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REFORMES POLITIQUES AU BURKINA : "Il faut rendre intangible l’article 37"

Publié le mercredi 19 janvier 2011 à 23h46min

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L’auteur de la réflexion ci-dessous s’insurge contre ceux-là qui soutiennent à cor et à cri que la limitation du nombre de mandats présidentiels est anti-démocratique. Selon lui, il faut corriger le nombre de mandats présidentiels au risque de "donner un pouvoir à vie au président"

On se rappelle que le président de l’Assemblée nationale, président du CDP avait jeté un pavé dans la mare en déclarant, sans ambages, que la limitation du nombre de mandats présidentiels est antidémocratique. D’autres responsables du CDP, ont défendu cette opinion. Plus récemment, des responsables de partis de la mouvance présidentielle se sont faits les avocats du diable en essayant de montrer que la limitation du nombre de mandats présidentiels est antidémocratique. Je serais de l’avis des adversaires de la limitation du nombre des mandats présidentiels exercés par le même individu, si l’on faisait abstraction du contexte burkinabè dans lequel a lieu le débat politique pour se placer dans la démocratie définie comme une forme de gouvernement où les citoyens naissent libres et égaux et où le pouvoir émane du peuple et non d’un individu ou un groupe d’individus, quelles que soient leurs qualités. Cette démocratie est un préalable pour susciter et canaliser un maximum de bonnes volontés et d’efforts utiles à toute oeuvre de construction nationale. Si l’on observe la vie politique dans le contexte burkinabè, on peut constater ce qui suit :

Des pratiques au service de la "victoire à tout prix" du pouvoir

- Malheureusement, au Faso, le régime politique actuel a, par égoïsme et en raison du faible niveau socioculturel de la population, vidé la démocratie de son contenu réel à travers des pratiques essentiellement au service de la "victoire à tout prix". Ces pratiques relèvent d’une autre culture que la culture démocratique. Ces pratiques sont illustrées à travers l’adoption par l’Assemblée nationale d’une carte d’électeur non conforme à la loi électorale et la distribution par la CENI de cartes d’électeur non conformes au code électoral. Relèvent aussi de ces pratiques, les faits suivants :
- Après les législatives de 2002, le CDP a fait modifier unilatéralement dans un sens qui lui est favorable, des dispositions consensuelles du code électoral ;
- le parrainage des candidats à l’élection présidentielle en 2009 : les responsables du CDP n’ont pas su se rendre compte que le parrainage est aussi antidémocratique que la limitation du nombre de mandats présidentiels ? Quelle injustice ?
- la captation par le CDP de la quasi-totalité des financements publics des activités hors campagne des partis, privant ainsi ceux-ci d’une partie de leurs moyens d’action. Quelle injustice ?
- par ailleurs, on peut dire que le multipartisme au Faso, qui permet au CDP de juguler l’opposition et de refuser l’alternance est une supercherie, une imposture qui s’apparente à un parti unique. Toutes ces pratiques ci-dessus énumérées sont profondément injustes. Mais il est curieux que la notion de justice ne soit jamais invoquée par les adversaires de l’article 37 de la constitution qui, par contre, prétendent défendre la démocratie. Mais en réalité, ils ne sont pas démocrates ; ils foulent aux pieds la démocratie. Ce sont des imposteurs.

Les atouts du président sortant et candidat à sa propre succession

On sait que l’argent confère à ceux qui le possèdent, un pouvoir de domination économique et politique. Son mode de répartition accroît les inégalités sociales. Les crédits aussi peuvent être une arme efficace de domination politique et économique. Or, au Burkina, en cas d’élection présidentielle dans le contexte actuel, le président sortant disposerait de l’appareil d’Etat et aurait donc sous son contrôle le budget de l’Etat et les banques publiques. Cela lui donnerait un avantage certain sur les autres candidats.

Il aurait aussi l’appui des opérateurs économiques dont la quasi-totalité est de sa famille politique. Il aurait également l’appui des chefs coutumiers. Ceux-ci influencent la majorité des Burkinabè à travers la société traditionnelle. La mentalité dominante des individus liés à la société traditionnelle est que le chef, en l’occurrence, le président sortant doit régner à vie. Cette mentalité n’admet donc pas l’alternance politique. Il aurait enfin l’appui de la quasi-totalité des cadres de l’administration territoriale, le plus souvent militants du CDP. Tout cela confère au président sortant un privilège décisif sur les autres candidats. Il ressort de ce qui précède, qu’en cas d’élection présidentielle, il n’y aurait pas d’égalité des chances entre d’une part, le président sortant et d’autre part, les autres candidats. A cet égard, on peut admettre, pour une raison de justice, que la limitation du nombre de mandats présidentiels corrige ce manque d’égalité des chances. Sans cette correction, on court le risque de donner un pouvoir à vie au président. Ce qui conduirait à l’immobilisme. N’est-ce pas pour réaliser l’égalité des chances des différents candidats qu’on exige souvent que les présidents des régimes de transition vers la démocratie ne prennent pas part à la future compétition électorale ? Les adversaires de l’article 37 ne sont pas sans savoir que le pouvoir qui dure longtemps conduit à l’immobilisme, et à son terme, à une crise grave.

Et le rapprochement de la limitation du nombre de mandats présidentiels avec la non-limitation du nombre de mandats d’autres élus (conseillers, députés) n’est pas du tout pertinent compte tenu des atouts dont peut disposer le président sortant. De même, la critique facile qui consiste à accuser l’opposition de manquer d’efficacité en raison de son émiettement, en passant sous silence toutes les graves dérives du pouvoir, n’est pas du tout pertinente et fait le jeu du pouvoir. Que les adversaires de l’article 37 ne se contentent pas de la lettre de la loi, mais s’imprègnent surtout de son esprit, lequel veut le renforcement de la démocratie. Qu’ils arrêtent de se faire les avocats du diable, car il raisonnent comme si le régime burkinabè est démocratique, ce qui n’est pas le cas. C’est pourquoi les Fassodé ne partagent pas leurs opinions sur l’article 37. C’est pourquoi les Fassodé qui vivent les réalités du Burkina profond ou réel, un Burkina dur, très dur, exigent que l’article 37 de la Constitution soit érigé en un principe sacro-saint, c’est-à-dire intangible afin que la démocratie règne au Faso et le fasse prospérer pour le bien-être, puis le mieux-être de toute sa population.

Toubé Clément DAKIO Président de l’UDD

Le Pays

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