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Burkina/Cinéma : « Un jeune qui prépare bien sa sexualité a plus de chance de réussir », Césaire Kafando

Publié le mardi 22 août 2023 à 23h10min

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Burkina/Cinéma : « Un jeune qui prépare bien sa sexualité a plus de chance de réussir », Césaire Kafando

« Un jeune qui prépare bien sa sexualité a plus de chance de réussir ». C’est le principal message que véhicule le réalisateur Nebyinga Ismaël Césaire Kafando, à travers son film intitulé “La visite de trop, Lefaso.net a reçu le talentueux cinéaste burkinabè lauréat du 2e prix dans la catégorie film des écoles de cinéma au cinquantenaire du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO). Césaire Kafando capitalise une riche expérience dans la réalisation de films pour avoir travaillé aux côtés de réalisateurs émérites à l’instar d’Abdoulaye Dao et de Boubacar Diallo. “La visite de trop’’ est actuellement projeté depuis le 21 août 2023 au Ciné Burkina, et ce, jusqu’au 3 septembre prochaun.

Lefaso.net : Pouvez-vous nous présenter le synopsis de “La visite de trop’’ ?

Césaire Kafando : Je parle d’un jeune mossi qui vit avec son grand frère. Ce jeune rencontre une jeune fille dans la rue et l’invite le même jour à entretenir des rapports sexuels avec elle. Et cela, sans prendre le soin de connaître la fille en question. Heureusement depuis le village, son oncle apprend mystérieusement ce que son neveu est sur le point de faire. L’oncle du jeune apparaît alors tout d’un coup dans la chambre pour l’empêcher de commettre l’irréparable. Mais à son arrivée, l’oncle ne fait pas savoir qu’il est venu pour cette raison. Il laisse son neveu découvrir avec le temps l’erreur qu’il allait lui-même produire. Nous avons rendu toute cela comique afin de tenir en haleine le public.

Quels sont les messages que vous espérez transmettre à travers "La visite de trop" ?

Ce film parle de la sexualité des jeunes. Je pense qu’un jeune qui prépare bien sa sexualité a plus de chance de réussir dans la vie. Parce qu’une sexualité mal gérée est gage de beaucoup de problèmes. Je sais de quoi je parle car j’ai moi-même traversé de nombreuses situations à ce sujet. Comme l’a dit un de mes professeurs, au cinéma ou en scénarisation, on s’écrit. Si tu veux réaliser quelque chose de poignant, tu écris sur la base de tes expériences. Je me donc inspiré des amis, des gens qui étaient autour de moi, ainsi que de mon propre parcours pour écrire “La visite de trop’’.

Cela afin de parler de notre sexualité, mais aussi de nos rapports avec la culture. Quand l’on dit que tu es Mossi, Peul ou Boaba, quel ressentiment avons-nous aujourd’hui. La question ici est : avons-nous réellement un attachement aux us et coutumes de nos différentes ethnies et partant de nos cultures. Ce film est donc un récapitulatif de ces jeunes en errance qui n’ont plus de repère tant sur le plan culturel que sexuel.

Pensez-vous que vos messages à l’endroit des jeunes va véritablement passer quand il est dit que « L’amour n’a pas de frontière » ?

Je pense que la jeunesse est en quête de repère. Donc cela est un moyen de nous retrouver. Car il n’y a rien de tel que d’être fixé dans ses racines et sa tradition. Quand on demande de nos jours aux jeunes africains de proposer quelque chose de chez eux, ils ont du mal à le faire.

Il est donc indispensable de se connaître pour mieux affronter le monde extérieur D’abord, on sait tous qu’il y a dans nos us et coutume, des ethnies avec lesquelles l’on ne doit pas partager d’intimité à cause de ce qu’elles représentent pour nous au regard de l’histoire qui nous lie. Et il n’est pas du tout conseillé dans les normes, de rencontrer une personne pour la première fois et la première chose qui vienne en tête, soit le sexe. Ce qui est dangereux. Car il y a de la spiritualité dans la sexualité. Lorsque l’on couche avec une personne, au-delà du plaisir sexuel, il y a un échange de métaphysique. Et cela affecte d’une manière ou d’une autre notre vie

Le tournage de "La visite de trop" s’est effectué en un seul lieu. Comment avez-vous réussi à satisfaire le public avec une telle restriction spatiale ?

90% du film se passe uniquement dans une concession avec l’oncle, la fille et le jeune homme. C’est à la fois une restriction d’espaces et de personnages. Nous avons joué avec trois principaux acteurs qui apparaissent dans les 75% du film. C’est en raison des ressources limitées à notre disposition que nous avons choisi cette option. Parce que l’on développe une histoire à produire dans beaucoup plus d’espaces et de décors, cela appelle à beaucoup plus de déplacements donc beaucoup plus de dépense.

Nous avons entendu dire que vous collaborez souvent avec vos connaissances pour réaliser des films à moindre coût. Expliquez-nous comment est-ce vous arrivez à maintenir une qualité artistique élevée avec si peu de moyens ?

