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Burkina : Et le travail populaire ?

Publié le mardi 5 mars 2024 à 11h03min

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Burkina : Et le travail populaire ?

Dans le contexte actuel marqué par une certaine raréfaction des ressources financière, le travail doit être le credo de tout Burkinabè disposant au minimum de la santé. C’est le crédo de Ahibouga Armand Yaoui, écrivain, professeur de mathématiques et étudiant en master en analyse et politique de développement à l’Université Norbert Zongo. Même s’il faille balayer la voie publique ou ramasser des cailloux pour les utiliser éventuellement dans les chantiers publics futurs, il faut travailler tant que cela peut palier à une dépense publique, conseille-t-il dans les lignes qui suivent.

Dans une économie, il existe principalement deux facteurs de production, le capital et le travail. Ces deux facteurs sont indispensables, mais en même temps se substituent jusqu’à un certain seuil. Si le système de production est très sophistiqué, le capital ou l’acquisition de machines et de la technologie est plus demandé. Par contre dans un système semi-moderne, la nécessité du capital peut être souvent substituée par le travail humain. C’est ainsi que, par exemple, sous la révolution burkinabè de 1983 la force humaine avait été mise en emphase dans la construction du chemin de fer et de plusieurs infrastructures publiques.

A - Crise sécuritaire et accumulation du capital

La crise sécuritaire aurait fini par réduire la confiance de plusieurs investisseurs et partenaires du Burkina Faso. Ainsi, les entrées nettes d’investissements directs étrangers du pays sont passées de 3% du PIB en 2016 à 0,6% du PIB en 2022 (BM, 2023). Mieux, cette crise a conduit à l’avènement du MPRS2 en 2022 avec désormais une vision révolutionnaire ambitionnant, avec le peuple, de faire les choses autrement : cela ne plait pas à tous les partenaires et le pays ne plus compter sur eux tous.

La suspension du pays dans plusieurs organisations et accords commerciaux comme l’AGOA par les USA en janvier 2023, ou de l’Aide publique française en sont des exemples. Même l’allocation en ressources propres en faveur de l’investissement public a été trivialement affectée. Elle est passée par exemple de 981,5 milliards en 2022 à 801,5 milliards en 2023 (DGB, 2023). Face à l’insuffisance du capital pour soutenir l’économie, l’État lance l’actionnariat populaire mais la faiblesse des revenus pourrait être l’une des véritables limites à cette initiative. En effet, plus de 40% des burkinabè vivent avec moins de 195 000 F CFA l’an (INSD, 2019).

On imagine difficilement alors comment un citoyen qui peine même à se nourrir pourrait constituer une épargne afin de payer une action. Pour tenir à l’immédiat, l’Etat lance depuis 2023 une série de taxes. Cela a permis certes de collecter des recettes pour poursuivre les efforts, mais la marge de manœuvre de l’impôt reste limitée au sens de Laffer (1974) qui enseigne que « trop l’impôt tue l’impôt ». Finalement, le pays pourrait se retrouver donc financièrement « dos au mur » en témoigne l’augmentation récente du déficit budgétaire qui passe de 570 milliards en 2023 à 675,5 milliards en 2024 (DGB, 2023), soit une hausse de plus de 19 %.

B- Le facteur travail dans le contexte de révolution

Dans ce contexte décisif pour l’Etat burkinabè, où l’accumulation du capital est contrainte par des aléas internes et externes, pour maintenir la production le pays se doit d’accroitre compensativement le facteur travail. L’ardeur au travail est nécessaire afin compenser le manque de capital pour à défaut, produire de quoi ne serait-ce que se nourrir pour assurer la résilience. S’il est vrai que la contribution financière n’est pas à la portée de tous, celle en force de travail l’est évidemment. Dans le contexte actuel, le travail, tant qu’il est utile, doit être le credo de tout burkinabè disposant au minimum de la santé.

Même s’il faille balayer la voie publique ou ramasser des cailloux pour les utiliser éventuellement dans les chantiers publics futurs, il faut travailler tant que cela peut palier à une dépense publique. C’est la conséquence du refus de la bassesse, c’est le prix de la nouvelle donne. Par exemple, pour un chantier public de 18 mois nécessitant 100 manœuvres payés à 3000F par jour, la main-d’œuvre pourrait coûter 130000000F et un groupe de jeunes peut aider l’État à palier cette dépense.

Délaissé par certains partenaires du fait du malheur qui le frappe et du fait de sa décision de s’assumer, la première caractéristique de ce nouveau Burkina Faso devrait être l’effervescence du peuple au travail. Gouama dans son champ ou Paul dans son service, tous devraient être révolutionnés, chacun désireux de donner le meilleur de lui-même. Le paysan ne doit pas être fier de la révolution si c’est l’Etat s’occupe de ses enfants affamés pendant qu’une portion inexploitée de terre est en vacances devant la cour. Le bureaucrate ne devrait pas être fier de la révolution pendant que son bureau est source de lenteur ou d’inefficacité du fait de son aversion au travail. Cependant, le travail est toujours associé à la peine, et personne n’est incité au travail que par contrainte.

Le rapport 2022 de l’ASCE-LC indique de plus des 87% des fonctionnaires viennent au service en retard ; pis, en 2023 3894 agents fictifs touchent irrégulièrement des salaires, avec une incidence financière de plus de 10 milliards par an. L’Etat se doit donc de trouver des stratégies plus efficaces de contrôle et la répression, notamment en ce qui concerne ces fonctionnaires malicieux. Aux masses populaires, l’Etat doit trouver rapidement un moyen de les inciter à plus d’ardeur au travail afin de l’aider à palier certaines dépenses ; d’autant plus que le travail collectif peut renforcer la conscience nationale.

