquoi à l’intérieur de cet espace vert, des efforts d’aménagement et de protection de cette forêt offrent à première vue, des ouvrages de franchissement, des pistes pour piétons et cyclables, des aires gazonnées, des puits à grand diamètre en réalisation , des aires de jeux, etc.

Les gardes verts (c’est le nom attribué aux agents chargés de la sécurité et de la protection de la population florique et faunique) arpentent nuit et jour, ce bois qui abrite 60 familles animales et 225 espèces d’oiseaux. L’espace Bangr-weogo n’est pas seulement un centre de détente, de loisir et de recherche. Selon des sources médicales, la PUB-W a un effet dilatoire sur les bronches. "Vous amenez un asthmatique à Bangr-weogo, vous verrez à un moment donné qu’il n’a plus besoin de pomper son avantaleine. C’est comme si vous prenez un avantaleine qui a des effets vasoconstricteurs qui dilatent les vaisseaux permettant d’avoir le maximum d’oxygène, avec un effet dilatoire sur les bronches", explique le Pr Gilba, du Conseil technique et scientifique du PUB-W. Et K.Z de témoigner : "Je suis un asthmatique et quand je rentre à Bangr-weogo, je sens un effet vassodilatoire, un microclimat qui me permet de respirer librement".

Dans le cadre de la pharmacopée traditionnelle, le poumon vert de Ouagadougou est beaucoup pris au sérieux par des tradipraticiens dont certains l’exploitent à des fins commerciales. Somme toute, les vertus de cette forêt sacrée sont immenses. Sans oublier qu’elle incarne des croyances traditionnelles. C’est ainsi qu’à l’approche de chaque saison hivernale, une cérémonie coutumière (le sigri-maogo), a lieu pour demander aux ancêtres d’intercéder auprès de Dieu pour la santé, le bonheur, la paix et une bonne pluviométrie au Burkina. Ce rite, qui consacre le sacrifice dans les "lieux saints" de cette forêt de poulets et de moutons, est également une occasion pour de nombreuses personnes de formuler des voeux particuliers.

"J’ai vu des gens qui venaient lors de ces rituels dire merci pour leurs voeux exaucés, soit pour la maternité, la vie conjugale, la promotion sociale ou professionnelle", a affirmé Moustapha Sarr, directeur du parc urbain. Et d’ajouter : "La dernière fois, une vingtaine de filles étaient venues dire merci au "Sigri-maogo", en offrant des poulets pour leurs voeux exaucés, certaines ayant même montré des bébés". Dans la rivière sacrée (le Kugri-suingo) de ce bois, cohabitent des êtres mystiques tels que le varan sacré, le python sacré et le crocodile sacré, ce qui confère à ce joyau communal, son caractère socioculturel et scientifique.

Un patrimoine en déperdition

Si des efforts ont été consentis pour la préservation et la valorisation de ce patrimoine, beaucoup de choses restent à faire pour sa survie. La faune et la flore sont victimes de nombreuses attaques et pratiques néfastes telles que les feux de brousse, la coupe du bois etc. Faute d’eau, les espèces animales et végétales menacées de disparition manquent également d’entretien adéquat. C’est le cas de la mare aux crocodiles présentement envahie par la jacinthe d’eau, nuisible aux espèces qui y vivent, notamment aux poissons et aux crocodiles. De part et d’autre des aires du parc, des déchets toxiques comme les sachets et des bidons en plastique jonchent le sol, malgré la présence de poubelles soigneusement posées à cet effet.

Ce dernier exemple illustre la négligence et l’incivisme de certains visiteurs quant à la protection de cette forêt. A la question de savoir pourquoi elle a jeté ses ordures par terre dans le parc, une visiteuse répond qu’il y a des gens qui sont là pour cela. Manque de sensibilisation des visiteurs ou simple indélicatesse de ces derniers ? "Mention assez bien pour le parc, mais bien et excellent restent à faire", a reconnu le colonel des eaux et forêts, Karim Nebié, spécialiste en aménagement des aires de conservation de la faune et de son habitat. Suite aux inondations du 1er septembre 2009, des êtres animaux et végétaux ont été détruits par les eaux et des pistes de passage dégradées : "Il y a lieu d’aménager de nouvelles pistes et de parer également à des éventuels sinistres", a conseillé le colonel Nebié. Mais il faut parer au plus urgent, qui est le manque d’eau, élément vital du poumon vert.

Le directeur du parc ne nie pas cette réalité, même s’il annonce que des projets sont envisagés à court et long termes pour contrer cette "sécheresse" qui affecte la vie des plantes. Mais il ne faudra pas que ce soit du "médecin après la mort" : "il ne faut pas se cacher la réalité, le parc souffre d’un manque sérieux d’eau", a reconnu Moustapha Sarr dont l’équipe bénéficie de l’appui technique d’un Conseil scientifique et technique. Selon ce Conseil, il faut à Bangr-weogo des moyens de développement et de faire du parc un outil scientifique véritable. "Les problèmes d’éducation environnementale, d’aménagement au mieux du parc, doivent être traités", a souligné Thierry Ouédraogo, président de l’association Nature-Action, partenaire du PUB-W. Le Pr Gilba de l’UFR/SVT de l’université de Ouagadougou embouche la même trompette : "Nous pouvons faire beaucoup de choses pour et dans ce parc ; donc, qu’on nous donne la possibilité de le faire et vous verrez que nous soulèverons des montagnes".

