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Diplomatie burkinabè : Au-delà des intérêts

Publié le jeudi 30 novembre 2006 à 07h13min

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Youssouf Ouédraogo et Colin Powell

Le président du Faso vient d’effectuer, du 19 au 23 novembre, une visite d’amitié et de travail en République de Chine. Cette visite qui intervient quelque deux mois après le dernier sommet sino-africain tenu à Pékin auquel il n’a pas accepté prendre part est la traduction, on ne peut mieux de la vision diplomatique de Blaise COMPAORE qui tient plus à des valeurs fondamentales qu’aux intérêts "monnayés".

"Les Etats n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts". Cette confession du Général DE GAULE pendant qu’il était aux commandes de la République française est bien une triste réalité qui hélas, dévoie l’esprit de la Convention de Vienne, le vivier des relations diplomatiques. En effet, comme mus par un cynisme qui ne dit pas son nom, nombre d’Etats nouent des partenariats puis les dénoncent au gré des intérêts du moment.

Une pratique que la période de la Guerre froide avait comme "légalisée" d’autant que les différents blocs s’acharnaient à se débaucher mutuellement les "amis" avec pour champ de prédilection de ce "sport" dont étaient friandes les grandes puissances, le regroupement des pays dits non-alignés. Et l’occasion était évidemment fort belle pour certains de ces pays de se faire du "blé" car tourner casaque était chèrement monnayé !

Il n’est pas encre loin ce temps et la situation s’est même pervertie de nos jours avec cette "libéralisation" tous azimuts dans les relations internationales qui ne s’embarrassent plus de (idéologie). Les "affaires" n’ont pas de couleurs, seul importe ce que l’on peut en engranger. Evidemment, là où entre l’argent, s’envolent les scrupules et aux calendes grecques les bonnes résolutions dont celle de l’égalité en droit des peuples et des Etats.

Le Burkina affirme sa liberté diplomatique
Depuis un peu plus d’une décennie, le "pays des Hommes intègres" a fait table rase d’avec les sentiers battus en matière de diplomatie internationale. Plus de mimétisme ou de suivisme, seule la conviction propre doit guider les relations avec les autres et les autorités font leurs les valeurs du droit international.

L’établissement des relations diplomatiques avec la République de Chine est l’illustration même de la tendance nouvelle. Une option que certains feignent de ne pas comprendre parce que contrariant le schéma qu’ils se sont fait. Ainsi donc, lorsque le Burkina a renoué officiellement le 2 février 1994, ses relations diplomatiques avec la République de Chine (Taipei), la Chine populaire (Pékin) comme elle le fait avec tous les Etats pauvres, a décidé de rompre les siennes avec notre pays. Cette reprise de coopération a suscité si ce n’est qu’elle suscite toujours le débat quant à son opportunité.

Nombre d’analystes estimant que l’on a plus intérêt à être avec la Chine populaire qui, présentement, est la cinquième puissance économique et dispose d’un droit de veto à l’ONU. Alors que l’autre, elle, occupe économiquement le 24e rang mondial et n’est pas toujours reconnue comme un Etat souverain par la communauté internationale.

C’est justement ce dernier aspect qui semble guider l’action diplomatique du chef de l’Etat burkinabè. D’autant qu’il apparaît comme une injustice.
On sait que la République de Chine, c’est une superficie de 35 961,2 km2 et plus de 20 millions d’habitants. Et le fait de ne pas vouloir se mettre sous le protectorat de Pékin, qui dispose d’un droit de veto, amène la communauté internationale, notamment l’ONU, à refuser de reconnaître sa souveraineté internationale.

Pourtant, l’Ile nationaliste entretient des relations commerciales avec plus de 150 Etats contre une trentaine seulement au plan diplomatique. Ce qui fait dire que c’est une injustice de n’accepter ce pays que quand il s’agit de traiter les affaires commerciales et de ne pas lui reconnaître son droit à la souveraineté internationale.

C’est vraisemblablement contre cette attitude manichéenne que se dresse Blaise COMPAORE. La République de Chine bénéficie ainsi dans son combat de reconnaissance internationale de la vertu d’un homme d’Etat qui s’est toujours révélé comme défenseur de la liberté et de l’égalité entre les peuples. Ce n’est pas une première pour le président COMPAORE de dénoncer officiellement les injustices que font subir les grandes puissances et la Communauté internationale à des Etats faibles.

