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Université libre d’hivernage de Kléni (ULHK) : Autour de la révision de l’article 37

Publié le vendredi 4 mars 2011 à 03h47min

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“Burkina Faso horizon 2015 : droit, démocratie et développement autour de la révision de l’article 37”, c’est le thème du séminaire qui se tiendra en août prochain à Kleni dans le Kénédougou. Nous vous proposons cette réflexion en prélude à l’événement.

“Article 37 : “Le président du Faso est élu pour cinq ans au suffrage universel, direct, égal et secret. Il est rééligible une fois” Depuis un certain temps la question de la révision de l’article 37 de la Constitution burkinabè qui limite à deux le nombre de mandats successifs du président du Faso, agite l’opinion publique, déchaîne les passions à tel point qu’il occupe tout l’espace politique. Le premier grand débat national sur le sujet a été lancé à l’occasion de la célébration du cinquantenaire de l’indépendance du pays, dans une émission réalisée par Radio France Internationale au mois de décembre dernier à Bobo-Dioulasso.

Les lignes de désaccord se dessinent autour de :
la constitutionalité d’une démarche visant la révision ;
la légitimité d’une procédure de recours au référendum pour départager partisans et adversaires de la révision ;
la personnalisation du débat (le fait de traiter ou non la question indépendamment de la personne de l’actuel président) ;
le caractère démocratique ou non de la révision.

Une démocratie basée sur la majorité… mais laquelle ?

A écouter les arguments avancés d’un côté par les partisans de la révision, et de l’autre par leurs adversaires, force est de constater qu’ils véhiculent de nombreuses ambiguïtés, contradictions et parfois incohérences. La confusion est telle que parfois, l’impression de se tromper de débat ou de mener une fausse querelle survient, les questions essentielles étant éludées.

Cette controverse n’est pas seulement politique mais renvoie à un enjeu majeur pour notre société : celui de l’autoreprésentation du peuple burkinabè. L’heure est au besoin de clarification et d’approfondissement du débat. Il est important de constater que la question des définitions préalables est escamotée. Il existe plusieurs manières de définir la démocratie et chaque définition de la démocratie définit à son tour l’idéal démocratique qu’elle poursuit. Le débat actuel, en faisant fi de ces définitions préalables, ne le rend que plus confus.

Ainsi placés devant la perspective du référendum, partisans et adversaires de la révision laissent entrevoir qu’il n’y a pas un accord entre eux sur la définition de la démocratie comme le régime dans lequel la souveraineté appartient au peuple, donc à la majorité dans le cadre d’une élection. En effet, certains mettent en cause - non pas le principe même de la loi de la majorité : apparemment objet d’un consensus tacite - mais la qualité de la majorité. Selon eux, la majorité c’est le peuple analphabète sur lequel on colle l’étiquette de « bétail électoral ».

L’amalgame sémantique entre analphabète et bête pose problème cependant. Peut-on exiger de la démocratie qu’elle respecte les minorités quand les minorités ne respectent pas la majorité ? Le peuple est analphabète mais pas bête (il a même gagné en réflexivité au fil des années et des évènements qui ont jalonné la vie politique du pays) ; en revanche l’intellectuel n’est pas totalement lucide sur les enjeux sociétaux.

En vérité, il y a une rationalité ou plus exactement des raisons et des logiques qui gouvernent les choix des électeurs et dont il est tout à fait possible de rendre compte. Poussons le débat plus loin : quand bien même la qualité rejoindrait le nombre, qu’on ait affaire non à une majorité analphabète mais intellectuelle, faut-il sacrifier pour autant au principe de la loi de la majorité ? Autrement dit pour paraphraser La Fontaine : « la raison du plus nombreux est-elle toujours la meilleure ? »

Force est de constater que très rarement est posée la question de l’articulation entre le principe de la souveraineté du peuple et la réalité de l’affirmation de l’existence d’une Loi fondamentale. Il est également important de remarquer que les termes du débat sont posés essentiellement sur le terrain juridico-politique, alors qu’un bon nombre d’arguments en faveur ou contre la révision, renvoient le débat sur un autre terrain : celui de l’éthique.

