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Démocratie en naufrage : A quand un plan de sauvetage ?

Publié le jeudi 28 juin 2007 à 08h02min

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A en croire la secrétaire nationale chargée de la promotion de la femme de l’UNDD, Mariam Ouédraogo, dont l’analyse suit, la conjoncture burkinabè serait des plus préoccupantes. Aussi propose-t-elle un plan de sauvetage avec l’esquisse ci-après.

Actuellement, ce ne sont que les premiers jours d’exercice du pouvoir du Premier ministre. C’est vrai qu’en matière de prises de contact, il y va à fond la caisse, ce qui attire beaucoup de commentaires amenant même certains à le comparer à Nicolas Sarkozy. Mais comparaison n’est pas raison. Non seulement en 15 jours, il est un peu prématuré de faire un bilan surtout qu’il n’a rien fait d’édifiant dans ce laps de temps contrairement à Nicolas Sarkozy qui a annoncé à l’avance son programme et qui, dès le jour de son élection, s’est mis en chantier pour le réaliser. Avec Tertius Zongo, nous en sommes encore aux salamalecs, et qui plus est, d’un Premier ministre qui n’a pas véritablement de pouvoirs que ceux que veut bien lui donner le chef de l’Etat. S’il en avait comme Sarkozy, ce ne sont pas les urgences qui manqueraient et les raisons d’engager la rupture pour combattre la catastrophe démocratique que l’on ne peut plus nier.

La démocratie en péril

Notre pays connaît des fissures dans le consensus social et national à cause de l’inégalité qui se creuse entre catégories sociales comme des disparités grandissantes entre régions. Il y a, dans le constat de plus en plus net, d’une gouvernance qui laisse à désirer, le naufrage en cours de la démocratie. Ne serait-ce que sur ce plan, la tâche est immense et la position que défend l’UNDD depuis plusieurs années est plus que jamais d’actualité. Les gouvernants devraient cesser d’abord de jouer de la flûte aux Burkinabè en répandant, partout et à chaque occasion, que la démocratie a pris racine et qu’elle est poussée par les vents les plus favorables.

Il s’agit là de mensonges qui sont d’autant plus vains qu’ils ne trompent personne et qu’ils ne sont surtout pas en mesure de divertir la vigilance de l’histoire. Alors, il faut faire l’aveu que l’on a démarré la course sur un mauvais pied pour repartir sur le bon. Si cet aveu était fait, il s’agirait maintenant de lancer le travail de refondation démocratique en abandonnant l’esprit de toujours qui consiste, à chaque fois qu’on engage une réforme, de la vider de son contenu. Il faut ici, pour ne pas retomber dans les mêmes travers, aller au fond du diagnostic pour trouver les meilleures médications au mal qui ronge la démocratie.

A l’UNDD, nous l’avons fait depuis longtemps. La démocratie a mal pris son envol parce que, dès le début, le pouvoir l’a plombée en enrayant tous les principes sur lesquels elle repose : la séparation des pouvoirs est battue en brèche par la mainmise sur tous les organes de l’Etat, les organes de contrôle administratifs et politiques comme de la société civile sont récupérés pour la plupart. Il en va de même des instruments électoraux comme la Commission électorale nationale indépendante, le Conseil supérieur de la communication et bien évidemment, de l’organe judiciaire suprême, le Conseil constitutionnel.

Avec cela, on ne peut que construire une démocratie choisie. Pour extirper le pays des mailles de cette pseudo-démocratie, l’UNDD a toujours assorti ses critiques de propositions concrètes et il n’est pas superflu de les rappeler pour mettre en garde la classe politique et les Burkinabè en général, contre la proposition d’un dialogue faussé. Il faut, pour nous, engager des réformes de fond intéressant aussi bien la Constitution, les lois, les instruments électoraux que la pratique politique ; le tout devant viser deux objectifs essentiels.

La soumission à la volonté populaire

Le premier, c’est la reconnaissance du primat de la volonté populaire. Pour cela, il faut d’abord commencer à combattre tout ce qui favorise l’indiscipline électorale, la fraude, la corruption, les violences, le détournement des missions de l’Etat à des fins électorales. Il y a assurément le plus gros du boulot à faire à ce niveau. Il s’agira d’abord de revoir de fond en comble la CENI pour qu’elle ait enfin cette indépendance qu’elle n’a jamais eue. De ce point de vue, elle devra être bipartite, ne comprendre que la majorité et l’opposition et connaître une rotation à sa tête : le président sera élu par tous les membres, et ce à tous les niveaux. Il conviendra de permettre aux partis politiques qui nomment leurs représentants de pouvoir les révoquer à tout moment pour éviter leur fonctionnarisation et donc, leur sujétion à la Direction de la CENI. Le fichier électoral devra être repris de façon contradictoire et la pièce d’identification unique et sécurisée, contenant une photo, devra être consacrée.

