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Législatives 2007 : Des partis politiques comme des SARL

Publié le mardi 29 mai 2007 à 07h41min

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Après avoir suivi le déroulement de la campagne électorale pour les législatives du 6 mai 2007 au Burkina, Yacouba H.S. Ouédraogo, tout en déplorant "la misère et la sécheresse d’esprit" de certains candidats, interpelle les nouveaux députés à travers les lignes suivantes sur leurs responsabilités vis-à-vis du peuple, leur mandant.

Acta est fabula (la pièce est jouée). Ainsi, la pièce des élections législatives est jouée. Le 6 mai 2007, jour du scrutin, est désormais derrière nous comme tous les jours qui passent devant notre incapacité à les saisir. C’est cela aussi, toute la faiblesse humaine face à la fuite du temps, devant laquelle nombre de poètes ont essuyé un échec.

La CENI a proclamé les résultats provisoires des élections passées. Dans "Le Pays" n°3859 du 30 avril au 1er mai 2007, nous avons exprimé notre point de vue sur le rôle du députe. Nous avions dit, pour nous résumer, que le député était le représentant du peuple, envoyé en mission par celui-ci.

Nous avions, dans ce numéro, invité les différents candidats à faire preuve de responsabilité et de sincérité. Nous profiterons de cet article pour reparler un peu de nos formations politiques. A notre humble avis, quand est évoqué le cas de ces formations politiques, nous sommes tentés de dire que la pluralité de partis tue la démocratie. Nous assistons au printemps des partis politiques mais il y a un pas qu’il faut se garder de franchir. En tout cas, les scènes que nous avons vues pendant la campagne lors de ces législatives nous inquiètent. De savoir que la communauté internationale nous observe, l’on tombe des nues. Pourquoi ?

C’est vrai que nous avons une jeune démocratie, mais jeunesse ne doit pas rimer avec ridicule !

Comportements inexpliquables

Comment peut-on expliquer le comportement de ces « hommes politiques » qui ont pris la double responsabilité de créer des formations politiques, d’aller aux élections, mais qui se permettent de « disparaître » en pleine campagne, poussant l’affront jusqu’à s’absenter des plateaux des médias ? Quand on n’a pas les moyens (idéologiques), la sagesse commande qu’on s’abstienne de créer un parti politique.

Certains ont été visibles mais n’ont fait qu’étalage de toute la misère et la sécheresse de leurs arguments. Ils se sont embrouillés devant le peuple si bien que, par moments, l’on pensait que certains candidats se préparaient pour des répétitions de scènes comiques. Certains lisaient à peine ce qu’ils avaient à proposer au peuple (où est le sérieux ?). En consultant les résultats provisoires donnés par la CENI, nous avons remarqué qu’un parti politique avait récolté 197 voix, un effectif qui avoisine celui d’une classe d’école primaire. Comment peut-on croire à un tel score ? Nous avons l’impression que le thème de campagne de certains partis se résumait au mode de partage de la subvention de l’Etat. Le ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation devrait ouvrir l’œil (et le bon) parce qu’un parti ne doit pas être un refuge quand on a tout perdu. Un parti se crée avec des idées, pour parler comme un honorable député.

Nous sommes convaincu que si rien de sérieux n’est fait, 200 partis se présenteront aux prochaines élections. Opinion plurielle, d’accord ! Mais non aux plaisantins qui rivalisent sur le perchoir du ridicule. On ne peut pas n’obtenir qu’une centaine de voix à un scrutin et en vouloir à un parti qui en a récolté 1 373 078 ! L’écart est abyssal ! Quand un parti vit d’un scrutin à l’autre et compte uniquement sur la subvention de l’Etat, ce n’est plus un parti, c’est une Société à responsabilité limitée (SARL), pour parler comme un concitoyen. Ainsi se porte la démocratie au Burkina Faso, plus de 2 siècles après Jean Jacques Rousseau. Pendant la campagne, quelque chose à retenu notre attention.

Au cours de cette campagne électorale, sauf erreur ou omission de notre part, nous n’avons aperçu aucun parti politique dans un centre de santé pour visiter des malades, ni dans un centre de détention pour réconforter des détenus.

Beaucoup d’élus risquent de disparaître

Aucun parti n’est allé sur les lieux du drame de Koudougou où une école s’est effondrée, causant la mort de quatre élèves et faisant une quarantaine de blessés.

Chacun partait vers les électeurs potentiels. Nous nous sommes demandé si tous les partis n’étaient pas à la « chasse » aux électeurs et si, le moment venu, ils ne nous oublieraient pas comme ils ont royalement oublié les groupes ci-dessus cités. Ce n’est qu’une observation. ¬

Ainsi, l’ossature de notre future Assemblée nationale est presque connue. Dieu Merci, on a pu circonscrire quelques débordements, et c’est tant mieux pour la nation ! Dans les jours à venir, les élus iront à l’hémicycle. Pour certains, c’est un retour à l’école. Pour d’autres, ce sera le premier jour de classe. Tous auront cependant la même mission : contrôler l’action du gouvernement, voter des lois qui conviennent, bref représenter valablement le peuple qui les a désignés. Malheureusement, beaucoup d’élus risquent de « disparaître » malgré leurs promesses. Ils doivent cependant savoir que le Burkina Faso est une savane et que, par conséquent, on se voit à distance. On va donc se surveiller sérieusement. Le peuple a joué sa partition. Aux élus de jouer la leur. Jouer sa partition en tant qu’élu ne signifie pas transformer l’hémicycle en dortoir. Un soldat au front qui se permet de dormir risque de ne pas retourner à la maison. Le député qui se permettra de faire la même chose ne doit plus revenir vers le peuple. Il doit être disqualifié.

Nous sommes environ 13 millions de Burkinabè avec 111 personnes admises à l’Assemblée nationale. Cela veut tout dire, si tant est que nous voulions la vérité. Pour terminer, convenons pour Jean Jacques Rousseau que « les hommes ne sont naturellement ni rois, ni grands, ni riches. Tous sont nés riches et pauvres, tous sont sujets aux misères de la vie, aux chagrins, aux maux, aux besoins, aux douleurs de toutes pièces ; enfin, tous sont condamnés à la mort. Voilà ce qui est vraiment de l’Homme ». Chers élus, bon vent, mais sachez que vous n’êtes que des hommes. Nous aussi !

Yacouba H. S. Ouédraogo Direction provinciale de l’Action sociale et de la Solidarité nationale du Yatenga

Le Pays

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