Alors, quelle est la part du budget national affectés à l’entretien de cette forêt qui est une fierté pour le Burkina ? Nos honorables députés, qui ont maintes fois manifesté leurs inquiétudes face aux menaces qui pèsent sur ce joyau communal, contribuent-ils à sa survie ?

Des agents inquiets démotivés et braconniers

Si des usagers sont interdits de circuler avec des engins motorisés à l’intérieur du parc, des agents du parc quant à eux, circulent allègrement avec leurs engins à l’intérieur. Pourtant, le service géologique dispose de bicyclettes pouvant servir à ces gardes verts de locomotion. Il n’est pas rare de voir des véhicules emprunter les artères de la forêt au grand dam des visiteurs et souvent à vive allure. "Ah, vous êtes là ! cela tombe juste, je viens à la forêt pour changer d’air et en lieu et place, c’est la poussière que je respire", a relevé le 23 février dernier dans l’après-midi, une des deux visiteuses devant le directeur du parc auprès de qui ces dames tenaient à se plaindre. Le directeur, qui dit être surpris par l’acte que ces visiteuses ont subi, a déploré le laxisme de ses agents à faire respecter les règles édictées en la matière : "Il a été clairement notifié qu’aucun usager ou agent à l’intérieur du parc ne doit circuler avec un engin motorisé, car il y va de la sécurité de nos animaux et de l’hygiène de nos visiteurs, sauf pour des cas exceptionnels", a rétorqué Moustapha Sarr.

Autre fait contrastant et curieux, certains agents de sécurité du parc, qui descendent le matin, abattent matinalement les oiseaux migrateurs tels que les chauve-souris et les revendent à des restauratrices. Plusieurs visiteurs, notamment ceux qui viennent dès l’ouverture du parc à 5 heures, ont été témoins de cette scène insidieuse. De la sécurité à l’intérieur du parc, on peut se féliciter ; mais les alentours restent toujours un refuge de bandits de tout acabit, notamment réputés pour vol à l’arraché. Le dernier cas date du 17 février, quand une fille s’était présentée, ce jour là, au poste 2 du PUB-W, tout en pleurs ; elle expliquait en notre présence aux gardes verts regroupés sous un manguier derrière leur poste, qu’un individu a fui et s’est introduit dans le parc, après avoir piqué son sac à main, alors qu’elle était arrêtée aux feux tricolores jouxtant ce poste.

A la question aux gardes verts de savoir pourquoi ils n’assurent pas la sécurité aux abords de leurs services, ceux-ci nous répondirent : "Notre statut n’étant pas clair, nous ne pouvons pas prendre ce risque. il y a beaucoup de choses que nous ne pouvons pas faire ici (NDLR : au parc urbain Bangr-weogo) en termes de sécurité, du fait de l’ambiguïté de notre statut de gardes verts, qui n’est pas encore reconnu".

Le directeur du PUB-W ne nie pas cette réalité, mais pense qu’il est très tôt pour ces agents de se plaindre, Bangr-weogo étant une expérience pilote. "Nous n’avons pas de statut ni de règlement spécifique, mais le maire de la commune, pour tendre vers cela, nous a instruit, et cela implique qu’il faut d’abord capitaliser nos expériences", a expliqué M. Sarr. A ce problème de statut, s’ajoute celui du traitement salarial des agents. En effet, certains agents pensent qu’il y a une injustice du fait que dans une même catégorie certains agents sont mieux payés que d’autres. Les mécontents pointent du doigt le directeur qu’ils accusent de toujours favoriser "ses hommes".

"Ce n’est pas moi qui fixe les salaires et, avant tout, je suis un employé du parc comme le sont mes collaborateurs", se défend le directeur qui indique que tant le recrutement que le traitement salarial émanent des instances compétentes communales et leurs partenaires. "Il y a ce que nous voulons et ce que les textes disposent", argumente Moustapha Saar qui dit n’avoir jamais ménagé ses efforts pour la motivation de ses agents et pour l’accomplissement des missions à lui dévolues. Du reste, le parc urbain Bangr-weogo, après dix ans d’expérience-pilote, a fait ses preuves et les plus hautes autorités qui l’on destiné à être un centre de recueil et de formation se doivent de redoubler d’effort pour son entretien.

Les responsables du parc urbain, eux, attendent des moyens pour sa gestion et même sa démultiplication à Ouagadougou car, disent-ils, un seul poumon vert demeure insuffisant pour prendre en charge toute la ville de Ouagadougou, surtout en termes de captage de carbone.

Armel ILBOUDO (Collaborateur)

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 17 mars 2011 à 02:01, par Hi tseu En réponse à : PARC URBAIN BANGR-WEOGO : SOS pour un bois sacré

    n’oubliez pas de rendre Hommage au DOYEN Bognounou du CNRST et a Ginko Sita sans lesquels les politiciens auraient rasés Bangr Weogo pour y bâtir des villa et autre Bureau il sont encore en vie même à la retraite courrez vers ces grenier

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