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Report des élections municipales : le gouvernement dans l’illégalité ?

Publié le mercredi 22 février 2006 à 07h40min

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Les débats vont bon train au sein des états- majors des partis
politiques et de l’opinion publique suite au report des élections
municipales au 23 avril 2006. De l’avis de juristes et
politologues de notre pays, la demande de relecture et
d’adoption de deux lois modificatives des articles 34 et 265 du
code électoral par le gouvernement de Paramanga Ernest Yonli
serait illégale. L’analyse ci-dessous de Salifou Ouédraogo fait le
tour de la question.

A ce qu’on dit, le gouvernement ne doit ni faire valider son décret
de report des élections municipales ni faire proroger le mandat
des démembrements de la CENI par l’Assemblée nationale
dans les circonstances actuelles.
Quand on opte pour un système de gouvernement
démocratique, il faut accepter d’être esclave des textes et lois
qui régissent le fonctionnement de la République.

Le Conseil
constitutionnel ayant jugé illégale la poursuite des activités des
démembrements de la CENI après la tenue de l’élection
présidentielle, lesdits démembrements doivent, conformément
à cette décision, être congédiés pour de bon, et il doit être
procédé à un renouvellement pur et simple, dans la perspective
des nouvelles consultations électorales.
C’est la démarche qui serait en accord avec les dispositions
des textes.

Autrement dit, le gouvernement ne devrait pas,
même par le truchement de l’Assemblée nationale, maintenir
les démembrements de la CENI pour la poursuite de leur
activité. Il semblerait que l’initiative actuelle du gouvernement de
vouloir modifier les articles du code électoral afin d’être en
"conformité avec la légalité" soit, paradoxalement,
anti-constitutionnelle. Il n’aurait de voie de recours que de se
plier à la décision du Conseil constitutionnel portant annulation
de l’arrêté du 13 décembre 2005 et celle déclarant illégal le rejet,
par la CENI, des dossiers de candidature de partis politiques
pour les élections municipales.

Nous comprenons la prudence légitime du gouvernement, et
son entêtement à vouloir tenir les élections municipales avant la
fin du mandat de l’actuel président de la CENI, Moussa Michel
Tapsoba, en septembre 2006. Parce que, selon nos sources,
les prochaines législatives de 2007 vivront une nouvelle
expérience avec le changement qui devrait logiquement
intervenir à la tête de la CENI à la lecture de la situation présente
de l’institution.

De l’avis des juristes avisés, les décisions de l’institution
présidée par Drissa Traoré sont sans appel. Et, au regard des
textes et lois en vigueur, le Conseil constitutionnel a le pouvoir
d’annuler les lois modificatives des articles à problèmes du
code électoral si, toutefois, elles venaient à être adoptées par
l’Assemblée nationale.

Pour d’autres observateurs de la scène politique nationale, le
gouvernement abuse de sa supériorité numérique en députés à
l’Assemblée nationale pour tordre le cou aux textes.
A supposer que le gouvernement n’eût pas cette majorité à
l’Assemblée, ou encore que des députés, en toute
indépendance, rejettent ces propositions de lois du
gouvernement pour une raison ou pour une autre, que se
passerait-il ?
Le gouvernement serait contraint de respecter à la lettre les
décisions du Conseil constitutionnel. Et même avec cette
majorité, les députés peuvent émettre un avis défavorable, car
ils disposent d’une liberté de vote et de décision au sein de
l’hémicycle.

Effectivement, dans un régime présidentiel avec le principe de
séparation de pouvoir comme le nôtre, les députés, après leur
élection, ne sont plus tenus de recevoir des consignes de vote,
ni de leur parti, ni de leurs mandants.

C’est ce qui explique
d’ailleurs leur nomadisme au sein de l’Assemblée nationale, de
groupe parlementaire en groupe parlementaire. Ils sont, au
regard de la loi, des représentants du peuple en toute
indépendance politique et de conscience une fois qu’ils sont
investis des attributs de députés. De ce point de vue, les
honorables députés peuvent ne pas accorder leur voix aux
présentes propositions de lois du gouvernement, et on serait
face à un obstacle majeur à la tenue des élections municipales.

Légèreté dans l’application des textes"

S’agit-il d’une négligence ou de l’ignorance dans l’application
des textes qui réglementent la vie de nos institutions
démocratiques ? On ne saurait le dire. Ce qui est arrivé à la
CENI après les irrégularités mises à nu par le président
Harouna Dicko et le Conseil constitutionnel peut aussi être
appliqué au Conseil supérieur de la communication (CSC). Une
institution, et pas des moindres, impliquée dans l’organisation
des élections dans notre pays.

Ses membres, nommés en avril
2001 par le président du Faso, le président de la chambre des
représentants et des membres, désignés par les associations
professionnelles des médias pour un mandat de trois ans, sont
aujourd’hui, pourrait-on dire, dans l’illégalité depuis avril 2004.
On pourrait les considérer depuis cette date comme des
"hors-la-loi" qui ont pris des décisions relatives à l’organisation
de l’élection présidentielle du 13 novembre 2005 et poursuivent
leur activité pour les élections municipales malgré la fin de leur
mandat de trois ans.

Nous sommes en droit de penser qu’une requête, soit-elle d’un
"petit gars", introduite auprès de qui de droit pourrait annuler
toutes les décisions prises par le collège des conseillers du
CSC pour ces élections municipales. Même si, expressément, il
est mentionné dans le décret qui les a installés que "les
conseillers sont nommés pour un mandat de trois ans
renouvelable par tacite reconduction". Qu’est-ce qui empêcherait
alors l’officialisation tacite de cette reconduction pour aussi se
conformer à la légalité ?

Et d’écarter ainsi toute possibilité
qu’une requête vienne tout bouleverser et ramener le
processus électoral à la case départ, comme c’est le cas à la
CENI après l’annulation de l’arrêté du 13 décembre 2005. A
regarder de près, les conséquences de ces décisions du
Conseil constitutionnel n’épargneront pas le CSC. L’une de ces
décisions autorise l’acceptation de dossiers de candidatures de
nouveaux partis pour les prochaines élections municipales.
Cependant, le CSC a déjà enregistré et programmé 56 partis
politiques pour la régulation de la couverture médiatique des
élections.

La prise en compte de nouvelles listes entraînera une
remise en cause de tout le travail abattu depuis des mois. De
tous ces remous, on pourra retenir que pour la première fois
dans l’histoire de l’organisation des élections dans notre pays,
la légèreté dans l’application des textes de nos institutions a
mis la classe politique face à des élections municipales
controversées.

Par Salifou OUEDRAOGO

Le Pays

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