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AFFAIRE NORBERT ZONGO : Et si on essayait les juridictions sous-régionales ?

Publié le lundi 15 décembre 2008 à 03h28min

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Voilà dix ans que cela dure ! Dix ans que les ténèbres continuent d’étouffer dans leurs entrailles la vérité sur le dossier Norbert Zongo. Dix ans aussi que la vie nationale continue d’être perturbée par les marches-meetings et autres manifestations de fin d’année du Collectif, qui maintient la lutte. Une lutte qui, il est vrai, n’est pas sortie indemne de la disparition d’une de ses plus illustres figures, le Pr Joseph Ki Zerbo, et du départ, pour maladie, de son leader charismatique, Me Halidou Ouédraogo.

Il n’empêche que, cette année encore, le gouvernement burkinabè a dû faire de l’anticipation en procédant à la fermeture provisoire des établissements scolaires et universitaires. Une année bien particulière, car marquant le dixième anniversaire de l’assassinat du journaliste et de ses compagnons.

A contexte particulier, risques de débordements plus grands, angoisses et anxiété chez les tenants du pouvoir sans doute plus poussées. Toujours est-il que ces troubles à répétition nourris d’une soif de justice qui se fait toujours attendre, continuent de polluer l’atmosphère politique-juridico-sociale sous les cieux burkinabè. Il faut pourtant y trouver une solution ; crever ce gros abcès qui désarticule sans cesse la marche du pays vers un Burkina plus apaisé et réconcilié avec lui-même. Cela y va de l’intérêt du pays, et de l’intérêt du système éducatif burkinabè régulièrement pris en otage en termes de calendrier scolaire et universitaire toujours affecté par des suspensions de cours. Une solution à la crise est d’autant plus urgente et nécessaire que le Burkina, aussitôt sorti du 11 décembre, date-anniversaire de son indépendance, se crispe toujours, du fait des incertitudes du 13-décembre.

La Journée nationale de Pardon avait pourtant sonné comme l’ultime occasion de panser les blessures du passé, une chance historique pour le Burkina, de creuser les sillons d’une réconciliation profonde. Hélas, l’affaire Norbert Zongo rappelle sans cesse que le compte n’y est pas. Cette Journée de Pardon aurait été courageusement pensée et mise en œuvre sans faux fuyant aucun, qu’on n’en serait sans doute pas là. Dans une situation aussi tragique, des familles de victimes restées attachées à la vérité, voudraient bien pardonner pour peu qu’elles puissent identifier des sépultures et connaître leurs bourreaux.

En brandissant invariablement l’argument de la séparation des pouvoirs, pour faire valoir que c’est à la Justice et à elle seule de régler l’affaire, l’exécutif est sans doute dans son rôle. Mais il reste à savoir s’il ne recourt pas un peu trop facilement à un argument à la fois spécieux et éculé. Dans le cas du dossier Norbert Zongo, la Justice a-t-elle suffisamment les coudées franches pour travailler, sans pression, en toute impartialité et en toute transparence, à l’éclatement de la vérité ? C’est bien là la vraie question. Si le temps semble jouer en faveur de la prescription du crime, le coup de force avorté du capitaine Louis Ouali Diapagri et compagnies, lui, n’aura pas attendu longtemps pour être jugé et élucidé. Certains ont pu alors parler de justice à deux vitesses, soulignant le manque de volonté politique qui empêche tout éclatement de la vérité sur l’assassinat du journaliste.

En tout état de cause, au-delà du fait qu’il a permis des avancées considérables sur le terrain des réformes institutionnelles et des libertés, ce crime odieux resté impuni, continue de desservir le Burkina. Au triple plan de son image, de sa démocratie, et même de son économie au regard des sommes déjà englouties dans cette affaire. On ne saurait opposer à la lenteur de la Justice burkinabè, l’argument du genre, "d’autres crimes à travers le monde, sont restés jusque-là impunis". D’abord parce que l’argument est humainement indécent. Ensuite parce que l’onde de choc suscitée par l’assassinat de Norbert Zongo n’a rien de comparable avec ceux qu’on cite à l’envi. Qui plus est, l’onde continue de produire chaque 13 décembre ses secousses sur la stabilité du Burkina et d’affecter son image à l’extérieur. Au total, jusque-là, le pardon qu’on attendait n’est pas là.

La lumière sur la mort du journaliste, non plus. Et le président Blaise Compaoré, en tant que chef de l’Etat, président du Conseil supérieur de la magistrature, reste demandeur de lumière sur ce dossier sans pouvoir, à l’entendre, y faire quelque chose. Pour faire évoluer cette affaire bloquée depuis une décennie, pourquoi ne pas alors tenter autre chose ? Par exemple jeter une passerelle entre la justice burkinabè et les juridictions sous-régionales relevant de la CEDEAO ou de l’UEMOA. Quand cette coopération judicaire aura livré ses réquisitoires, on jugera de l’opportunité d’organiser un vrai forum de réconciliation préparé sur le socle de la vérité. Le pardon n’est pas une abstraction. Il doit se fonder sur la lumière, la vérité et la justice.

Cheick Beldh’or SIGUE

Le Pays

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