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COTE D’IVOIRE : le pays de tous les possibles

Publié le vendredi 14 novembre 2003 à 17h43min

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COTE D’IVOIRE : le pays de tous les possibles

Décidément, la Côte d’Ivoire est confrontée à une équation à
géométrie variable et à multiples inconnues. Depuis le 19
septembre 2002, les voies de la paix, à l’image de celles du
Seigneur, semblent impénétrables.

Les appels au consensus sont restés lettre morte. Même le mini-sommet d’Accra, tenu le 11 octobre et qui avait été considéré comme le sommet de la dernière chance, a accouché d’une souris.
L’un des protagonistes, les Forces nouvelles en l’occurrence, était absent. Se sentira-t-il engagé par les recommandations de la rencontre ? Rien n’est moins sûr. Et s’il en est ainsi, c’est justement parce que les conclusions du sommet de Marcoussis ont été royalement occultées par le pouvoir de Gbagbo. Elles avaient pourtant créé un certain consensus et avaient été brandies par la communauté internationale comme les clefs de la crise ivoirienne. Mais le climat s’est très vite dégradé par la faute de certains politiciens. Aujourd’hui, l’heure est grave :
comment faire cohabiter deux pôles de frustrations encore
actifs ? D’un côté un pouvoir toujours choqué de n’avoir pas pu
rétablir son entière autorité sur ses agresseurs et de l’autre, des
rebelles qui n’ont pas rénoncé à se débarrasser du pouvoir
d’Abidjan.

Dépasser ces frustrations n’est pas impossible en soi. A
condition, bien sûr, de le vouloir vraiment et surtout d’y croire. Il
faut que les Ivoiriens s’efforcent de façon permanente de
contenir, autant que possible, les pulsions de la haine, des
méfiances et des peurs. Mais les différents acteurs
parviendront-ils à dépasser ces hypothèques qui plombent a
priori tout processus de réconciliation et de restauration de la
gestion des affaires de l’Etat ? Plus d’une année après le début
de la crise, cette question fondamentale reste suspendue à
toutes les lèvres.

Dans les arcanes du pouvoir ivoirien, on ne manque pas de
stratégies pour clouer au pilori les accords de Marcoussis.
Evidemment, le temps a profité au régime , comme toujours
lorsqu’un conflit se prolonge, et s’enlise. Gbagbo a aussi fait
preuve d’une dose conséquente d’intelligence politique. En
replaçant de façon calculée la crise ivoirienne sur le chemin de
la lenteur, tout en déléguant à ses supporters "patriotes", la
gestion de l’agitation tonitruante et de la violence politique, le
"christ de Mama" est parvenu à ses objectifs : vider de son sens
les accords de Marcoussis.

Rompu à l’art du paradoxe, le
président ivoirien savait que le gouvernement d’union nationale pouvait devenir pour lui une nouvelle arme afin de conserver l’essentiel de ses prérogatives. Mais les Forces nouvelles semblent avoir compris l’esprit de ses manoeuvres. En se retirant du gouvernement, elles ont ainsi affiché leur méfiance et fragilisé le pouvoir et ses faucons. Mais jusqu’à quand durera ce jeu de ping-pong ?

Le tableau est tellement sombre qu’on se demande si,
raisonnablement, les accords de Marcoussis étaient
applicables dans cette "vallée des larmes". Avec le recul , il apparaît que l’on avait sous-estimé les capacités de riposte politique de Laurent Gbagbo et surestimé la stratégie des rebelles.
Question angoissante : qui va sauver la Côte d’Ivoire ? Certains analystes politiques mettent en avant plan la France qui tient à protéger son pré-carré. On oublie que pour l’ancienne puissance colonisatrice, à l’instar de toutes les nations, les intérêts priment sur les sentiments.

Et l’ONU ? Là aussi, il y a un certain désintérêt dans le processus de gestion de la crise ivoirienne. Même les chefs d’Etat africains semblent ne pas jouer franc jeu. Certes, des rencontres ont été organisées dans l’objectif de mettre un terme à la cacophonie politico-militaire en Côte d’Ivoire. Mais les recommandations ont du mal à s’inscrire
dans le champ du concret. Le Comité de suivi de la mise en
oeuvre des accords de Marcoussis a lui aussi sombré dans une
léthargie inquiétante.

En vérité, Gbagbo reste et demeure le maître du jeu. Il est à la fois le problème et la solution. S’il se resoud à appliquer les accords de Marcoussis, la paix reviendra en Côte d’Ivoire. S’il s’y refuse, comme il l’a toujours fait, la paix demeurera toujours un éléphant blanc dans ce pays. Et le constat est là, immuable et implacable : personne ne peut forcer Gbagbo à s’inscrire dans une vraie logique de paix. Personne, pas même la France. C’est la triste réalité. Si fait que la Côte d’Ivoire reste, aujourd’hui comme demain, un pays en gestation d’une infinité de possibles.

"Le Pays"

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