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Laurent Bado et les coups d’Etat : Le propos surprenant d’un constitutionnaliste

Publié le mardi 2 décembre 2008 à 02h21min

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Laurent Bado

Dans le moteur de recherche Google, 5610 pages en français parlent de lui. Parce qu’il est un intellectuel de haut vol, sa réputation n’est plus à faire et tout ce qui sort de sa bouche est a priori digne d’intérêt et par conséquent décrypté avec minutie.

Et malheur à celui qui tombe sous les fourches caudines de l’homme, qui sait manier à merveille la satire, le calambour et même la grossièreté si besoin est. A longueur de journée, les jeunes et les moins jeunes se délectent de ses formules chocs, qu’il a à profusion. « Je viens parler à votre intelligence pas à vos ventres…Je m’en fous de vos voix…

L’enfer va s’abattre sur vous… Les politiciens cleptomanes et prédateurs dont l’œil de cyclope ne voit que les centimes et les milliards de la Nation », sont, entre autres, les phrases au vitriol adressées aux potentiels électeurs, abasourdis mais charmés par cet éclectique candidat à la présidentielle 2005 qui a parcouru plus de 4 000 km à bord de sa 4x4 Land-Cruiser pour battre campagne. Et qui ne se souvient pas de son passage à l’émission tant prisée d’une radio internationale au cours de laquelle il a parlé des travers de « l’Homme blanc », laissant l’animateur du jour sans voix ? Laurent Bado, puisque c’est de lui qu’il s’agit, ne laisse personne indifférent. En atteste aujourd’hui le tollé provoqué par sa dernière sortie médiatique dans les différents organes de presse de la place.

« Si le plus irréparable des vices est de faire le mal par bêtise, comme le dit Baudelaire, la Communauté internationale (sobriquet pour désigner l’Occident impérialiste), par bêtise, est en train de bloquer l’évolution politique du continent noir, en condamnant systématiquement tout coup d’Etat porté contre un pouvoir soi-disant démocratiquement élu.

La vérité est qu’un coup d’Etat peut se justifier pleinement, au regard des conditions d’accession au pouvoir d’une part, et au regard des modalités de gestion du pouvoir, d’autre part ». C’est en ces termes que Laurent Bado a introduit sa déclaration parue dans notre édition n° 7270 du jeudi 27 novembre 2008, dans laquelle il n’est pas passé par quatre chemins pour justifier certains coups d’Etat militaires en Afrique, qui surviennent comme une sanction populaire. Comble de provocation, il a terminé par ce slogan : « Vive les coups d’Etat moralisateurs ! ».

Par ce point de vue, il est vrai que le père fondateur du PAREN n’a fait qu’enfoncer une porte déjà ouverte, en disant tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. Certains potentats africains mériteraient en effet pire qu’une destitution par les armes. En effet, peu de gens diront qu’Ould Vall, en août 2005, n’a pas fait œuvre de salubrité publique, en débarrassant les Mauritaniens d’un Ould Taya devenu trop encombrant. Laurent Bado n’a-t-il d’ailleurs pas lui-même précisé, avec juste raison, que beaucoup acclameraient à se rompre les poignets si d’office un Robert Mugabe était militairement balayé de la présidence zimbabwéenne ?

Soit. Mais l’ensemble de sa réflexion émanerait d’un autre intellectuel burkinabè ou d’un politicien tartempion que l’on ne pousserait pas des cris d’orfraie outre mesure. Mais le fait que cela provienne de ce député, constitutionnaliste chevronné, enseignant de droit constitutionnel et de sciences politiques à l’Université de Ouagadougou a de quoi désarçonner. Est-ce des propos de dépit à cause de ses nombreuses mésaventures politiques ? Beaucoup en effet penchent pour cette hypothèse vu l’odyssée de cet enfant terrible de Zoula, dans la province du Sanguié, qui n’a fait qu’accumuler tuile sur tuile depuis qu’il a créé, en 2000, le Parti pour la renaissance nationale (PAREN).

Et pourtant, l’érection de ce regroupement politique avait démarré sous de bons auspices avec la victoire pour la gestion de la mairie de Réo (commune et chef-lieu de la province dont il est originaire) et l’élection des quatre députés, le tout pendant les municipales et les législatives de 2002. Malheureusement, celui que beaucoup d’observateurs voyaient d’un mauvais œil embrasser la politique n’ira que de désillusion en désillusion.

En attestent l’échec de la Coordination de l’opposition burkinabè (COB), qui était un projet de son cru, l’implosion de l’Opposition burkinabè unie (OBU) consécutive à la présidentielle 2005, le départ de trois députés de son parti, si fait qu’il était esseulé à l’hémicycle, sa crédibilité fortement entachée par la polémique des 30 millions offerts à l’OBU par le chef de l’Etat. En juillet 2006, c’est la démission du concepteur du tercérisme de la présidence du PAREN. Cela explique-t-il ceci ? Toujours est-il qu’en 2007, c’est la débâcle aux municipales et aux législatives.

Une chose est sûre : cet homme a mal à sa politique. « Il est temps que je me taise, moi qui ai beaucoup parlé dans ma vie, sans doute parce que j’aimais un peu trop le pays qui m’a vu naître, et dont je n’arrivais pas à supporter le classement dans le Mondial socioéconomique en ces temps de nouveaux nationalismes, d’égoïsme des Etats, de volonté de domination et de puissance des nations.

En prenant ma demi-retraite politique, je reste habité par la même conviction qu’au moment de mon engagement politique il y a six (6) ans : si ce peuple du "yel kabé" et du "ça ira mieux" ne prend pas ses responsabilités, le PAREN emportera dans la tombe le deuil de son suicide, en laissant à la postérité le soin de se disputer les tristes lambeaux de son destin brisé ». C’est par ces propos qu’avait conclu le professeur Laurent Kilachiu Bado pendant la lecture de son fameux discours testament, prononcé le jour de sa démission du PAREN. Mais, avec cette dernière sortie médiatique, l’on se convainc que celui qui a créé le tercérisme, ce modèle de société qui se propose de reprendre sans complexe aucun le modèle négro-africain de vie en société, ne peut point se taire. Après sa retraite de la fonction publique, survenue en 2005, ce n’est pas de sitôt qu’il ira, comme il l’avait promis, « mourir tranquille » à Zoula, son village natal.

La Rédaction

L’Observateur Paalga

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