LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Travailleur de l’action sociale au président au Faso : "Nos appels sont toujours sur répondeur"

Publié le mercredi 21 mai 2008 à 10h24min

PARTAGER :                          

L’auteur des longues lignes qui suivent, un travailleur de l’Action sociale, ne lâche pas prise dans sa revendication d’une indemnité spécifique à son corps. A travers maintes lettres ouvertes tantôt adressées au chef de l’Etat, tantôt au Premier ministre, il interpelle les plus hautes autorités sur cette revendication qui lui tient visiblement à coeur. Aujourd’hui, c’est le président du Faso qui est interpellé sur le sujet à travers une troisième lettre ouverte. Des passages du texte ont été supprimés et remplacés par des points de suspension mis entre parenthèses pour des considérations éthiques et déontologiques.

Quand la Russie était à la croisée des chemins, Lénine s’était interrogé à travers un livre célèbre dont le titre est "Que faire ?" Cette classique interrogation se pose chaque fois qu’une situation devient quasi déplorable. L’interrogation de l’homme politique russe nous a inspiré cette autre interrogation : Qu’allons-nous dire maintenant au Président du Faso ? Qu’allons-nous écrire ? En somme, que faire ?

Au moment où nous traçons ces lignes, nous nous interrogeons sérieusement de savoir si la voie citoyenne peut encore résoudre un problème dans ce pays.

Que de cris de détresse, que d’interpellations ! Nous avons personnellement interpellé votre ex-Premier ministre à trois reprises. L’actuel Premier ministre a été interpellé quelques semaines après sa prise de fonction. Cette présente n’est en fait qu’une troisième interpellation à votre endroit. A tout cela, nous avons eu comme réponse un silence de cimetière. Même les bouchers sont sensibles aux cris de détresse que les animaux prêts pour l’abattoir manifestent. Nos appels sont toujours sur répondeur parce que nous "ne sommes pas importants". Nos appels sont restés ainsi parce que "nous sommes inaptes" à la construction de ce beau pays, avons-nous conclu.

C’est pourquoi d’ailleurs nous sommes frappés par la nostalgie de ce griot mandingue à qui on posa un jour la question de savoir pourquoi il chantait les louanges des morts. Il répondit dignement qu’il chantait les louanges de ceux qui sont morts parce que ceux qui sont vivants n’ont rien fait pour qu’il oublie les morts. Bref.

Excellence Monsieur le Président du Faso,

Un Premier ministre britannique disait ceci : "Une platitude est simplement une vérité qu’on répète jusqu’à ce que les gens soient fatigués de l’entendre". De ce point de vue, les lignes qui suivent ne seront que pure platitude. Mais quand une platitude traduit une grande injustice dans une démocratie « qui se porte mieux », elle est vraiment bienvenue. Votre indulgence est encore une fois de plus souhaitée et nous vous remercions de celles accordées les fois passées. Le ridicule et la démission ont longtemps côtoyé le quotidien des travailleurs sociaux qui sont des victimes d’une certaine insouciance et pour une indemnité à eux octroyée à l’instar des autres travailleurs de la Fonction publique qui ont des indemnités et autres avantages inhérents à leurs secteurs d’activités, ils sont tenus à l’écart comme des malpropres. (...)

Excellence Monsieur le Président du Faso,

Le 13 août 2001, à travers l’article 26 du décret n°2001-397/PRES/PM/MEF/MFPDI, une indemnité spéciale de permanence et d’accueil de cas sociaux était octroyée aux travailleurs sociaux des catégories A et B en poste dans les structures déconcentrées où il n’existe pas une structure d’accueil des cas sociaux et utilisant leurs domiciles à des fins professionnelles.

Le 24 novembre 2005, l’article 26 (encore un article 26) du chapitre IX (nouveau) du décret n°2005-570/PRES/PM/MFB/MFPRE est, on ne peut plus clair. Il reprend exactement les mêmes termes que ceux utilisés dans le décret du 13 août 2001. Dans les précédentes correspondances, nous avons fait état du cafouillage administratif qui a émaillé cette situation. Nous allons encore serrer nos dents dans la présente pour essayer de caricaturer l’hideux puzzle de cette affaire.

Avant que le décret du 24 novembre 2005 ne vienne corroborer celui du 13 août 2001, il s’est d’abord produit quelque chose d’impensable. En effet, le 20 novembre 2002, le ministre des Finances et du Budget adressait une correspondance sous le n°2002¬-2147/MFB/SG/DGB/DSO. Le cabinet de notre ministère recevra cette correspondance le 21 novembre 2002 sous le n°0077/CAB. Elle sera transmise au secrétariat général le lendemain soit le 22 novembre 2002 sous le n° 2571. Le même jour du 22 novembre 2002, la correspondance du ministre des Finances et du Budget atterrira à la Direction des Ressources humaines par courrier arrivée n°1100. Ladite correspondance avait pour objet un projet d’arrêté interministériel. Le ministre des Finances et du budget a été on ne peut plus clair dans sa correspondance. Morceaux choisis : "Par la présente, je voudrais rappeler l’esprit dans lequel les négociations gouvernement-syndicats se sont déroulées pour aboutir à un régime indemnitaire dont l’incidence financière assez lourde a dû être étalée sur 5 ans. En effet, ces négociations ont permis d’examiner un certain nombre de requêtes et d’accorder une suite favorable à certaines sur la base de conditions arrêtées en commun et de simulations

