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IDRI : Triste et surprenante fin d’une expérience prometteuse

Publié le mercredi 18 avril 2007 à 06h46min

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Le Conseil des ministres en sa séance du mercredi du 11 avril dernier a examiné et adopté un projet de décret portant fermeture de l’Institut Diplomatique et des Relations Internationales et reversement des auditeurs actuels et des premiers fonctionnaires stagiaires (qui sont sortis il y a moins de quatre mois) au ministère de la Fonction publique et de la Reforme de l’Etat pour emploi.

Selon le Conseil des ministres, la raison d’une telle décision réside dans le fait qu’il n’existe aucune adéquation entre les objectifs initiaux de la formation et les résultats auxquels on a abouti.

Il est un fait que personne mieux que le gouvernement n’est assez bien placé pour juger du degré d’adéquation entre les missions de départ assignées à l’IDRI et les produits de la formation.

Sans doute il est de sa responsabilité, de prendre une telle décision s’il le juge nécessaire car le chef de l’exécutif, à savoir Blaise Compaoré, est la personne à qui le peuple, en toute souveraineté, a confié sa volonté pour cinq ans. Il est donc légitime et légal.

En outre, dans un pays où le gouvernement est souvent accusé moins à tort qu’à raison de laxisme dans la gestion de l’administration publique, le principe de la fermeture est plus que justifié surtout, comme le souligne le Conseil des ministres, si l’employeur qu’est l’Etat (incarné par le gouvernement) ne se reconnaît pas dans le produit fini.

Il serait donc inconvenu de lui faire grief du point de vue du principe. Mieux, il faut même l’encourager à être plus incisif dans ce climat ambiant d’impunité et de laisser-aller. Toutefois, il est des questions qui attendent des réponses Si blâmer le gouvernement pour une décision dont il a compétence, c’est lui faire un procès de mauvais aloi, ne pas chercher à comprendre davantage ce qui a conduit ou paraît avoir conduit à une telle décision serait une attitude non citoyenne.

Aussi, il faut se demander :

- Quels sont les critères d’appréciation qui ont permis de prendre la décision fatale concernant l’IDRI et s’il avait été diligenté une étude sérieuse à cet effet. Certes, en ouvrant l’institut, le gouvernement n’avait pas en son temps tout décrit et tout écrit publiquement à l’intention de l’opinion ; donc quelque part, on peut penser que par souci de parallélisme des formes, nul besoin de préciser les critères qui ont conduit à la fermeture.

Cependant, l’argument peut résister difficilement à la critique pour deux raisons : d’abord parce qu’une bonne gouvernance politique et économique suppose qu’en situation de crise, les pouvoirs publics soient les plus transparents possible ; ensuite, au regard des conditions dans lesquelles la décision a été adoptée par le conseil, on est en droit de se dire qu’il y a eu précipitation.

En effet, de sources concordantes, il ressort que le dossier n’est pas passé par le secrétariat général du Gouvernement et du Conseil des ministres, ce qui suppose que nombre de ministres n’ont connu du dossier qu’une fois dans la salle du conseil.
Si c’est le prix d’une certaine insuffisance de résultat de la part de la première promotion de l’institut, dont les éléments ont pris service seulement depuis le 19 février 2007.

Apparemment non, puisque leurs notes de fin de formation étaient très bonnes semble-t-il. De plus, depuis leur prise de service, aucun d’entre eux, autant que nous le sachions, n’a fait l’objet de sanction quant à son rendement. Et même si cela avait été le cas, un ou deux cas n’auraient pas suffi à tirer une conclusion qui, à l’évidence, lèse directement une soixantaine de personnes et indirectement une centaine si on tient compte du nombre de personnes qu’un salaire ou une simple bourse permet de supporter.

- Quelle est la qualité des enseignements qui sont dispensés à l’IDRI. Peut-être y sont-ils de piètre qualité. Ce dont on peut douter car il nous est revenu que le niveau s’apparente à celui des établissements universitaires. Si fait que les fonctionnaires à qui ils avaient autorisé de passer le concours auraient, pour une bonne partie, échoué.

Résultat, les stagiaires de l’IDRI sont, pour la plupart, titulaires de la maîtrise ès lettres ou sciences humaines et sociales. Ils sont donc a priori balaises et même très balaises au regard de la richesse et de la variété de leur programme de cours à l’université et à l’IDRI au double plan théorique et pratique. Le probable rapport entre la fermeture et l’actualité Comme on peut le constater, les trois explications formulées sous forme d’interrogation ont une force de conviction limitée. Partant de cela, une catégorie de l’opinion constituée des fonctionnaires stagiaires (ceux qui ayant fini leur formation mais n’ayant pas encore un an de service) et stagiaires fonctionnaires (les auditeurs actuels) croient dur comme fer que la décision de fermeture est consécutive à la marche que les agents du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération régionale ont organisée, sous la houlette du Syndicat autonome des agents du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération régionale (SAMAE) pour revendiquer de meilleures conditions de vie et de travail.

