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Succession au palais de Kosyam : Blaise peut-il tenir parole ?

Publié le mercredi 17 décembre 2008 à 01h00min

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Il y a quelque temps, nous écrivions en substance qu’au regard des conditions qu’il faut réunir pour succéder à Blaise Compaoré, François Compaoré, sauf surprise, n’est pas qualifié. Ainsi, nous évoquions, entre autres, le soutien qu’il faut avoir de la part de la France, de l’armée, des communautés religieuses et des responsables coutumiers, etc. Or, peu de tout cela peut, aujourd’hui, être considéré comme acquis.

Même si ce n’est pas (au moins officiellement) pour les mêmes raisons, Blaise Compaoré n’est pas disposé à céder la présidence du Faso à son frère cadet.

"La présidence, ce n’est pas une boutique que je peux léguer à François", a-t-il dit dans l’entretien accordé aux trois quotidiens de Ouagadougou (Le Pays, L’Observateur paalga et Sidwaya) le 4 décembre 2008 et publié le 10 décembre 2008. Du reste, c’est avec cette citation que L’Observateur paalga et Le Pays, à une nuance près, ont titré l’interview.

Une chose est de faire une telle déclaration, une autre est de pouvoir tenir parole. C’est pourquoi ceux qui, dans l’opinion, se demandent si Blaise Compaoré agira vraiment conformément à ce qu’il a dit ont tout à fait raison.

Par ailleurs, il faut dire que le genre humain en général est connu pour ses revirements spectaculaires. Le président du Faso étant un humain comme vous et nous, il n’est pas exclu qu’il soit tenté de revenir sur ce qu’il a dit.

Des réponses énigmatiques du genre "Vous, vous auriez fait quoi ?" en réponse à la question de savoir s’il soutiendrait son frère au cas où celui-ci se déciderait à briguer la magistrature suprême, semblent accréditer cela.

Ce qui a davantage rapproché les deux hommes

Une chose est sûre et saute aux yeux de tous : depuis une bonne décennie, François Compaoré n’a cessé de prendre du poids dans le paysage politique, économique et sportif du Burkina. Une telle prise de poids n’a laissé personne indifférent. Jusqu’à ceux qui apparaissaient comme des fidèles parmi les fidèles et qui pensaient qu’il pourrait leur faire ombrage. Pour s’y être mal pris, certains ont dû se rendre à l’évidence ; mais trop tard.

Un proverbe moaga, avec des équivalents dans toutes les langues du Burkina, affirme ceci : "Si tu meurs chez ton meilleur ami, on t’enterrera chez le pire de tes frères (s’il est l’aîné et le seul en vie)". C’est dire qu’il est des situations où quelle que soit la solidité des relations d’amitié qui lient deux personnes, elles peuvent être rapidement remises en cause au profit des liens de parenté (ascendance, collatéralité, descendance).

Il est vrai qu’une autre sagesse soutient que "le bienfait (entendez l’amitié) est bien meilleur que la parenté, mais un tel proverbe ne se dit pas en présence des membres de la famille" ; mais dans notre cas, il se trouve que depuis 1998, à l’instar de Blaise Compaoré, qu’une certaine opinion accuse d’avoir été le bourreau de tous ceux qui ont été les victimes de l’Etat d’exception à partir du 15 octobre 1997, son frère cadet François Compaoré est perçu par cette opinion comme celui par qui les malheurs de Norbert Zongo et de ses trois compagnons sont arrivés.

Peut-être ceux qui en sont convaincus ont-ils raison dans la mesure où dans les affaires d’Etat, tout est envisageable. Cependant, les preuves qui peuvent soutenir ces convictions sont encore à réunir. Tant et si bien que lesdites convictions accusent encore des limites.

Mais en attendant ces preuves, chacune des deux personnalités traîne ses casseroles. Cette communauté de sort peut avoir contribué à engendrer ce rapprochement et cette complicité. En effet, à regarder dans leurs entourages politique et professionnel respectifs, personne autant qu’eux n’est dans la ligne de mire des contradicteurs du régime dans le domaine des droits humains et de la gouvernance.

Quand, en plus de cela, ils sont menacés d’être traînés devant les tribunaux internationaux dès que Blaise Compaoré va quitter le pouvoir, il s’ensuit un regain de solidarité et un manque d’empressement à quitter le pouvoir.

Ce qui peut expliquer l’envol de François

Si la communauté de sort a davantage rapproché les deux hommes, l’envol de François Compaoré peut s’expliquer par la volonté du président Blaise Compaoré de doter son frère d’une force telle qu’il serait incontournable dans sa succession à lui et d’une puissance telle que, quel que soit son successeur, ce dernier ne pourrait pas lui chercher noise. Que ce soit quelqu’un de son serail ou que ce soit quelqu’un de l’opposition, cette personne devrait réfléchir par deux fois avant de chercher à profiter du départ de Blaise Compaoré pour lui créer des problèmes.

On sait ce que vaut l’amitié en politique. Un vieux militant du mouvement étudiant a l’habitude de dire que "l’ami politique, c’est celui qu’on n’a pas encore fini d’utiliser". C’est dire qu’une fois Blaise Compaoré parti de Kosyam, certains pourraient penser qu’ils ont fini de l’utiliser et donc... Par ailleurs, dans le processus devant mener au choix du successeur de son frère aîné, le frère cadet pourrait jouer les arbitres.

En plus du poids politique dont il était question, il y a la FEDAP/BC, dont il est un des principaux architectes. A la différence du CDP, qui est un cadre partisan et dont certains militants peuvent ne pas comprendre que des non-militants CDP ou des personnes n’appartenant à aucun parti politique soient proches de Blaise Compaoré, la FEDAP/BC regroupe tous les Burkinabè charmés par la conduite des affaires de l’actuel président du Faso. Mieux, il semble que nombre de personnes de son proche entourage écoutent des femmes et des hommes de tout bord, discutent avec eux, prennent en compte leurs préoccupations autant que faire se peut.

Se dédire ? Possible mais dur à faire

Si, en théorie, Blaise Compaoré peut revenir sur ce qu’il a dit en propulsant son frère cadet à Kosyam, en pratique, ce sera très difficile. En effet, la première personne à laquelle il aura à rendre compte, c’est lui-même.

Qui que l’on sait, quand l’heure vient de se renier, on ne peut être à l’aise. Parce que la société, depuis notre tendre enfance, fait du respect de la parole donnée une valeur que tout individu doit œuvrer à mettre en pratique. Tant et si bien qu’on ne peut pas ne pas avoir un ressentiment quand on décide de passer outre.

Ensuite, après avoir tenu de tels propos, il aura affaire non seulement à ses opposants traditionnels, mais aussi et surtout ceux qui l’ont soutenu jusque-là : qu’ils soient des politiques ou non. Du reste, le Collège de sages (mis en place au lendemain de l’assassinat de Norbert Zongo), dont tout le monde a apprécié les conclusions des travaux, a insisté, parmi ses recommandations, sur le caractère sacré de la parole donnée.

Avec ces deux déterminants, c’est peut-être faire un procès d’intention à Blaise Compaoré que de croire qu’il compte promouvoir son frangin ou modifier la Constitution afin de régner ad vitam aeternam. Cela dit, il est vrai qu’il faut l’accompagner dans ce sens de sorte qu’il s’éloigne des tentations ou de ces conseillers qui, sous prétexte de l’éclairer, pourraient l’induire en erreur.

Z. K.

L’Observateur Paalga

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