préalables. Les libellés de chaque disposition ont été discutés et convenus d’accord partie. Il n’est pas concevable qu’au moment de l’application, des remises en cause profondes surviennent". Et le ministre des Finances et du budget de conclure "Pour me permettre d’examiner avec diligence ce projet d’arrêté et d’y apposer ma signature, je vous prie, Madame le ministre, de bien vouloir réexaminer les listes proposées à la lumière de l’article 26 et me faire part de vos observations ou d’y donner la suite qui convient". Merci monsieur le ministre des Finances et du budget d’être suffisamment explicite.

Excellence Monsieur le Président du Faso,

Nous ignorons si, à l’heure actuelle, cette correspondance a connu une suite. Madame le ministre de l’époque, Mariam Lamizana (puisque c’est d’elle qu’il s’agit, ayons l’honnêteté de la nommer) doit certainement en savoir quelque chose. L’histoire un jour pourra nous édifier sur le degré de responsabilité, d’humanisme et de sensibilité de chacun. Le vrai tombeau de l’Homme n’est pas là où l’on enfouit son cadavre. Son vrai tombeau, c’est le cœur de ses semblables. Le tribunal de l’histoire en jugera. Après la correspondance du ministre des Finances et du Budget, l’insouciance et le cynisme des roitelets du ministère allaient se poursuivre. Nous l’avons déjà souligné. En effet, après le décret du 24 novembre 2005 qui est d’ailleurs parvenu à notre ministère le 2 décembre 2005, une circulaire du secrétariat général datée du 13 janvier 2006 sous le n° 00017 sommait "tout directeur régional " à transmettre des listes d’agents au 31 janvier 2006 au plus tard. Ladite circulaire a été transmise le 30 janvier 2006 à la direction régionale de l’Action sociale et de la Solidarité nationale du nord. Nous supposons qu’elle a certainement atteint les autres directions régionales. Et par la suite, plus rien. Aucune information n’a filtré. Au-delà de la négligence et du délit de la rétention de l’information, cela peut être vu comme un manque de respect à des agents qu’on ne considère pas, à qui on a pourtant confié des missions. Est-ce pour toutes ces raisons qu’au niveau ministériel, nous soyons toujours au stade du débat sur la communication, notamment la communication institutionnelle ? En tout cas, au dernier CASEM de l’année 2007 de notre ministère tenu en décembre dernier, le thème sur la communication institutionnelle s’est invité. Le document final dit ceci : "La communication institutionnelle interne (à une organisation) se définit comme étant la manière dont est organisée la circulation de l’information à l’intérieur de l’organisation (...). Qu’elle soit descendante, ascendante ou à double sens, la mission quotidienne de la communication interne est de participer au bon fonctionnement de l’organisation en favorisant la cohérence, l’unité, des relations harmonieuses, la cohésion et la pluralité, une culture commune.

Cette communication a pour but de rassurer, de motiver et de dynamiser les membres de l’organisation en leur donnant les informations qui les impliquent dans le fonctionnement de l’organisation". Malheureusement, nous célébrerons, pardon nous pleurerons tristement le 13 août 2008 à l’occasion du 7e anniversaire du silence autour de cette indemnité. C’est pourquoi, Excellence Monsieur le Président du Faso, nous vous implorons d’exhorter cette chaîne administrative au nom de cette communication institutionnelle à revoir sa copie. A cause de ce déficit de communication (personne n’a actuellement l’information exacte sur cette affaire), nous n’avons point de "relations sociales harmonieuses" ; pire la " cohésion" et la " culture commune" font défaut. Ce qui fait que nous ne sommes guère rassurés ni motivés selon les termes même du CASEM passé.

Excellence Monsieur le Président du Faso,

Dans la mythologie grecque, dans le jardin d’Hadès, Perséphone a mangé les pépins de grenade, nourriture des morts qui la condamne à rester éternellement dans le sombre royaume. Les travailleurs sociaux sont dans l’opacité totale c’est-à-dire dans un " sombre royaume". Quels pépins de grenade ou quel fruit défendu les travailleurs sociaux ont dû manger pour mériter un " sombre royaume" ? Nous aimerions savoir.

