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Victimes de fistules : Ni putes ni maudites

Publié le mercredi 23 décembre 2009 à 03h58min

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Dans un contexte fortement marqué par des préjugés, certaines maladies ne peuvent que prospérer. Est de celles-là la fistule obstétricale considérée dans la région du Sahel comme les conséquences fâcheuses de l’infidélité de la femme ou d’une malédiction. Ainsi, la pathologie fait des ravages et les victimes en souffrent dans le silence lorsqu’elles n’ont pas la chance de rencontrer des personnes informées pouvant leur porter secours.

Mais l’espoir de briser totalement le tabou est permis avec les actions entreprises par le ministère de la Santé et certaines associations qui bénéficient du soutien de l’UNFPA à travers un projet. Un groupe de journalistes a organisé une caravane de presse pour faire l’état des lieux. C’était du 14 au 15 décembre 2009.

Fadima Ahmadou, 49 ans, fait partie des victimes de fistules obstétricales. Mère de trois enfants mort-nés, elle goûtera à la joie d’être mère à sa quatrième grossesse. Mais cette joie sera éphémère puisqu’après son accouchement elle a contracté une maladie qui lui fera subir les pires souffrances. Répudiée par son mari, exclue de la société qui voit en son mal les conséquences fâcheuses d’un acte adultérin ou d’une malédiction, Fadima va errer une vingtaine d’années avant de voir une lueur d’espoir.

En effet, au cours d’une sensibilisation de l’association Khoolesmen basée à Dori, elle a été recrutée parmi les malades de fistules pour être internée au Centre d’accueil du Centre hospitalier régional de Dori (CHR) en vue d’une intervention chirurgicale.

Hadiatou Hama, 24 ans, a eu plus de chance. Contrairement à Fadima, sa misère a duré seulement six années avant qu’elle ne bénéficie de soins appropriés. Dorénavant, elle a recouvré la santé et a rejoint sa famille à Yakuta, à 15 km de la capitale du Sahel, dans l’attente du retour de son mari pour intégrer son foyer.

Invariablement, le scénario est le même : la patiente est accusée de tous les péchés et chassée du domicile. Les parents biologiques l’accueillent et lui procurent les soins par l’entremise d’une association. Après guérison, la femme, grâce aux activités génératrices de revenus (AGR), retrouve une forme éblouissante et son époux, celui-là même qui l’avait vidée de la maison, revient pour redemander sa main. Ici, on ne se marie pas pour le meilleur et le pire.

Mais puisque l’exception confirme la règle, Dori Hama est un exemple parfait de responsabilité. Quand bien même il a convolé en secondes noces, il n’a pas abandonné sa première femme qui souffre de fistule. Bien au contraire, c’est lui-même qui l’a conduite au CHR et l’assiste sur place à Dori. Elles sont au total plus d’une soixantaine de femmes qui ont été identifiées par l’association Kholesmen dans la province du Séno, soumises au traitement, et qui aujourd’hui sont complèment guéries. Quinze autres subiront une intervention chirurgicale d’ici fin décembre.

La fistule n’est, ni une fatalité, ni une malédiction. C’est une pathologie caractérisée par une communication entre le conduit vaginal et/ou la cavité vésicale ou rectale consécutive à un accouchement non assisté médicalement, à une grossesse précoce ou à une faible existence de soins obstétricaux d’urgence de qualité.

“Il s’agit, explique le Dr Moussa Guiro, d’une complication grave de l’accouchement dystocique non assisté par une personne compétente. Le mécanisme unanimement reconnu est la nécrose ischémique des organes pelviens due à une compression prolongée de ceux-ci, par la présentation fœtale bloquée dans le pelvis. Il s’en suit une chute d’escarres vers le 4e ou 5e jour et la fistule apparaît”.

La femme perd ainsi les urines en permanence, ce qui l’expose à de nombreuses complications, notamment les infections, les lithiases urinaires, les lésions cutanées liées au contact permanent de l’urine avec la peau et, au stade ultime, une insuffisance rénale terminale. A ces infections, il faut ajouter les attitudes de rejet, de répugnance, d’isolement social et affectif, conduisant à un repli sur soi et à des dépressions.

Comment mettre fin à cette misère physique et morale que vivent ces femmes ? Le Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA) a sa petite idée : appuyer le ministère de la Santé à travers un projet d’appui au programme de lutte contre les fistules obstétricales pour l’amélioration de la sécurité humaine et du bien-être de la population de la région du Sahel. Coût total de cette intervention qui s’étale sur trois ans : 3 millions d’euros soit près de 2 milliards de francs CFA.

Cet investissement vise à accroître l’utilisation des services de prise en charge et de prévention des fistules, y compris la planification familiale et les soins obstétricaux essentiels et d’urgence dans la région sanitaire du Sahel pour l’ensemble des femmes.

Pour ce faire, l’UNFPA s’est attaché les services d’un chirurgien, le Dr Guiro en l’occurrence, et finance l’ONG Family Care International qui, à son tour, a recruté une association par district sanitaire (Dori, Gorom-Gorom, Djibo et Sebba) pour l’exécution du projet.

Dans le chef-lieu du Soum, c’est l’association Khoolesmen (signifie en fulfuldé cercle où chacun trouve son compte), qui a bénéficié du financement. Selon sa présidente, Aïssata Diallo Hama, une dame connue comme le Loup blanc au Sahel, le fonds sert à la réinsertion sociale des femmes à travers des activités génératrices de revenus dans les domaines de l’embouche bovine, du petit commerce et du tissage.

Adama Ouédraogo Damiss

L’Obervateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 23 décembre 2009 à 19:41, par asken En réponse à : Victimes de fistules : Ni putes ni maudites

    Je me suis permis d’ajouter ceci. J’avoue que j’ignorais cette maladie.

    Qu’est-ce que la fistule obstétricale ?

    La fistule obstétricale est une lésion résultant de l’accouchement qui a été relativement négligée, malgré son impact destructeur sur la vie des adolescentes et des femmes. Elle est généralement causée par un travail prolongé et difficile, parfois de plusieurs jours, sans intervention obstétrique pratiquée en temps voulu, généralement une césarienne, pour mettre fin aux pressions excessives exerceées par le foetus sur l’organisme de la femme. Les effets sont souvent dévastateurs : le bébé meurt dans la plupart des cas et la femme souffre d’une incontinence chronique. Incapable de contrôler l’écoulement de l’urine ou l’excrétion des matière fécales, elle est souvent abandonnée par son mari et sa propre famille, voire bannie de sa communauté.

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