C- Irizan, irizan, pagtazé : nous soutenons la révolution

Suite à l’avènement du MPSR2, plusieurs groupes et organisations de la société civile notamment constitués de jeunes ne cessent de manifester leur soutien. Ils espèrent voir la transition aboutir et y veillent en se mobilisant à la moindre alerte d’urgence. Dans un contexte où la transition est en proie à toutes les hostilités par ceux n’ont pas le goût du sacrifice ou du changement, cette veille citoyenne peut un excellent moyen d’auto-sécurisation du régime.

Cependant force est de constater que ces formes de soutien semblent avoir pris l’ascendance sur la véritable potentialité que représente une jeunesse : la force de travail. Des jeunes ne doivent pas s’organiser pour dénoncer l’impérialisme et après payer les vivres importés, parce qu’ils n’ont pas utilisé leur force pour cultiver le champ familial ; de fois incapables même de s’organiser et produire une tonne de maïs pour aider l’Etat à prendre en charge les PDI ou aider l’État à boucher des simples trous sur la voie rouge. La jeunesse en dehors de la lutte verbale doit savoir mettre sa force de travail au service de la révolution qu’elle soutien.

Ahibouga Armand YAOUI
Ecrivain,
Professeur de mathématiques
Etudiant en master en analyse et politique de développement à l’UNZ armandahibouga96@gmail.com
Credit-photos : https://www.jeuneafrique.com/

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Vos commentaires

  • Le 5 mars à 12:38, par Alexio En réponse à : Burkina : Et le travail populaire ?

    Nous qui avions un peut vecu se rappelle a Bobo-Dioulasso sous la premiere republique. FASOBARA dans cette ville du Houet qui etait propre par cette initiative citoyenne pour la sauvegarde de l envrironnment. Au temps du defunt president Maurice Yameogo.

    Apres la releve du defunt president Sangoule Lamizana, l initiative mourra a petit feux.

    La culture FASOBARA dispara sans autres formes de proces des annees 66 jus qu a l avennement de la Revolution en 1983,
    Le meme destin quand le President Blaise Compaore a pris la releve. On se retourna sur la meme case de depart.

    Il laissa cette culture citoyenne mourrir d elle meme. Apres la devaluation du CFA, Le liberalisme sauvage s installa sa loi de la jungle. Ou les copains et coquins s enrichissant par l appropriation des entretreprises etatiques avec des somme symboliques.

    Pour un pays pauvre comme le notre, Lacharrue etait avant les boeufs. Voila pourquoi la descente en enfer du president Blaise Compaore.

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  • Le 5 mars à 12:53, par AMKOULEL En réponse à : Burkina : Et le travail populaire ?

    Merci beaucoup pour cette analyse et cet écrit. J’y souscrit à tout point de vue.
    Suis dans les basfonds de Douna, près de Banfora, pour faire ma part de production avec quelques jeunes : haricot vert, choux, maïs en ce moment.

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  • Le 5 mars à 14:39, par Sacksida En réponse à : Burkina : Et le travail populaire ?

    Bien sur une Revolution qui se voudrait Patriotique et Populaire doit d’abord etre concu Theoriquement avant d’etre appliquee concretement sur le Terrains pour la transformation sociale ; mais ce que nous vivons depuis janvier 2022 et suivi du MPSR 2 depiuis fin septembre 2022, peche par manquent de Theorisation et de Pratiques Vertueuse concretes. Que certains partenaires aient couper leurs financements va en droite ligne de leurs principes cardinaux : Les Coups d’Etats sont prohibes, l’exigence de la Democratie Populaire electorale, les droits de l’homme et les libertes syndicales, Individuelles et Collectives etc. Mais toutes ces exigences ne sont pas entinomiques a toute Revolution. Il appartient a ceux qui veulent de la Revolution Democratique d’organiser les couches sociales et leurs engager dans des Travaux Titanesques de transformation sociales et le nettoyages des rues, des canivaux et l’environnement sont une des parties de l’entretien de l’ecosysteme et cela denote denoterait un etat l’esprit concret de changement positifs et pas uniquement des slogans et des soutiens par des mettings qui engloutissent des fonds Publics. Par exemple d’Aout 1983 a 1991, le Burkina Faso Implemente par la Revolution Democratique et Populaire d’Aout avec Thomas Sankara, a travaille sans avoir besoins des Financement de la Banque Mondiale et du FMI ; et durant cette periode le Burkina Faso a l’epoque fait un bond avant passant de 25 Milliards de FCFA de Budget National a plus de 600 Milliards de FCFA de Budget National en 5 ans ; et la Croissance economique se situait 7% dans laquelle celui de l’agriculture a ete d’un plus de 15%. Par consequent, une Revolution Democratique et Populaire ce n’est nullement seulement des Veilles Citoyennes, mais c’est surtout le Travail Serieux concret dans tous les domaines de la Societe Burkinabe et de transformation economique et Sociale continuelle. Comme Thomas Sankara le disait : L’Imperialisme Occidental se trouve dans les Riz Importantes et tous les Biens et Services Importes ; et c’est seulement en reslovant cette question de dependance multiformes que l’on pourrait etre reellement etre souverain, et c’est Cela la Problematique. Salut

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  • Le 19 mars à 16:28, par KIEMA En réponse à : Burkina : Et le travail populaire ?

    Belle analyse, j’y adhère totalement.
    Pour qu’une révolution aboutisse il est primordial qu’elle obtienne l’assentiment du peuple.
    Tout le monde doit mettre la main à la pâte. Dans le contexte burkinabè marqué par une raréfaction du capital, il faut consentir à des sacrifices. Le don de soi, le travail doivent être le leitmotiv du burkinabè.

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