Alors, président en exercice de l’ex-organisation de l’unité africaine (OUA) devenue l’Union africaine (UA), Blaise COMPAORE visiblement dépité par l’embargo américano-onusien sur la Libye a pris la responsabilité sur lui de le violer en posant son avion sur le tarmac de l’aéroport de Tripoli en signe de contestation. Et tout le monde est unanime à reconnaître que c’est cela qui a été le détonateur de la levée de l’embargo. Ce qui aura permis à Mouammar KADDHAFI d’être adoubé par ses pairs au point de se montrer comme le chantre de l’Union africaine.

En son temps, c’est en vain qu’on pouvait voir derrière cette action de Blaise COMPAORE des intérêts matériels pour son pays. Mêmes ceux-là qui étaient dans les grâces du Guide libyen ont trouvé exceptionnel le courage du président du Faso qui est plutôt convaincu de sa vision panafricaniste.
Blaise COMPAORE a été également de ces personnalités rares à défendre les mêmes valeurs fondamentales de la liberté et de l’égalité pour les Sahraouis en conflit d’indépendance avec le Maroc depuis 1976.

Le regard vers la République de Chine de Blaise COMPAORE, qui n’a pas pour autant tourné le dos à l’autre, tient donc plus de sa logique de défenseur des valeurs de la liberté et de l’égalité entre les peuples. C’est sa seule motivation et il faut l’accepter comme telle. Gageons que le temps qui inexorablement fera comprendre aux uns et aux autres que tous les peuples ont droit à la souveraineté et à la reconnaissance internationale, n’est pas bien loin.

Par Drissa TRAORE

L’Opinion

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Vos commentaires

  • Le 1er décembre 2006 à 00:06 En réponse à : > Diplomatie burkinabè : Au-delà des intérêts

    Merci pour cet éclairage que vous apportez sur la diplomatie burkinabé. Quelques remarques et suggestions cependant :
    1) Il me semble que la 1ère moitié de votre texte traite des artifices, et autres anecdotes de la diplomatie (internationale) en générale et non de la quintessence de la diplomatie de BKF ;
    2) La seconde moitié de votre écrit reflète plus un éloge à Blaise COMPAORE (que vous citez 7 fois).

    Du reste, je proposerais ceci pour terminer :
    1- Notre diplomatie gagnerait en estime en redéployant ses énergies sur la résolution des problèmes intérieurs que nous connaissons tous : santé, eau potable, éducation, etc.
    2- De plus, vu le niveau de pauvreté du pays, il serait plus stratégique de construire une diplomatie tournée vers la sous région car l’avenir est régional (SANOU Mbaye, 2005) c’est-à-dire, mieux positionner nos opérateurs économiques, nos chercheurs, nos fonctionnaires de haut niveau, etc. dans la reconquète des divers « marché » de la région.
    3- Cette diplomatie pourrait aussi reconsidérer à sa juste valeur, la question de la diaspora BKF. Celle du Mali par exemple chaque année, fait drainer dans ce pays plus d’argent que l’aide publique au développement. Au BKF, l’exemple en la matière est incontestablement la communauté Bissa. Cela mériterait peut être d’être connu et documenté.

    Ce repositionnement (nécessaire) de notre diplomatie nous permettrait de ne plus aller « au-delà des intérêts »...du peuple, mais de revenir de l’au-delà pour mieux prendre en compte les intérêts des BKF. Badnerr AKA Talg-Biga.

    • Le 3 décembre 2006 à 13:53, par Franck En réponse à : > Diplomatie burkinabè : Au-delà des intérêts

      Je comprends les points de vue que vous émettez, mais juste pour faire une petite correction dans vos propos. Par définition la diplomatie est la branche de la politique qui concerne les relations internationales. Ainsi on ne peut pas parler de diplomatie quand il s’agit de problèmes intérieures. Je pense que ce sont deux ministères différents et j’ose croire qu’ils font leur travail respectif. Pour terminer, je suis tout à fait d’accord avec vous du fait que notre Etat devrait accorder plus d’importance aux compatriotes vivants à l’extérieur comme vous l’expliquez si bien.
      Salut

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