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Georges Rondeau aux Européens : « Arrêtez votre politique de néocolonialisme en Afrique ! »

Publié le mercredi 1er décembre 2010 à 01h37min

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Georges Rondeau (à droite) répondant aux questions de notre Reporter

Les étrangers (surtout africains) rencontrent des problèmes de divers ordres en France. Ils ont besoin d’être assistés ou défendus. La population française ignore souvent royalement les problèmes que vit le reste du monde. Elle a besoin d’être éduquée et informée. C’est ce rôle que s’est assigné le Centre d’information et de documentation, Maison des associations humanitaires de Touraine, CID-MAHT. Créé il y a plus d’une vingtaine d’années, le CID-MAHT agit auprès du public le plus large possible en s’efforçant, par l’éducation et par l’information, de développer le respect des droits et des libertés énoncés dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.

Il favorise également les échanges et les rencontres entre les personnes et les groupes qui veulent mettre en œuvre des formes nouvelles de développement et de solidarité, notamment les associations, fédérations, secteurs socioprofessionnels, et collectivités locales. A la faveur de la Semaine de la Solidarité Internationale et du festival Alimentaire, nous avons rencontré le président du CID-MAHT. Georges Rondeau, président aussi d’une autre association de défense des droits des étrangers en France, 70 ans dont 30 passées en Afrique ne va pas du dos de la cuiller pour dénoncer l’injustice et inviter l’Occident et l’OMC à laisser l’Afrique aux Africains.

Lefaso.net : Quelles sont vos actions en faveur des étrangers ?

Georges Rondeau : Je rends visite aux étrangers dans deux prisons à Tours et à Châteaudun, nous essayons de trouver des éléments qui leur permettront de s’établir ou de se réétablir dans la société française. Deuxième volet de notre action, j’interviens au local de rétention administratif et c’est à peu près la même démarche que dans la prison, sauf que dans la prison nous avons le temps de mettre en place des projets alors que dans un local de rétention administratif, nous n’avons que 48 h pour trouver des solutions. Troisième et dernier volet de cette organisation (association de défense des droits des étrangers), nous recevons à nos permanences des gens qui viennent nous poser des problèmes tels que le regroupement familial, le mariage, les droits à la retraite, etc.

Et qu’est-ce le CID-MAHT fait essentiellement ?

Nous essayons de développer au moins une fois par an, ce qu’on appelle la semaine de la solidarité internationale par des conférences, des réunions, des expositions. Nous essayons de faire comprendre à nos concitoyens français les problèmes qui se posent dans le monde, bien évidemment beaucoup plus en Afrique puisque de par son histoire la France est très liée à l’Afrique.

Concrètement qu’est-ce que vous avez pu faire sur le terrain ?

Concrètement nous n’intervenons pas en Afrique. Nous aidons les gens qui viennent nous rencontrer en les aidant pour les démarches qu’ils doivent faire. Ce n’est pas à nous de faire les choses en Afrique. Nous avons fait des choses du temps de l’époque coloniale, je ne pense pas que les Africains souhaitent que nous reprenions ce genre de choses. Personnellement je suis opposé à ce que nous le fassions nous- mêmes. Nous devons aider à ce que nos amis africains le fassent. On est là pour les épauler mais c’est à eux de décider s’ils ont besoin de nous ou pas.

Quel est le thème cette année de la semaine de la solidarité ?

Cette année le thème est axé sur l’alimentation (appelée Alimenterre) pour essayer de faire comprendre que les grandes exploitations à caractère industriel qu’on trouve en Europe, au Brésil, aux Etats- Unis ou en Australie sont de grandes entreprises néfastes pour les populations qui ne peuvent pas être compétitves dans ce type d’agriculture. Il faut relancer l’agriculture vivrière pour essayer de permettre aux paysans africains et autres de pouvoir vivre de leurs productions en y maintenant sur ces lieux de production leurs familles. On ne quitte pas sa terre de gaieté de cœur parce qu’on a envie de rester là où on habite et on a envie de vivre dans des conditions de grande dignité humaine en conservant sa culture, ses habitudes, ses coutumes, sa religion, sa langue, et c’est ainsi qu’on développe l’humanité.

En Afrique les OGM sont présentés comme la solution à la crise alimentaire ; quel est votre point de vue concernant cette question des OGM ?

Sur le plan technique je m’avoue complètement incompétent. J’ai simplement le sentiment qu’il faut être extrêmement prudent sur ce sujet. Les problèmes de disette alimentaire sont liés à de très nombreux facteurs. La modification climatique, l’érosion, mais aussi et surtout l’inorganisation, les guerres, les violences soit tribales, soit de la part des Etats ; il y a de très nombreux Etats qui considèrent encore que la dictature est un moyen normal de diriger un pays, et les populations pâtissent grandement de ces problèmes.

Qu’est-ce que les agriculteurs africains doivent faire pour gagner la guerre contre le déficit alimentaire ?

D’abord ils doivent rester fiers d’eux- mêmes. Pendant des siècles les paysans africains ont nourri leurs familles, leurs villages, leurs populations sans l’aide de qui que ce soit. Il faut retrouver des volontés politiques, économiques et sociales pour remettre l’agriculture de ces pays en marche ; il faut qu’ils soient protégés par leurs Etats, ce qui n’est pas le cas actuellement. L’organisation mondiale du commerce (OMC) est très largement responsable des problèmes rencontrés par les paysans africains. Les paysans africains ne peuvent pas être en compétition avec ceux des pays que j’ai cités tout à l’heure. Il faut bien comprendre que lorsqu’on travaille à la main ou avec des attelages à caractère animal, on ne peut pas être compétitif avec des tracteurs.

Les moyens qui peuvent être mis en œuvre c’est l’amélioration des plantes et des sols par diverses techniques que les paysans africains connaissent parfaitement bien. Il faut simplement être avec eux, les aider, par exemple permettre une meilleure irrigation, la défense contre l’érosion, utiliser des plants qui sont mieux adaptés aux sols arides, mettre en place une réelle politique de reforestation, etc.

Les pays africains doivent exiger de leurs partenaires européens, un respect de leur culture et de leur véritable pouvoir politique. Arrêtons cette forme moderne dite de néocolonialisme. Les européens peuvent apporter une certaine connaissance technique, mais ils n’ont pas à prendre la place des décideurs africains.

Interview réalisée à Tours (France) par Koundjoro Gabriel Kambou

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