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Noël à l’ancienne : Sœurs Marie Thérèse Silga et Agnès Conombo se souviennent

Publié le jeudi 24 décembre 2009 à 01h05min

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œur Marie Thérèse Silga

Dans leur maison de retraite des Sœurs de l’immaculée conception à Kossoghin, Sœurs Marie Thérèse Silga (95 ans) et Agnès Conombo (87 ans), à l’instar de 26 autres anciennes se reposent après une vie active vouée à Dieu et au service des hommes. Elles ont tué des Noëls et s’en souviennent.

Sœur Marie Thérèse Silga (95 ans)

La fête de Noël n’as pas toujours eu cet aspect festif et populaire qu’elle a aujourd’hui. Avant que la communauté chrétienne naisse, grandisse et s’organise, les missionnaires d’Afrique Pères blancs fêtaient le Noël où le destin plantait leur tente.

Quand les premiers missionnaires sont arrivés à Koupèla, on leur a donné de s’installer à Binnatenga (en un lieu hanté) et nos pères nous interdisaient de les fréquenter et d’aller au catéchisme. Dans ce cas, comment vouliez-vous que les premiers Noëls soient festifs. J’étais encore petite, mais je ne me rappelle pas avoir vécu un engouement particulier.

Au fur et à mesure que la communauté chrétienne prenait corps, les Pères blancs, à l’exemple du Père Bégasse à Binnatenga ont eu l’intelligence d’associer aux fêtes liturgiques importantes comme Noël, des célébrations d’étapes de catéchèse (port de médailles), baptêmes et surtout des mariages chrétiens.

Pour mon cas, c’est d’ailleurs cette association "heureuse" de célébration qui fut à l’origine de ma vocation chrétienne. Une de nos sœurs cadettes qui avait bravé l’interdiction de se rendre à la mission lors d’une fête de Noël est venue toute émue nous conter comment les Pères y ont célébré le mariage de deux jeunes chrétiens. Emerveillées, nous avons alors "conspiré" d’aller nous faire chrétiennes, afin de bénéficier d’une telle cérémonie.

Il n’était surtout pas question d’en parler à nos parents, malgré le fait qu’ils aient consenti d’envoyer des garçons, dix (10) par village, à la demande de Mgr Joanny Thévénoud, pour commencer l’école cléricale. Martin Silga, mon frère, était l’un de ceux-là et il fut par la suite l’un des tout premiers séminaristes, aîné de Mgr Zacharie Nikièma et de Mgr Dieudonné Yougbaré, et formé en compagnie du cathéchiste Emile Damiba. Martin décédera malheureusement à Koumi, premier diacre voltaïque, de suites de tuberculose.

Nous les filles, nous étions très jeunes, promises en mariage et les parents attendaient que nous soyions nubiles pour nous envoyer chez nos maris. Il n’était donc pas question d’autre chose et, surtout pas d’aller au cathéchisme à plus forte raison, d’être religieuse. Notre conspiration fut vite ébruitée et nous fûmes dès lors flanquées de surveillantes.

Quatre d’entre nous furent mariées manu militari, mais l’une d’elles put s’échapper et se refugier à la maison. C’est ainsi que nos noms furent listés et portés à la connaissance de Naaba Zanré comme aspirantes au cathéchisme. Celui-ci qui avait pris fait et cause pour les missionnaires, donnera l’injonction à nos parents de nous laisser suivre la catéchèse.

Malgré cette précaution, nous subissions des privations de nourriture et dormions à jeûn en réponse à notre "fénéantise" chaque fois que nous allions au catéchisme. C’est seulement la persévérance qui m’a valu d’être baptisée et de poursuivre plus tard dans la vie religieuse.

Nous pouvions désormais fêter Noël dans une communauté chrétienne plus étoffée. La création des "quartiers saints" est venue renforcer le sentiment d’appartenance à un "groupe" et partant, à mieux organiser les fêtes chrétiennes telles que Noël.

A Noël, le repas était préparé et partagé avec les voisins en signe de solidarité. Un repas de fête est toujours partagé, et c’est ce partage entre ceux qui préparent et ceux qui n’ont pas de quoi le faire qui fait que la joie est dans tous les cœurs car ce jour-là, tout le monde mange à sa faim. Ainsi a-t-on évolué vers un Noël populaire, une fête pour tous. Avant le concile Vatican II, les chrétiens jeûnaient avant la célébration de la messe, même de Noël. Dès minuit, nous ne devions rien avaler avant de recevoir la communion lors de la messe, quel que soit le temps qu’il faut endurer.

C’était difficile, mais nous suivions pour pouvoir communier à l’Eucharistie, cœur du mystère chrétien. Devenue religieuse, j’ai ensuite été formée comme aide-soignante et mon premier poste fut Manga, sous le règne de Naaba Boulga dont j’ai baptisé la femme souffrante de tétanos.

Naaba Boulga lui-même gravement malade, a demandé une intention de messe pour que Dieu lui accorde encore quelques années de vie. De fait, il vécut encore trois ans avant de décéder... A Manga, tout comme dans mon Koupèla natal, j’ai fêté dans la ferveur des Noëls mémorables du fait de la forte communauté chrétienne et de la forte implication de la chefferie traditionnelle.

Sœur Agnès Conombo (87 ans)

Sœur Agnès Conombo

Je suis beaucoup plus jeune que mon aînée Marie Thérèse qui fut des tout premières religieuses de notre congrégation des Sœurs de l’immaculée conception (SIC).

Je suis de la première promotion de l’école de Zorgho en 1932-1933. J’avais alors 10 ans. L’année scolaire suivante, je suis partie à Ouagadougou pour suivre l’école régionale, alors tenue par des enseignants franc-maçons qui nous interdisaient d’aller à la mission, malgré le fait que nous avons suivi le catéchisme et avons reçu le baptême.

Au moment des fêtes de Noël, nous rejoignions nos marraines en ville pour fêter. Nous étions douze filles sous le régime d’internat. Nous étions même privées de sorties quand nous nous faisions prendre sur la route de la mission.

Nous profitions pleinement de nos congés alors pour fêter surtout Noël et rentrer à pied à Zorgho (à 120 km de Ouagadougou), pour visiter nos familles. Noël était pour nous la mère des fêtes. On se nattait, on avait des habits neufs et surtout, ça sentait surtout bon à la cuisine où le riz fumait. Rentrée au postulat en 1937, j’ai fait mes premiers vœux en 1943 et mes vœux perpétuels en 1955.

Je suis en repos ici à Kossoghin depuis février 2007. Evidemment, il va de soi que nous ne ressentions plus tellement l’aspect festif de Noël à proprement parler. Notre Noël est devenu plus spirituel au fil des ans et ayant tué beaucoup de Noëls, nous n’avons pas peur d’avancer chaque année, vers le dernier Noël. Nous avons l’accompagnement de parents, de bienfaiteurs de tous les horizons qui se souviennent que nous avons vécu et travaillé parmi eux.

Chaque fois que nous recevons une visite, c’est un peu Noël dans nos cœurs et nous souhaiterions vivre autant de Noëls désormais que de jours dans l’année.

Propos recueillis par Thomas Dakin POUYA et Simplice HIEN

Sidwaya

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