Il sied donc de se demander si là, il n’est pas fait à l’institut un mauvais procès ceci pour une raison bien simple : si la fermeture de ce centre a bel et bien un lien intime avec l’actualité, il y a lieu de s’interroger sur le fait que ladite mesure n’ait pas été étendue à l’ENAM, du moins à sa section Diplomatie au regard du fait qu’en terme de nombre il y avait plus de diplomates anciens énarques à battre le pavé. Tout porte donc à croire qu’il y a deux poids, deux mesures sans que l’on sache pourquoi.

Pour ne rien arranger, de sources proches du ministère, la fraction la plus incisive de la base sociale du SAMAE serait constituée des éléments de la première promotion de l’IDRI. De même un membre du staff dirigeant du ministère chargé des affaires étrangères nous a confié qu’en réalité, l’IDRI paie cash pour la proximité syndicale et idéologique supposée ou réelle du SAMAE avec la CGTB.

Enfin, une troisième opinion veut que les stagiaires de l’IDRI aient fait carrière au sein de l’Association nationale des étudiants burkinabè (ANEB) avant de « migrer » vers l’Institut où ils auraient plus des réflexes d’étudiants d’UFR (pour ne pas dire d’opposants au pouvoir) que de stagiaires d’école professionnelle d’abord préoccupés par leur formation et leur carrière de fonctionnaire.

Pour les intéressés, un regard critique sur le SAMAE ainsi que de son fonctionnement oblige à conclure tout autre chose. En effet, selon eux, il ressort qu’aucun diplomate « idrique » n’occupe un poste dans le bureau dudit syndicat, et que l’institut n’est pas le point de chute exclusif d’anciens syndicalistes étudiants plus dévoués les uns que les autres. Ceux-ci se retrouvent aussi bien à l’ENAM, à l’IDRI qu’à l’ENAREF et dans tout ce qui est école de formation professionnelle au Burkina. Espérons que ce n’est pas la la vraie raison Dans cette affaire, il semble que le personnel administratif et le corps professoral n’aient été informés que par les médias. Même le directeur général Mouhoussine Nacro n’aurait été informé que par quelqu’un qui a écouté le compte-rendu du conseil des ministres mercredi dans la nuit. Il aurait donc essayé de joindre au téléphone les ministres concernés (chargés de la fonction publique, des affaires étrangères, des enseignements) en vain.

Une telle rumeur peut relever de l’intoxication dont les Burkinabé ont le secret. Elle ne traduit pas moins le fait que la direction de l’institut et les enseignants ne sont certainement pas d’accord avec le principe de la fermeture. Les stagiaires encore plus.

Cependant on ne peut qu’être interloqué à cause du sort qui est réservé aux fonctionnaires stagiaires et aux stagiaires fonctionnaires sortis du défunt IDRI. En décidant de les reverser à la fonction publique sans avoir même envisagé de leur faire passer un test aux fins d’apprécier leur aptitude à exercer le métier de diplomate, il est difficile de convaincre du contraire ceux-là qui pensent que derrière le décret portant fermeture de l’établissement se cache en réalité une sanction qui ne dit pas son nom. Même si on se surprend en train de penser que ce ne peut être là la vraie raison vu l’inconsistance de l’argumentaire.

Sur un autre plan, même si la décision du conseil est collégiale, il n’en demeure pas moins que les ministres assument individuellement l’initiation des dossiers qu’ils introduisent pour adoption. Toutefois, le conseil gagnerait à être plus vigilant pour dire non quand la forme des dossier n’est pas au rendez-vous ou quand leur fond pose plus de problème qu’il n’en résout. Et c’est le cas ici. Un non de la part du conseil ne signifie pas un désaveu parce qu’il sera dit dans les formes qui seyent et en plus il peut se révéler être bénéfique pour le ministre concerné et pour l’ensemble du gouvernement en permettant d’éviter les travers.

Rappelons-nous seulement qu’il y a quelque temps, la ministre de la Culture, des Arts et du Tourisme Aline Koala avait introduit un dossier en conseil des ministres pour demander la suppression de l’Institut des peuples noirs (IPN). Grâce à la forte charge historique, politique et sociale dudit institut, le conseil avait jugé qu’il n’était pas opportun de le faire. Très sage décision même s’il faut ajouter que le rayonnement diplomatique du Burkina Faso crée des conditions favorables pour que le gouvernement trouve les moyens pour dynamiser l’IPN.

Quant à Y. Ouédraogo, on le peut comprendre car à ce que nous sachions, c’est la première fois que des agents marchent pour des revendications d’ordre interne. Mais cela signifie qu’il y a au moins un problème : ou le ministre a raison et c’est un problème managérial qu’il doit résoudre, ou il a tort et il n’y a rien à dire. En tout cas, une chose est certaine : si, comme on le susurre, il a refusé de recevoir les responsables du syndicat, il a eu tort. Espérons seulement que ceci, c’est de l’intox. Si, par bonheur, le gouvernement estime que les soupçons de sanction sont erronés, il pourrait à défaut de rapporter sa décision minimiser les dégâts en n’affectant pas les fonctionnaires dans des directions garages ou en tenant un tant soit peu compte de leur souhait.