L’avantage pour moi, est que je suis le produit d’une école professionnelle de cinéma. Parce qu’un adage dit que « l’école est la voie la plus courte vers la qualité ». Je ne suis pas en train de dire que celui qui n’a pas fait l’école ne peut produire de la qualité. Mais ce serait encore plus lent pour ce dernier d’avoir un niveau de qualité qu’un professionnel du troisième art. J’ai aussi pu bénéficier du soutien de ma promotion de licence grâce aux bonnes relations que nous avons gardées. Certains m’ont aidé avec du matériel (caméra, perche, etc.). Tandis que d’autres m’ont offert gracieusement leurs services tant sur le plan technique qu’au niveau des prestations des acteurs.

« C’est vraiment en toute sincérité la force de l’amitié et de la solidarité qui m’ont permis de réaliser ce film », Nebyinga Ismaël Césaire Kafando, réalisateur de “La visite de trop’’

Tout ceci m’a permis d’amoindrir les coûts de la production à 1 500 000 francs CFA. Et je suis satisfait de la qualité que nous avons obtenue à l’issue de sa réalisation. Car j’ai le retour déjà de certains fins connaisseurs du métier qui ont apprécié le casting. Ce n’est pas l’histoire en elle-même qui est belle, mais surtout le fait qu’il y a eu de belles interprétations. Parce qu’en effet, les comédiens sont vraiment entrer dans la peau des personnages.

Racontez-nous une expérience mémorable ou un défi particulier que vous avez rencontré pendant le tournage de "La visite de trop" ? Comment avez-vous géré cette situation et qu’avez-vous appris de cette expérience ?

Toute l’histoire du scénario a été écrite en français. Mais j’avais souhaité que certaines séquences soient tournées en mooré. J’ai donc sollicité l’expertise de Philippe Ilboudo pour le rôle de l’oncle qui est l’incarnation de la sagesse et de la tradition. Et cela était plus intéressant à faire en mooré, qui est l’une de nos langues locales riches en proverbes.

Et les proverbes que Philippe Ilboudo a fait ressortir de chacune des conversations qu’il a eu avec son neveu dans le film, m’a sublimé. Chaque journée de tournage a été extraordinaire et fantastique. Nous avons passé d’agréables moment et j’en garde un très beau souvenir. J’invite vivement tous les amoureux du cinéma à venir le découvrir en salle à partir de ce lundi 21 août 2023 au Ciné Burkina aux heures de 18h30, 20h30 et 22h30.

Votre film semble se démarquer par son concept original. Comment avez-vous maintenu votre créativité fraîche et quels conseils donneriez-vous aux jeunes réalisateurs qui cherchent à innover dans leur travail ?

La créativité, c’est d’abord le travail. C’est de commencer avec ces lacunes tout acceptant avec humilité de faire lire ses œuvres aux gens. Et c’est ainsi que je fonctionne. Lorsque j’écris un scénario, la première des choses que je fais, c’est de le donner à une personne pour le lire ; même à quelqu’un qui n’est pas du domaine. J’ai constaté que certains professionnels néglige l’avis du cinéphile dans la réalisation de leurs œuvres, alors qu’ils peuvent apporter des idées extraordinaires quand on leur associe d’une certaine manière. Aussi, je parle surtout es choses que je connais et me base sur les expériences que j’ai vécues. Je fais aussi l’effort de me cultiver pour avoir un esprit ouvert dans ma perception du monde.

Mon conseil à l’endroit des jeunes est donc de s’exercer à la pratique. Il ne faut jamais attendre d’être parfait avant de commencer. J’étais en deuxième année de licence quand je réalisais mon premier film intitulé “30 octobre’’ en 2015. Mais bien avant cela, j’ai eu la chance de faire partie de la promotion la plus active de l’Institut supérieur de l’image et du son (ISIS). Si bien qu’à chaque fois qu’on se retrouvait chez un camarade, c’était pour tourner. Et comme je me formais en réalisation, je m’y suis donné à fond. Et c’est ainsi qu’avant même que je ne fasse un film académique, on avait déjà effectué plein d’exercices pratiques en dehors du cadre de l’école. Ce qui nous a permis d’avoir une aisance et une assurance dans la pratique.

« J’invite donc les jeunes quel qu’en soit le domaine, à être actif et à oser. Car c’est en commettant des erreurs dans ce qu’on exécute régulièrement qu’on arrive à se corriger par la suite »

Votre court métrage fiction, intitulé ‘’Maison de retraite’’ d’une durée de 13 mn sorti en 2016. a remporté le 2e prix dans la catégorie film des écoles de cinéma au cinquantenaire du FESPACO. Comment cette reconnaissance a-t-elle impacté votre approche en tant que réalisateur et comment avez-vous évolué depuis lors ?

“Maison de retraite’’ a été aussi une belle expérience. Parce que comme “La visite de trop’’ c’est un film qui parle de la famille. Je suis une personne qui est beaucoup attaché à la famille et cela se ressent à travers les œuvres. Car j’estime que tout part de la famille. Une bonne éducation commence par la famille, un homme se construit à travers sa famille. Et aujourd’hui, on a tendance à mal percevoir l’érection des maisons de retraite en Europe. Cependant, je pose la question savoir comment est-ce qu’on est arrivé à cette situation à travers mon film “Maison de retraite’’ et est-ce que cela ne risque pas de s’imposer à l’Afrique.

