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Le véritable obstacle au développement de l’Afrique

Publié le lundi 18 décembre 2006 à 08h01min

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Ousmane Tamboura

Ado, j’entendais raconter souvent une histoire somme toute, accrocheuse. Pour l’essentiel, il était question de deux groupes d’individus ou plutôt deux communautés. L’une formée par des occidentaux l’autre par des négro-africains. Elles se sont retrouvées, chacune de son côté, coincées dans un gouffre.

Les membres du premier groupe s’entraidèrent et sortirent les uns après les autres. Quant aux africains, chacun se débattu de son côté en vain ; chaque fois que l’un d’entre eux s’approchait de l’objectif, les autres s’empressaient de le ramener au point de départ : malgré les efforts pharaoniques fournis par nos amis (individuellement) ils restèrent prisonniers de leur ornière.

Personnellement cette histoire me révoltait ; je me sentais offenser chaque fois qu’elle est racontée car, non seulement j’étais hanté par le passage que l’on attribue à Senghor et selon lequel « la raison serait hellène et l’émotion serait nègre », mais aussi j’avais une envie folle de croire à « l’afro-optimisme ». Au fur et à mesure que je gagnais en maturité je me rendais compte, non sans amertume, qu’il y a une part de vérité dans ce qui se dit à propos des blacks. Toutefois c’est à la « cité inter » que mon chagrin a atteint son paroxysme.

Je suis ahuri de réaliser que beaucoup d’Africains ne sont pas capables d’oublier un temps soit peu leurs intérêts personnels, qu’ils sont hantés par une jalousie maladive et aveuglante et n’ont pas la clairvoyance et l’humilité indispensable leur permettant de reconnaître que certains choix faits par d’autres africains pourraient avoir une réelle valeur ajoutée pour Les africains et par voie de conséquence pour eux-mêmes et leur progéniture.

Ce drame que nous vivons dans nos pays respectifs se prolonge malheureusement partout ailleurs où les africains vivent en communauté (ou du moins là où ils se regroupent), et la « cité inter » n’échappe pas à cette tragédie. Cependant, le plus dramatique de tout est que cette règle prévaut également sur nos échiquiers politiques ; au lieu de faire de la politique, la vraie politique, nos politiques, ceux qui ont la destinée de l’Afrique en mains, se contentent de mettre les bâtons dans les roues de leurs compagnons de malheur ; malgré la pertinence souvent évidente des choix politiques que font ces derniers.

La politique en Afrique est devenu un métier parmi d’autres ; un métier où les rhéteurs, les égocentriques, les démagogues règnent sans partage. Ces vautours qui sont pour la plupart des personnes fantoches se retrouvent en politique sans aucun programme électoral consistant, sans aucune motivation véritable en dehors de se remplir les poches ou de « marcher sur le tapis rouge ». Ils sont confortés dans ces entreprises machiavéliques par l’analphabétisme et le dénuement dans lequel vit une bonne partie de l’électorat africain.

Beaucoup d’entre nos politiques ignorent que la politique n’est pas la guerre. Et il ne serait pas superflu de rappeler à certains d’entre eux que, si en guerre les parties ont des objectifs divergents, en politique les partis ont le même objectif : défendre l’intérêt suprême des citoyens. Là où on doit faire des critiques constructives, ils déforment l’information et ne reculent devant aucune bassesse pour la manipulation des sensibilités ethniques, religieuse et j’en passe.

Ils ne savent pas qu’ils sont adversaires et non ennemis : leurs ultimes objectifs devraient être (entre autres) l’amélioration des conditions de vie de leurs compatriotes, le progrès économique de leur pays. Mais comme ils mettent en avant leurs propres intérêts, ils usent et abusent sans vergogne du principe selon lequel « la fin justifie les moyens ». Ainsi ils adoptent le clientélisme ; optent pour la diffamation et active avec subtilité la corruption....

Aussi sombre qu’est le présent, il est rassurant d’entrevoir un avenir prometteur. En ce qui me concerne, mes espoirs sont assombris par l’attitude de certains étudiants subsahariens résidents au Maroc. Quoi qu’on dise, nous constituons un échantillon assez représentatif de la jeunesse africaine et de surcroît une frange importante de l’intelligentsia (en devenir) de ce continent. Cette région du monde meurtri par la mal gouvernance, les guerres, les maladies et par voie de conséquence la pauvreté, attend beaucoup de sa ressource humaine en général et de sa jeunesse en particulier. Malgré le fiasco de certains régimes, la jeunesse peut et doit redonner le sourire à « maman Africa ».

Malheureusement un hic est vite survenu. Cette jeunesse qui se doit de jouer la carte du changement est en train d’emboîter le pas à ses aînés. Quelqu’un d’autre dirait que l’éléphant annoncé est en train de se casser le pied !

Nous voici donc à la « cité inter » dénomination affectueuse de la cité universitaire internationale de Rabat au Maroc (concocté par ses résidents), symbole par excellence de la présence des étudiants subsahariens au pays du thé à la menthe. Là aussi, et comme je l’avais souligné plus haut, les blacks ne font pas exception à cette règle qui veut que, ceux d’entre eux ayant quelques idées bénéfiques pour la communauté s’attirent la foudre des autres.

Ces bonnes volontés doivent donc faire face à une animosité doublée d’une jalousie aberrante des individus mesquins. La position de ces derniers est d’autant plus surprenante que les idées en questions cadrent avec leurs intérêts. Au lieu de soutenir ces personnes qui ont un peu d’imagination pour défendre leurs intérêts et espérer recevoir par le même geste l’appui de ceux-ci, quand ce sera leur tour, ils se présentent comme des écueils contre la mise en œuvre de ces idées sans raisons objectives. Ils sont capables de s’allier d’une façon ou d’une autre dans cette entreprise de nuisance.

Voici donc la triste réalité à laquelle doit faire face l’Afrique. La jeunesse c’est l’avenir et l’avenir c’est la jeunesse. L’avenir de l’Afrique est quant à lui mis à mal par le comportement de quelques jeunes inconscients et mal intentionnés.

Le véritable obstacle au développement du continent noir se trouve dans le fait que les africains ne s’aiment pas et n’aiment pas l’Afrique. Pour moi, la solution au problème de développement de notre continent est simple et ne dépend que de nous : aimons nous les uns les autres ou du moins acceptons nous les uns les autres ; soyons tolérants et solidaires.

Cette vision ne correspond pas à l’absence de diversité d’opinions dans les milieux académiques et intellectuels ; elle ne s’oppose pas non plus à une pluralité de véritables partis politiques. Elle fustige le sabotage dans les campus universitaires en Afrique ; encourage la naissance des partis politiques responsables. Elle prône simplement « l’union dans la diversité » qui est l’une des issues pour sortir l’Afrique de la misère. Saint-exupéry affirmait : « si tu diffères de moi, loin de me léser tu m’enrichis ».

Rabat, le 05 Décembre 2006

Ousmane TAMBOURA
Etudiant Burkinabè en 2ème année
DESA Marketing-Management à l’Université Mohamed V de Rabat Souissi, Maroc.

P.S : Je dédie ce modeste travail au Pr. Joseph Ki-Zerbo

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