Dans un ministère comme le nôtre où il faut se méfier de tout, même de soi-même, nous craignons une fois de plus de durer encore dans un "sombre royaume". Pourtant le ministère de l’Action sociale et de la Solidarité nationale est un " symbole fort de l’Etat" si on en croit Madame Pascaline Tamini lors de sa sortie médiatique du samedi 1er mars 2008 sur la « chaîne du plaisir partagé » Elle n’a pas été avare en précisions. Elle a même ajouté que « nous devons travaillé à ce que ce pays ne soit pas une jungle où les plus forts mangeront les plus faibles et que nous devons permettre à chaque Burkinabè de vivre en paix et qu’il faille que nous nous donnions la main ». Et Madame le ministre d’ajouter que « chacun à son niveau doit prendre ses responsabilités et qu’il doit se mettre à l’idée qu’il travaille pour le peuple et non pour soi ».

Excellence Monsieur le Président du Faso,

Voila qui est bien dit mais la bonne foi peine à s’affirmer. C’est à croire que le Burkina Faso est un cirque où chacun doit tout faire pour maintenir ceux qu’il considère comme ses subalternes dans une position de clowns avec pour seule compétence la production de spectacle.

Le ras-le-bol est réel surtout à l’Action sociale. (...) Vous avez une forte expérience des hommes (...).

Nous y sommes déjà, sommes-nous tentés de répondre. (...)

Excellence Monsieur le Président du Faso,

Cette troisième interpellation à votre endroit n’est pas fortuite. Vous êtes le médiateur incontesté de la sous-région et particulièrement de la crise ivoirienne. C’est devant vous que messieurs Laurent Gbagbo et Guillaume Soro se sont serré fortement les mains. Mais ce même Guillaume Soro reconnaît que "la société est faite de telle sorte qu’il y a des mécanismes qui permettent de régler des frustrations et par conséquent de préserver la paix sociale. Mais quand ces mécanismes ne permettent plus l’expression démocratique, cela peut conduire à la révolte. C’est l’impunité qui a conduit à une partition de fait de la Côte d’Ivoire" (Extrait de l’émission "Actu Hebdo" de la Télévision nationale du Burkina du dimanche 22 octobre 2006). Nous ne prions pas voir la partition du Burkina. Ce qui nous fait peur, c’est qu’au Burkina Faso, l’intégrité n’est plus la chose la mieux partagée. Ceux qui ont encore la chance de la posséder souffrent dans leur âme. L’intégrité semble être proscrite au pays des hommes intègres. Les hommes intègres sont une espèce en voie de disparition. L’honnêteté est devenue un vice. Le vice est devenu vertu. La situation est devenue comme un monstre incontrôlable. Et c’est peut-être la furie de ce monstre qui nous a maintenus à la lisière d’une bonne écoute il y a déjà 7 ans. (...). C’est dans cet imbroglio que nous nous interrogeons à l’image de Lénine. Que faire ?

Excellence Monsieur le Président du Faso,

Au moment où nous bouclons ces lignes, une évidence qui crève l’œil nous coupe l’appétit. En effet, des collègues (que nous félicitons au passage) ont approché le Médiateur du Faso, cette institution républicaine que vous avez bien voulu instituer pour vous accompagner dans la gestion du pays surtout dans le règlement de certaines situations. Naturellement, c’est la question indemnitaire qui était à l’ordre du jour. C’est de bonne guerre. La réponse du Médiateur du Faso a été sans complaisance. Elle rejoint les exigences du ministre des Finances et du Budget sus-citées. Par correspondance datée du 10 octobre 2007 sous le n° 2007-618/MEDIA-FA/SG/D.AGI, le Médiateur du Faso a dit ceci à nos chers collègues : "Aussi, au regard de tout ce qui précède, je vous invite à refaire une autre demande à l’adresse du ministère des Finances et du Budget en y joignant seulement la liste des agents devant vraiment bénéficier de cette indemnité." Et Madame le Médiateur de regretter avec juste raison d’être "au regret de ne pouvoir appuyer davantage la requête et la déclare close au niveau de ses services".

Excellence, où devons-nous aller si ce n’est à Kossyam ? Voilà pourquoi nous y sommes. Votre ministre des Finances et du Budget a parlé, le Médiateur du Faso que vous avez nommé et installé a parlé. Pourquoi alors d’autres se taisent ? Silence coupable quand tu nous détruis ! Ce silence qui se camoufle sous le masque de la patience. André SEVE dans son livre "Le goût de la vie" a dit ceci : "tout accepter de... par diplomatie intéressée, se taire devant les injustices d’un chef pour ne pas se faire mal voir, supporter une ambiance communautaire malsaine par indifférence ou crainte de se mettre tout le monde à dos, se taire pour éviter des histoires. Ça peut s’appeler patience et prudence. Mais aussi lâcheté".

Excellence Monsieur le Président du Faso,

En attendant la réponse à cette interrogation, nous nous inclinons pour la 3e fois devant l’immensité de votre pouvoir de décision pour mettre fin à cette errance inutile.

Que le Seigneur des mondes vous guide !

Yacouba H.S Ouédraogo
Direction provinciale de l’Action sociale et de la Solidarité nationale du Yatenga

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Burkina Faso : Justice militaire et droits de l’homme
Burkina Faso : La politique sans les mots de la politique
Le Dioula : Langue et ethnie ?