J’estime que l’essor de l’individualisme va finir par imposer la maison de retraite en Afrique, et au Burkina Faso, en particulier. Parce que quand on prend une famille aujourd’hui, où tous les enfants travaillent, il serait difficile pour leurs parents avancés en âge d’avoir quelqu’un pour prendre soin d’eux. Et construire une maison de retraite qui va proposer du personnel qualifié et des services de qualité pour s’occuper des personnes du troisième âge risque de s’imposer à nous.

Cela a été une grande joie pour moi de voir ce film primé au cinquantenaire du FESPACO. Le regard des camarades et des amis a dès lors commencé à changer vis-à-vis de ma personne, de même que celui des professeurs. Ce film m’a ouvert beaucoup de portes sur le plan professionnel. Ce qui m’a permis de visiter deux fois l’Europe ainsi que la sous-région à travers bien d’autres festivals. J’ai pu avoir la confiance de plusieurs professionnels du cinéma qui m’ont offert l’opportunité de réaliser des projets pour eux.

Que pensez-vous du cinéma populaire et celui d’auteur ?

J’ai personnellement toujours pensé qu’il n’y a pas deux cinémas. Cependant, pour ma part, je dirai que le cinéma d’auteur s’entend par la production d’un film qui regroupe et la qualité technique et la qualité artistique. La qualité artistique répond notamment au respect des normes d’écriture et l’élément le plus important à ce niveau ce trouve dans l’originalité du sujet.

Quant au cinéma populaire, il concerne plutôt à mon avis, aux films qu’on qualifierait de “fast food’’ pour n’avoir pris le soin de mettre en avant la qualité de sa production et sa réalisation. Lors d’une sortie médiatique, la grande sœur Apolline Traoré disait qu’il y a des personnes qui prennent seulement une caméra pour tourner, et que ces derniers seraient des commerçants. Je dirais à ce sujet que tout film est à but d’abord commercial. Quand on veut vraiment être réaliste, on ne peut pas investir des millions dans la réalisation d’un film et ne pas vouloir que ce soit rentable.

La situation dans laquelle se trouve l’Afrique aujourd’hui, exige qu’elle ait une industrie de cinéma. Même s’ils sont traités de commerçants, ces personnes font du cinéma, possède un public et j’estime qu’il faut avoir du respect pour eux. Je respecte donc ces personnes-là qui osent et réalisent des films. Je connais plein de gens qui ont été formés dans une école mais qui n’arrivent malheureusement pas à réaliser des films.

Enfin, quels sont vos projets futurs en tant que réalisateur ? Avez-vous des idées ou des domaines que vous souhaiteriez explorer davantage dans vos futurs projets cinématographiques ?

Nous sommes déjà en train de travailler sur le prochain film. Il faut dire que notre équipe travaille dans une dynamique de distribuer au plus vite les scénarios aux comédiens pour se les approprier. Ce qui a été fait. Nous espérons à partir des recettes que nous obtiendrons de la projection de “La visite de trop’’ en salles, relancer le tournage ce film. J’ai aussi réalisé une série de 26 épisodes de 26 minutes sur l’insécurité, précisément au sujet de la police de proximité qui va bientôt sortir. Face à l’insécurité grandissante, cette série aborde les questions de la prise en charge de la sécurité des populations par elles-mêmes.

Propos recueillis par Hamed NANEMA
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 24 août 2023 à 16:43, par Comprends qui veut En réponse à : Burkina/Cinéma : « Un jeune qui prépare bien sa sexualité a plus de chance de réussir », Césaire Kafando

    Bien préparer sa sexualité, c’est à la fois assumer ses pulsions, au risque de "désobéir" à la morale dominante, respecter sa ou son partenaire, écouter son corps et son cœur.
    Il faut aussi être conscient que nos pulsions, quelles qu’elles soient, sont animales, naturelles avant d’être culturelles, et une morale rétrograde n’est pas le meilleur substrat pour "bien" préparer sa sexualité...
    Il est sûrement difficile de bien préparer sa sexualité dans un univers patriarcal où la norme est hétérosexuelle et intolérante aux "minorités", aux "déviances" et "bestialités" diverses comme le disent certains.
    Il faut redire ici que nul ne choisit ses préférences sexuelles. Oh, bien sûr, on peut les nier, les réprimer, mais alors peut-il s’agir d’une "bonne" préparation que la négation et la répression ? Je ne le pense pas.
    L’homme - l’être humain quel que soit son genre - est un animal doté - en principe - de la capacité de penser. Mais de penser en obéissant aveuglement - comme un perroquet - ou en ouvrant les yeux sur sa propre condition, pour mieux se construire comme être humain et préparer au mieux sa sexualité pour ne pas en souffrir, contraint de la refouler... Je ne le souhaite à personne.
    Comprends qui veut...

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