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Indemnités à l’Action sociale : Le "long chemin de croix" des travailleurs

Publié le lundi 4 décembre 2006 à 06h49min

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Leurs conditions ne sont pas des plus heureuses. C’est pourquoi, à travers cette lettre ouverte qu’il adresse au Premier ministre, Yacouba H.S. Ouédraogo, agent à la direction provinciale de l’Action sociale et de la Solidarité nationale du Yatenga, attire l’attention sur le chemin de croix que vivent lui et ses collègues de l’Action sociale.

C’est avec un cœur très lourd et la mort dans l’âme que nous venons par la présente vous transmettre le résultat d’un petit diagnostic quant à la marche des principes de votre gouvernement. Après le diagnostic d’un grand docteur que vous reconnaîtrez certainement, qui trouvait que "la morale agonise au pays des hommes intègres", nous avons trouvé pour notre part que la Justice se portait bien, et même très bien, quand on observe çà et là les faits et gestes au quotidien.

Que des citoyens se battent au quotidien pour qu’on élabore des textes en leur faveur sans succès passe encore, mais qu’on obtienne l’élaboration des textes ainsi que leur adoption sans pour autant rentrer dans nos droits, là il y a problème. Et il y a problème notamment au ministère de l’Action sociale et de la Solidarité nationale.

Des collègues s’étaient insurgés avant nous à travers la presse pour traduire l’état comateux et révoltant indigne d’un comportement en temps de paix dudit ministère. Chaque collègue est allé de son expérience et de son inspiration, mais peine perdue. Leur appel est resté sans suite, sans doute, dans un Etat de pagaille et de laxisme, la simple climatisation d’une voiture de fonction peut endormir un ministre et le rendre indifférent aux sollicitations capitales de ses travailleurs.

Dans une telle situation, les voix des faibles ne dépassent jamais les toits de leurs services. Pourquoi cet état de fait ? Parce que tout simplement nous sommes des sous-hommes affamés qu’il faut maintenir dans la misère parce que nous n’avons pas droit au bonheur. Mais, jusqu’à présent, j’avoue que vous ne comprenez pas assez le mobile de cette révolte de ma conscience.

Quels crimes les agents sociaux ont-ils commis ?

Nous sommes un produit de l’Ecole national de service social de Gaoua, aujourd’hui Institut national de formation en travail social. Après l’étape de la formation, il fallait évidemment affronter les dures réalités du terrain. C’est ainsi que nous avons pris service et nous nous sommes attelés au travail pour rendre naturellement service à la Nation. Le mythe du travail social, sa noblesse étaient pour nous un motif de satisfaction, et nous nous étions résolus, au nom de notre serment, à ne pas faillir. Nous n’avons pas su à l’époque que le travail social n’était pas une priorité au Burkina Faso, comme la sécurité de ses dirigeants.

Après notre incorporation au Service national de développement, il nous fallait percevoir notre salaire, car tout travaille le mérite. Notre premier chemin de croix devait commencer. Le salaire me fut parvenu sans mon indemnité de sujétion à laquelle j’ai pourtant droit. A notre inquiétude, tout de même naturelle, de comprendre pourquoi, on nous fit savoir à la solde qu’à l’Action sociale c’était ainsi. Et ce fut ainsi puisqu’à notre niveau il fallut attendre dix mois plus tard pour rentrer dans nos droits.

Nous avons eu plus de chance que ce collègue de la Boucle du Mouhoun qui, jusqu’en juin 2006, n’avait pas encore obtenu un centime de ses indemnités de sujétion. Il aurait pataugé, erré pendant quatre ans environ dans cet état. Quel crime les agents sociaux ont-ils commis pour porter la croix à propos d’une indemnité que les autres agents de la Fonction publique considèrent comme une partie du salaire ? Nous pouvons répondre. La réponse est que nous appartenons a un ministère qui peine a s’affirmer.

Avec moins d’un pour cent (-1%) du Budget national annuel, le ministre de l’Action sociale et de la Solidarité nationale est un figurant du gouvernement.

Une tentative de nous prouver le contraire serait absurde. Avec un budget qui ne vaut même pas le budget d’une direction régionale, comment voulez-vous que tout un ministère travaille correctement ?

Quelque part, quelqu’un n’a pas fait son travail

Mais passons. Monsieur le Premier Ministre, voyez vous- même, lors de vos discours de déclaration de politique générale à la représentation nationale. Si vous prenez quatre heures de discours, vous évoquez les efforts du département de l’Action sociale de façon linéaire, qui ne prend même pas le temps qu’il faut pour fermer une fenêtre. Quand des agents croient servir l’Etat et se voient ignorer à des séances solennelles comme celle-ci, on tombe des nues. (Nous n’allons pas nous attarder sur ce manque de considération, nous reviendrons une prochaine fois). Le summum du comble réside dans les points suivants :

En 2001, un décret octroyait une indemnité spéciale de permanence ou d’accueil des cas sociaux aux personnel des catégories A et B du chargé de l’Action sociale en poste dans les structures déconcentrées où il n’existe pas de structures d’accueil des cas sociaux et utilisant leur domicile à des fins professionnelles. De 2001 à 2005, soit cinq ans, le manque du sens de responsabilité des uns et le silence coupable des autres n’a pas permis aux agents bénéficiaires d’entrer dans leurs droits. Un long chemin de croix.

