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Fermeture des classes à l’occasion du 11-Décembre : Quand plane l’ombre du 13-Décembre

Publié le mercredi 10 décembre 2008 à 01h24min

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Dans un communiqué rendu public tard dans la nuit de lundi à mardi, les ministres des Enseignements secondaire, supérieur et de la Recherche scientifique ainsi que de l’Enseignement de base et de l’Alphabétisation ont décidé, au nom du gouvernement, de faire fermer les classes des différents niveaux d’enseignement public et privé du 9 au 14 décembre 2008.

Selon le communiqué, cela est rendu nécessaire par la volonté du gouvernement de permettre aux élèves, étudiants et stagiaires de prendre part aux festivités marquant le 48e anniversaire de la fête nationale et à ceux qui le veulent et le peuvent de se rendre à Fada N’Gourma pour assister aux cérémonies d’envergure nationale.

Avant d’en venir à notre propos du jour, nous nous excusions auprès de M. François Kaboré, président du PDP/PS, pour lui avoir attribué Ouinlassida comme prénom dans le chapeau de la livraison de la semaine dernière ; une confusion née certainement du fait que le président du PDP/PS et l’un (Ouinlassida François Ouédraogo) de ceux qui ont claqué la porte du congrès porte le même prénom chrétien François (Kaboré pour l’un et Ouédraogo pour l’autre).
Les avantages de la décision

Revenant maintenant au sujet de la présente livraison, il faut dire, a priori, que c’est là un cadeau inattendu fait par nos gouvernants à la frange jeune et scolarisée de la population, et on ne peut que s’en féliciter, car l’événement (c’est-à-dire le 11-Décembre) et l’impératif d’avènement d’une nation (au sens sociologique et juridique du terme) burkinabè valent la peine qu’une semaine soit accordée à cette catégorie de Burkinabè.

Cependant, on ne peut pas manquer d’établir une relation de cause à effet entre les craintes liées aux conséquences éventuelles de la célébration du 10e anniversaire de l’assassinat de Norbert Zongo et la fermeture des classes. Sur un autre registre, il importe de noter que même si c’était à cause du 10e anniversaire de l’assassinat de N. Zongo que ce congé a été octroyé aux élèves, étudiants et stagiaires, ce n’est pas une mauvaise chose pour les raisons suivantes :

Pour nous, c’est faire preuve d’une intelligence politique que d’agir ainsi, car, comme on le dit, gouverner, c’est prévoir, et il vaut mieux prévenir que guérir. Dans un environnement marqué par les conséquences de la vie chère, l’anniversaire de la tragédie de Sapouy et les négociations gouvernement syndicats, qui ne semblent pas donner les résultats escomptés par les syndicalistes, il faut dire qu’il y a de quoi agir ainsi.

En outre, par cet acte, le gouvernement minimise les risques de manifestations violentes et la répression subséquente qui peut poindre à l’horizon ; or, la répression, qui ne doit être en fait que la dernière arme contre les menaces qui pèsent sur l’ordre public, ne suscite que de la défiance de la part de ceux qui sont réprimés. Ainsi, en écartant le maximum de risque, les autorités préparent tranquillement le déroulement de la fête à Fada N’Gourma et dans les autres localités du pays.

Le 11-Décembre pourrait donc se vivre comme dans le meilleur des mondes possibles si une autre stratégie efficace n’est pas mise en branle par les contradicteurs du gouvernement pour pallier l’absence des scolaires. Pour l’instant, pendant que tout ce qui compte au Faso sera à Fada N’Gourma, Ouagadougou, Bobo-Dioulasso, Ouahigouya… devraient être dans la quiétude.

Les inconvénients de la fermeture des classes

Si on peut retenir quelques avantages de la décision de fermeture des classes, on peut aussi en citer quelques inconvénients. Dans ce sens, il n’y a pas de doute que la semaine de congé, qui n’était pas prévue dans le calendrier scolaire, diminue le volume horaire ou rallonge l’année scolaire d’une semaine supplémentaire. Or, nous sommes déjà, avec le cycle supérieur, dans des situations où l’année académique n’est pas la même partout à cause des mouvements des étudiants et des enseignants.

Par ailleurs, si dans la tête de certains citoyens, c’est tant mieux car ils craignaient pour leur progéniture ou pour leurs biens, dans celle d’autres, cette mesure les prive de manifestants qui auraient pu grossir leurs rangs dans le cadre des activités du 10e anniversaire de l’assassinat de N. Zongo.

Cette dernière frange de la population, dont rien ne dit qu’elle est la plus nombreuse au sein des Burkinabè, estime que le dossier N. Zongo doit être rouvert, et une pétition circule dans ce sens. Mais dans ce cas-ci, il faut reconnaître que les arguments basés sur le fait que ces gens sont minoritaires (ce qu’il faut démontrer) ont leurs limites.

D’un autre côté, les causes qu’ils défendent, même s’il est vrai que nombre d’entre eux veulent en tirer des profits personnels aux plans politique, matériel ou financier et que certains sont abusés par d’autres, se situent un peu au-dessus de l’espace et du temps. Dernier aspect, les conditions de vie et d’études sont plus que dures de nos jours, et tout le monde sait que dans de telles circonstances, l’autorité publique a la tête du parfait coupable.

C’est pourquoi on peut observer qu’il y a comme une espèce de continuum générationnel entre les plus et les moins jeunes. Tant et si bien que chaque année, on remarque qu’il y a comme une relève ou une transmission de flambeau autour du dossier Zongo. Certes beaucoup, parce que très jeunes, n’y comprennent pas grand-chose mais à force d’être dans cette ambiance, ils finissent par en savoir un peu plus ; même si ce savoir, c’est seulement ce que l’on a bien voulu leur faire savoir.

Que faire donc ?

Au regard de tout ça, la décision de fermer les classes à l’occasion de la célébration du 11-Décembre peut en même temps permettre de passer le cap de la commémoration du 10e anniversaire de la mort du directeur de L’Indépendant, mais rien ne nous dit que nous ne sommes pas en présence d’un combustible social très inflammable qui peut prendre feu au moment où on s’y attend le moins.

C’est connu, le refoulement de l’envie de crier son ras-le-bol et les difficultés de la vie quotidienne s’amplifiant, il s’ensuit parfois des tensions psychiques qui ne trouvent leur calmant que dans l’explosion soudaine et inattendue avec la marge d’incertitude que l’on peut imaginer. C’est pourquoi dans le dossier N. Zongo, si la décision de justice actuelle est compréhensible, elle ne doit pas signifier que la justice attend tout bonnement que, par miracle, un citoyen vienne lui fournir des éléments nouveaux alors qu’elle compte des experts du domaine.

Quant à ceux qui appellent à la réouverture du dossier, il est également souhaitable qu’ils ne voient pas dans cette affaire des coupables désignés avant de rechercher ensuite les preuves de la culpabilité de ceux-ci. Bien entendu, des indices qui peuvent aider à échafauder des hypothèses existent, mais le fait qu’on n’est pas encore en possession des preuves qu’il faut doit inciter à davantage de prudence. C’est dur, c’est difficilement acceptable, mais c’est la triste réalité en attendant que la pétition, qui est une autre voie citoyenne de la recherche de la solution, soit examinée par le gouvernement.

ZK

L’Observateur Paalga

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