Le gouvernement est déjà engagé sur plusieurs fronts sociaux dont le dernier en date est la manifestation lundi 16 avril des gardes de la sécurité pénitentiaire. Il ne serait ni opportun ni prudent d’en ouvrir d’autres. Ce n’est pas de la couardise que de penser ainsi. C’est simplement par sagesse et par souci de sauvegarde de l’essentiel : la paix sociale et la stabilité politique.

Zoodnoma Kafando

L’Observateur

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Vos commentaires

  • Le 18 avril 2007 à 07:07 En réponse à : > IDRI : Triste et surprenante fin d’une expérience prometteuse

    Merci de ce début d’explications et chapeau pour les "contorsions journalistiques" à camper votre sujet. Le peuple a le droit de savoir les motivations de la décision car passer "frauduleusement" un dossier en conseil de ministres n’est pas digne et pas respectueux pour la démocratie que nous batissons. Les termes employés dans la motivation de la décision du Conseil des ministres sont insultants pour le personnel administratif et ensignant et les étudiants sortis ou en cours de formation. Comment vivront-ils l’anathème qui lur est collé ? S’il y a eu évaluation de l’Institut, le peuple a le droit de savoir ; il faut faire état des conclusions et non fournir au plus des formules laconiques et blessantes dignes d’un autre âge. Il y va de la crédibilité de notre pays à faire face à un certain nombre de défis d’autant plus que des projets de Grandes Ecoles sont dans des cartons. On demande encore, messieurs les journalistes, une autre investigation sur ce dossier qui date d’une semaine maintenant.

  • Le 18 avril 2007 à 11:49, par José à Paris En réponse à : > IDRI : Triste et surprenante fin d’une expérience prometteuse

    Quelqu’un avait il y a peu de temps osé, avec il est vrai un certain humour, une critique (vraie) sur l’action du Ministre Youssouf OUEDRAOGO à la tête du Département, et les réactions qui avaient suivies avaient mis en exergue le fait que malgré tout, cet homme restait fortement contesté au sein de ce Département...

    Le modus operandi de cette fermeture (similaire à celui d’une école religieuse genre grand séminaire catholique) vient quelque peu confirmer ses propos. Les étudiants de l’IDRI ont payé comme vous le dites cash leur proximité avec le SAMAE et la CGTB ; comme quoi en diplomatie, on ne se syndique pas, et on obéit sans broncher...

    Je crois qu’il s’appelait Le Gonze !

    • Le 19 avril 2007 à 23:38 En réponse à : > IDRI : Triste et surprenante fin d’une expérience prometteuse

      IDRI : c’est vraiment dommage que ceux qui president a la destinee de notre pays se comportent ainsi. On peut y mettre la forme de facon a ne perdre face tant sur le fond que la forme.
      IPN : J’ai ete vraiment horrifie d’apprendre que la ministre de la culture avait tente de supprimer l’IPN (Institut des Peuples Noirs) : est-ce pour mieux promouvoir la depigmentation physique et mentale des noirs... Ensuite on supprimera le FESPACO (si on ne se le laisse pas pique par ceux qui en savent la valeur), la SNC....c’est choquant. PF

  • Le 18 avril 2007 à 12:18, par Gazere En réponse à : > IDRI : Triste et surprenante fin d’une expérience prometteuse

    Je crois qu’il subsiste beaucoup de zones d’ombre dans cette mesure qui me semble avoir été prise de manière précipitée et sur un coup d’humeur. certaines personnes avec lesquelles j’ai échangé croient dur comme fer à l’inadaptation du produit fini au bout de deux ans. le niveau laisserait à désirer.
    Par contre,je reste convaincu que cette décision est fortement liée à la ligne de force qui progressivement se fait jour au Mae. La situation sociale est de plus en plus insupportable pour les agents ;le ras-le-bol pousse ces travailleurs d’ordinaire si discrets à elever la voix bien qu’ils n’aient pas des armes comme les militaires et les Gsp.Il ne s’agit pas d’empêcher les effectifs de se renforcer, il s’agit plutôt d’être objectif et de travailler à améliorer un tant soit peu les conditions de travailleurs en voie de clochardisation. L’erreur serait de croire qu’ainsi on peut étouffer les revendications dans l’oeuf.

    • Le 19 avril 2007 à 14:47 En réponse à : > IDRI : Triste et surprenante fin d’une expérience prometteuse

      Je suis en grande partie d’accord avec ce que vous avez écrit. Cependant, je me dois de vous donner l’information juste par rapport à ce qui vous a été dit sur les résultats produits par l’idri. On ne peut pas remettre en cause le niveau des fonctionnaires issus de cet institut, car si l’on se réfère aux moyennes des uns et des autres, soit plus de 16 pour le meilleur et un peu plus de 12 (moyenne minimale requise pour être admis) pour le dernier, on ne peut pas dire que le niveau est faible, bien au contraire. C’est l’information que je tenais à vous donner pour démentir ce qu’on a pu vous dire sur le niveau des fonctionnaires issus de l’idri. Comme vous l’avez relevé, les raisons de la fermeture de l’institut sont à rechercher ailleurs. Mais il n’est pas besoin d’être devin pour faire le lien avec la marche du 10 avril 2007.

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