Pour l’UNDD, il faudra aussi regrouper toutes les consultations pour minimiser les frais et donner plus de temps au travail. On ne peut atteindre de tels objectifs qu’en décidant de plafonner le montant des dépenses des partis politiques pendant les campagnes, en interdisant les gadgets et autres moyens qui corrompent le libre choix des électeurs. Il faut bien sûr revenir à la région en tant que circonscription électorale et au scrutin proportionnel à la plus forte moyenne. Le vote des Burkinabè de l’extérieur devra finir d’être renvoyé aux calendes grecques, et l’affichage des listes devra se faire au moins 2 mois avant les scrutins.

Il faudra opérationnaliser le site Internet de la CENI car il est difficile de faire des vérifications du fichier, à moins d’y rester des heures et des heures. Les inaugurations pendant les campagnes doivent être strictement interdites et sanctionnées. Il faudrait adopter une nouvelle formule au niveau des bureaux de vote. Chaque bureau comportera deux présidences avec tous les documents en double : documents pour la majorité et documents pour l’opposition. Chaque électeur, après avoir voté, passera donc par ces deux présidences pour le remplissage des documents électoraux. Le soir, il n’y aura plus qu’à confronter les résultats. Et idem pour le transfert des résultats jusqu’à la CENI nationale.

Il faudra nécessairement abandonner cette encre indélébile, qui ne l’est jamais, au profit d’autres systèmes utilisés ailleurs comme appareils à ultrason et autres, nettement plus fiables. La formation des délégués des partis devra se faire tout au long de la législature, avec désintéressement financier à l’appui. Dans le même ordre d’idées, le pouvoir devra prendre en charge le travail des délégués des partis dans les bureaux de vote, le jour du scrutin. L’arrêt de la votation à 16 heures et non plus à 18 heures s’impose, compte tenu de l’absence d’électricité dans le pays, ce qui amplifie les fraudes au niveau des procès-verbaux et autres feuillets de dépouillement.

Le respect des partis politiques

Le deuxième point sur lequel l’UNDD a toujours insisté, c’est la réhabilitation du droit des partis politiques. Le pouvoir a toujours eu du mépris pour les partis politiques. N’ayant accepté la démocratie qu’à contrecœur, il a travaillé à la pervertir, à la récupérer notamment en déstabilisant les partis, en les affaiblissant, et à défaut, en en créant dans tous les bords (majorité, opposition), qui lui obéissent au doigt et à l’œil. Plus grave, il a encouragé, en violation de la Constitution, des partis ethniques, sectaires, corporatistes, de telle sorte qu’à ce jour, il existe à l’Assemblée des députés qui pourraient répondre de leaders occultes politiques, opérateurs économiques, chefs traditionnels ... On voit, par ce canal, comment on est engagé dans la privatisation des institutions, avec tous les dangers de récupération maffieuse que cela comporte. Il est impérieux de redonner aux partis politiques la place qui est la leur en démocratie.

Et pour cela, il faut commencer par définir des frontières entre majorité et opposition, à revoir les conditions de création des partis politiques pour en limiter le nombre et favoriser un leadership de qualité. Pour les élections, il importera que les partis politiques puissent au moins être présents dans la moitié des circonscriptions. Il est évident qu’il ne sera pas possible de réhabiliter, et le droit de suffrage et le droit des partis politiques, si le pouvoir continue à monopoliser tous les organes de l’Etat, à inféoder l’administration, l’armée, utilisant les biens et les relations de l’Etat pour sa politique partisane.

De la même façon, il sera difficile d’y parvenir si la première Dame, qui n’a pas de statut officiel, continue à être aussi présente et aussi omnipotente dans la vie publique et politique. Il sera par ailleurs difficile de sauver la démocratie si les médias d’Etat restent aussi désespérément la propriété personnelle et exclusive du parti au pouvoir et si ce dernier continue de polluer la vie des médias privés en trustant bien de journalistes et en inondant le milieu de journaux qu’il contrôle.

Par ailleurs, la politique « genre » doit être appuyée par une nouvelle politique qui échappe à la mainmise du pouvoir et qui fait que non seulement les femmes restent toujours instrumenlalisées mais que l’objectif est trahi parce que ce sont toujours les femmes proches du pouvoir qui bénéficient de ces politiques. Il est en effet difficile au Burkina Faso, comme dans les régimes d’hégémonie politique, que les femmes, qui ont naturellement de la peine à militer, puissent s’engager dans les partis politiques d’opposition.

Enfin, un dialogue sincère visant une refondation véritable devra être couronné par ce nouveau départ qui se manifestera par la reprise de toutes les élections en fin 2008 et évidemment par l’engagement du chef de l’Etat à ne plus se représenter pour un nouveau mandat. Ce n’est que de cette façon que chacun confessera ses fautes et prendra l’engagement d’un nouveau départ en espérant convaincre qu’il n’y aura plus jamais ça ! Tout le reste ne sera que bricolage et petits coups fourrés entre amis, sur le dos du peuple !

Ouagadougou, le 25 juin 2007

Mariam Ouédraogo,
Secrétaire nationale chargée
de la promotion de la Femme de l’UNDD

L’Observateur Paalga

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