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Editorial de Sidwaya : La paix pour tous en 2011

Publié le lundi 20 décembre 2010 à 00h58min

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Ibrahiman Sakandé, DG des Editions Sidwaya

Pour parler à la manière d’un homme politique célèbre du Burkina, "il faut anticiper sur les choses, avant que les choses n’empiètent sur nos projets". Dans ce cas, souhaitons, dès aujourd’hui, à tous nos lecteurs, compatriotes et confrères de tous les cieux, une très bonne année 2011. Le vœu qui nous tient le plus à cœur, c’est la paix, la paix dans ses trois dimensions que le mot de chez nous, « laafi » ou « laafia » traduit, en termes de santé, de convivialité et de sérénité.

A chacune et à chacun, nous souhaitons une année de santé. C’est la dimension matérielle, concrète de toute paix. Celle-ci, en effet, commence dans nos muscles, nos nerfs, notre estomac, nos yeux et nos oreilles. Si la sagesse populaire nous dit que ventre affamé n’a point d’oreilles, c’est que ventre affamé n’a d’oreilles que pour sa faim. Quand on a passé une nuit à l’hôpital, on n’est pas en paix. Pour cette paix-santé, nous ne saurions demander au Tout-puissant de nous donner tout l’or du monde.

Car abondance d’argent n’est pas forcément synonyme de bien-être. Un pauvre peut se donner une stratégie de bonheur… On nous raconte, par exemple, que dans l’ancien temps, il y eut une année de disette aux graves conséquences. Cette année-là, les villageois se déplaçaient avec des tessons de calebasses. Quand, affamés au dernier degré et incapables de rire, ils entendaient ou voyaient quelque chose qui faisait quand même rire, ils tapaient les tessons de calebasses les uns contre les autres pour signifier qu’ils riaient.

De nos jours, parfois, les fins de mois nous remplissent d’une grosse colère, la force d’âme nous manque pour aller au-delà, et rire quand même, ne serait-ce qu’avec des tessons de calebasses. Bien entendu, nous ne saurions demander au sort de nous accorder la pauvreté, qui est sans doute un suicide direct. A la manière du philosophe, nous demandons des jours bénis pour chacune et pour chacun en 2011, des jours où nous aurons suffisamment d’argent pour la culture de la paix de notre corps, mais pas tant au point de nous prendre pour des demi-dieux, respirant la suffisance et le mépris pour autrui.

A chacune et à chacun, nous souhaitons une année de convivialité sans nuages, parce que la paix dans sa dimension sociale exige plus que l’armistice et plus que la tolérance. On tolère quand on ne peut pas faire autrement. Que le Tout-puissant nous aide à construire une société conviviale, une culture conviviale, une mentalité conviviale. L’élan national de fraternité et de solidarité qui advient après le 1er septembre 2009 nous montre qu’une telle convivialité est réalisable. Mais vu de plus près, il faut dire que « c’est bien, mais ce n’est pas arrivé ».

Les détournements de biens publics, même de ceux destinés aux plus pauvres, la culture de haine que le zèle de nos militants politiques est en train d’installer au sein des populations, la corrosion de l’égoïsme et de la corruption dont la base rurale de notre culture classique est victime, la délinquance juvénile galopante, le petit et le grand banditisme réunis, la montée en puissance du proxénétisme, la traite des enfants, la généralisation du commerce impuni des fruits mortels des industries européennes,… montrent qu’une société burkinabé de convivialité est à consolider. La spontanéité traditionnelle s’est effritée, la méfiance méthodique et systématique des Occidentaux n’est pas encore une affaire de tout le monde. Il ne nous reste, souvent, dans la vie quotidienne, que de louches louvoiements qui installent le malaise dans nos relations de parenté, de fraternité et de camaraderie. Bonne année de paix-convivialité.

A chacune et à chacun, nous souhaitons une année de sérénité. La paix, c’est surtout la sérénité, quant à la conduite de notre vie. Dans une société sereine, hommes et femmes ont des chances d’être sereins. C’est pourquoi nous pensons que la troisième dimension de la paix est la résultante des deux autres, celles qui sont corporelle, psychologique et sociale. Elle devient une affaire de politique, c’est-à-dire une chose de tous confiée à la gestion de tous. Or, quand nous considérons ce qui se passe autour de nous, nous devons affirmer que cette paix totale ne peut être seulement un don de la politique.

L’individu et la société doivent savoir activer en eux les « fenêtres » des valeurs fondamentales pour la conquête de cette paix. Dans un texte mis en ligne depuis 2002, Miguel Vatter a défendu le point de vue selon lequel l’expression de Clausewitz, « la guerre est la continuation de la politique » doit être renversée. Ainsi, pour lui, c’est la politique qui continue la guerre. D’où le titre même de son étude : « La politique comme guerre ».

L’expression est frappante, mais la réalité de la politique telle qu’elle s’est faite dans le cours de l’histoire avait déjà frappé plus d’un observateur de la même sensibilité que Vatter. Faire la politique, depuis la nuit des temps, c’est s’engager dans une dynamique de combat, de domination, d’autonomisation. Contre cette réalité à laquelle il arrive d’être comme une marrée dévastatrice, nous avions pensé que la démocratie pouvait « domestiquer » la politique, qu’elle était une sorte de guerre pacifique, un remède social de nature sédative.

Mais en démocratie comme en religion, il y a des incrédules. Non loin de la lagune Ebrié, quelqu’un de bonne foi a dit, il y a quelques semaines : « Nous allons montrer à Alassane que la Côte d’ivoire a un propriétaire, c’est Gbagbo ». Le problème, ce n’est pas seulement de renier jusqu’à la notion même de république pour faire de la Côte d’ivoire la possession de quelqu’un, c’est la manière de posséder qui bouleverse.

Et le bien-nommé Gbagbo lui-même… Après plus de trente années de marche contre ses prédécesseurs présidents, la première marche organisée contre son trône contesté a livré ses résultats au monde : « plus de cinquante morts et plus de deux cents blessés (?) », selon le haut-commissaire des Droits de l’Homme de l’ONU ! Comment ne pas déchanter ? Prions, implorons Dieu pour que 2011 soit une année paisible pour la Côte d’Ivoire.

A l’écart de la politique et avec la politique, sachons mettre Dieu et l’homme en ce que nous ferons en 2011, ce sera sans doute la meilleure manière de les trouver en ce qui nous arrivera. Bonne année de paix à chacune et à chacun

Par Ibrahiman SAKANDE (sakandeibrahiman@yahoo.fr)

Sidwaya

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