Enfin, le sentiment que l’on se trompe de débat est plus vif lorsqu’on s’intéresse à l’enjeu de la révision tel qu’il est perçu dans l’opinion publique. Pour une bonne partie de la population l’objectif inavoué du projet de révision de la Constitution est de permettre à l’actuel président de pouvoir se représenter et de se faire réélire en 2015. Ainsi cette représentation et cette réélection semblent s’inscrire dans la continuité d’une logique implacable, comme si en cinq ans il ne pouvait y avoir d’alternance politique, comme si en cinq ans, on ne pouvait rien attendre de l’opposition.

Un contexte particulier au « Pays des Hommes intègres »

Sur le fond, le débat sur la révision de l’article 37 de la Constitution burkinabè pose la question fondamentale de la légitimité de l’Etat et de la crédibilité des institutions qui y sont liées. Il faut poser la question du rapport à la loi, ou d’une façon plus générale au droit dans les pays comme le nôtre où règnent, à en croire certains analystes « l’informalité juridique » et le « double langage » : conséquence de l’« Etat importé ». Pour toutes ces raisons, il ne faut pas laisser le monopole du débat aux seuls professionnels de la politique en lutte pour imposer une vision de l’Etat et de la société.

La pensée doit reprendre ses droits (non pas que les professionnels de la politique ne pensent pas : ils pensent mais ils pensent avec une grille de lecture partisane). La pensée doit reprendre ses droits en donnant les moyens de penser la politique sans penser politiquement, c’est-à-dire de penser la politique en tant que scientifique. Le scientifique, certes, n’est pas un intellectuel indépendant au sens où son discours serait hors pouvoir et sans pouvoir, mais un intellectuel qui parle d’abord en tant qu’expert, spécialiste de son domaine.

A ce titre, même s’il est entendu qu’il peut toujours se tromper, prendre parti, avoir des préjugés, il n’en demeure pas moins que son discours reste soumis aux exigences de la science, aux règles et à la méthodologie qui régissent la production de la vérité dans son domaine. C’est de ce constat qu’est née l’idée de ce séminaire interdisciplinaire qui fait une place de choix aux sciences juridiques, politiques et sociales. Ces sciences ont une responsabilité, voire un devoir civique de contribuer par la formation, à l’émancipation des populations et en premier lieu la frange estudiantine.

En Afrique, les grandes luttes politiques à venir se dérouleront autour de la Loi, du Droit, de la Constitution ; elles vont dominer les questions de développement. Aussi le séminaire vise à accroître la compétence des étudiants et de l’ensemble des participants en matière d’analyse sociologique et politique des sociétés africaines contemporaines : une façon de contribuer à la construction et à la consolidation d’une pensée de la démocratie en Afrique.

Plusieurs thèmes seront abordés, entre autres :
La pensée de la démocratie en Afrique : état des lieux
Les enjeux des réformes institutionnelles (le cas du projet de révision de l’article 37 de la Constitution burkinabè)
L’Etat africain : crédit et discrédit d’une institution importée
Les élections en Afrique et la question de la participation politique
Démocratie, droit de l’Homme et développement. Le séminaire se tiendra du 2 au 9 août 2011 à Kléni (Département de Djigouera, province du Kénédougou).

Enseignant-e-s, chercheur-e-s, étudiant-e-s, responsables politiques, associations, citoyens-citoyennes, vous êtes cordialement invité-e-s à participer à ce séminaire. Vous pouvez vous inscrire dès à présent aux adresses suivantes : Contact Afrique : Boureima Ouédraogo : boureima.cadisped@yahoo.fr Les conditions de participation et le programme détaillé seront précisés ultérieurement.

B. Ouédraogo
Président de l’ULHK

A. Henry
Coordonnateur

L’Observateur Paalga

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