En 2005, soit le 24 novembre, le décret N°2005 - 570/PRES/PM/MFPRE comportant les signatures du premier magistrat de ce pays, du chef du gouvernement que vous êtes, du ministre des Finances et du Budget, et du ministre de la Fonction publique et de la Réforme de l’Etat nous redonne espoir parce que notre indemnité y figure en bonne et due forme au chapitre IX (nouveau) qui parle des indemnités spéciales (article 26). La dernière disposition dudit décret dit ceci : "Le ministère des Finances et du Budget est chargé de l’exécution du présent décret. En effet, le décret est parvenu à notre ministère le 2 décembre 2005 par courrier arrivé N° 3546 et transmis à la Direction des ressources humaines le 5 décembre 2005.

Une circulaire datée du 13 janvier 2006 N°00017 du secrétariat général de notre ministère, et parvenue à notre Direction régionale le 30 janvier 2006, avait pour objet la transmission de la liste des agents bénéficiaires. La transmission des listes avait pour date butoir le 31 janvier 2006. Paradoxe des paradoxes. A l’heure où nous écrivons ces lignes, nous ne savons rien exactement sur cette affaire. Une injustice à visage découvert. Une indifférence insultante digne de l’époque de la pierre taillée.

Monsieur le Premier Ministre, le décret a instruit le ministre des Finances et du Budget qui a fait parvenir une correspondance à notre ministère.

Cela veut dire que si nous remontons jusqu’en 2001, à quelque part quelqu’un n’a pas fait son travail, quelqu’un a failli. Cela fera bientôt sept ans que ça dure. Les enfants qui sont nés à l’époque sont maintenant à l’école primaire. Durant tout ce temps, des gens ont démissionne de leur responsabilité. Beaucoup se sont comportés en seigneurs. Il est temps que ça cesse.

Si le ridicule pouvait tuer

Si le ridicule pouvait tuer, beaucoup seraient en pleine décomposition dans leur tombe. Ce qui aurait dû causer le suicide ailleurs engraisse certains au Faso. Les gens doivent comprendre que personne ne développe le pays plus que son camarade. La construction du pays dénote d’une action collégiale, de toutes les mains des fils et filles de ce pays. Il n’ y a pas de supers citoyens, il n’y a que des citoyens responsables. L’histoire ne nous a jamais enseigné le bonheur d’un pays où se pratique une injustice à visage découvert parce que, tout simplement, des ministres (nous apprécions beaucoup d’entre eux) ont oubliés leur "misère". L’artiste dit que tout le monde a été un jour tout petit, même les chefs d’Etat. Pour le paraphraser, nous dirons que tout le monde a connu un jour la misère, même nos ministres.

Mais pourquoi vouloir brimer des gens qui vous ressemblent à un moment donné de votre vie. "That is the question." Feu le président Maurice Yaméogo disait un jour que le Burkina Faso était une savane et qu’on se voyait à distance. Gageons de réduire au mieux les injustices du genre qui peuvent déboucher sur des conséquences fâcheuses. Cet épisode ne prendra pas fin sans que je ne vous dise, Monsieur le Premier Ministre, de nous permettre quelques issues de secours, à savoir :

"Nous faire rentrer dans nos droits pour la valorisation du capital humain si cher à son Excellence Monsieur le Président du Faso, Blaise Compaoré.

Patrick G. Ilboudo, dans les Carnets secrets d’une fille de joie, nous disait ceci : "Quand un baobab a poussé sur votre poitrine et que vous pouvez encore respirer, vous remerciez le ciel." Nous avons fait nôtre cette assertion mais on ne saurait supporter ce baobab durant toute notre vie. C’est pourquoi nous avons tenté de nous adresser à vous directement, car Feu le Président Thomas Sankara nous disait ceci : "La mort la plus violente pour un homme est de taire sa pensée lorsque vient le moment de l’exprimer." C’est cette mort violente que nous avons refusée à travers ces lignes. C’est pour, ensemble, aider notre chef de l’Etat à réussir son quinquennat, lui qui "ne veut laisser personne au bord de la route". Ce que certains n’ont pas compris.

Monsieur le Premier Ministre, tout en comptant sur votre bonne compréhension, nous vous prions de recevoir l’expression de notre totale considération.

Yacouba H.S. Ouédraogo à la Direction provinciale de l’Action sociale et de la Solidarité nationale du Yatenga

Le Pays

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