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Au ministre de l’Environnement : "Reboiser oui, mais en préservant nos originalités végétales"

Publié le mardi 7 février 2006 à 06h38min

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C’est un secret de polichinelle, le désert avance à pas de géant dans notre pays. D’où les campagnes de reboisement, entreprises chaque hivernage depuis les années 70 à l’échelle nationale. La saison hivernale à venir n’échappera pas à la règle et nombre de citoyens sonnent déjà l’alerte.

Tel ce lecteur qui, dans la lettre ouverte ci-après au ministre de l’Environnement et du Cadre de vie et à ses homologues concernés, fait des suggestions : reboiser en préservant les originalités végétales...

Monsieur le ministre,

Je pourrais dire que c’est parce que j’appartiens à une association qui s’intéresse à ce genre de problèmes, que j’interviens. Mais ladite associa¬tion est si petite, si démunie, si peu influente qu’il est plus vrai de dire que c’est par conviction et soucis personnels que j’ose vous soumettre ce qui suit...

Une saison des pluies s’est achevée. Une autre va arriver, et plus vite qu’on ne le pense. Il se passera certainement ce qui se passe à chaque saison hivernale en matière de plantation d’arbres.

En 2005, j’ai été pour ma part très réconforté par vos sorties sur le terrain, ainsi que par celles des responsables de la ville de Ouagadougou, celles de certains directeurs de service et cel¬les de certaines O.N.G. dont une appelée "British American Tobacco", se signa¬lait fortement avec des slogans publicitaires étalés en grand dans les jour¬naux et les rues, de Ouagadougou.

A ce propos, le commun des Burkinabè se demande comment cela se passe avec les O.N.G. Nous font-elles "cadeau" de leurs plantations réussies, ou bien nous vendent-elles seulement les produits tirés des arbres tels les fruits, le bois ?...

Tout cela montre que les pouvoirs publics et les amis du Bur¬kina font ce qu’il faut pour reboiser fortement le pays. Si je tiens compte de ce qui s’est dit le 28 janvier lors de la journée du paysan à Manga, je ne peux que me réjouir, car tout a l’air d’aller dans le sens que personnellement je souhaite, à savoir, que le Burkina doit être un exemple en matière de reboisement, ou que nous pouvons-nous donner valablement cet objectif en lieu et place de certains autres. C’est loin d’être un problème secondaire. Nos populations sont pauvres.

A supposer qu’on n’ait pas de problèmes de ravitaillement en gaz présenté sous une forme ou une autre, nous ne pouvons pas nous équi¬per suffisamment pour l’acheter et l’utiliser. C’est dire que nous ferons encore appel au bois pendant de longues années.

Donc il se fait de bonnes choses et à juste raison. Cependant je me permets les remarques ci-dessous.

Nous réussissons plus souvent à planter et à faire survivre des arbres venus d’ailleurs, et non de nos terroirs.

On peut imaginer un Burkina bien vert, mais peuplé de gmélinas, d’eucalyptus, de terminalias, de manguiers et autres arbres des pays forestiers d’Afrique. A première vue, cela n’a rien de mauvais.

L’important n’est-il pas l’arbre qui vous sauve, et cela du fait de sa croissance rapide, de ses fruits, de son bois, de ses effets bénéfiques sur la pluviométrie ?

C’est exact, mais j’estime que nous devons faire aussi un peu plus pour sauver nos originalités végétales au même titre que nous le faisons pour certains éléments de notre faune.

Préserver les bandes de "brousse" sauvage

Ce que chacun peut voir, c’est qu’on maintient toujours dans les champs des variétés végétales comme le karité, le néré, le tamarinier et quelquefois une quatrième variété. Pour le reste, on coupe, on brûle, on vend. Ça peut être nécessaire de procéder ainsi parce que les cultures ne réussissent pas en présence d’un trop grand nombre d’arbres. Donc du fait des champs, la cause semble perdue ou bien le problème n’a de solution qu’avec les réserves totales de végétaux.

On me dira que c’est ce qui se fait avec les forêts classées. Je veux néanmoins suggérer ce qui suit parce que c’est de nature à empêcher qu’on s’attaque trop vite aux forêts classées et aux variétés ménagées, et ce, sous prétexte de pénurie de bois.

Il se trouve qu’on fait encore de nouveaux champs dans certaines régions du pays. Quand il en est ainsi, on prend comme une des limites du champ la route ou la piste pour véhicules qui passe dans les environs, et comme il a été dit, on détruit tout arbre jusqu’à cette limite sauf les 3 ou 4 variétés signalées.

Cela n’est pas indispensable, et on peut donc décider que désormais, tout nouveau champ doit s’arrêter,par exemple, à 50 mètres de part et d’autre de la voie. Les bandes de "brousse" sauvage ainsi préservées conserveront alors toutes les variétés de végétaux tel qu’on le souhaite. D’autre part, elles serviront à la population, aux animaux, et pour finir, elles permettront, lors du bitumage des voies, de ne pas du tout empiéter sur un champ déjà existant.

On peut même concevoir la même démarche le long des rivières, quitte à réduire les distances à 15 m de part et d’autre de la rivière, pour ne pas perdre des terres de culture fertiles.

Une autre solution au problème résiderait dans une occupation moins anar¬chique ou moins gourmande des terres vierges. Je veux dire que si on transforme moins vite lesdites terres en champs, on pourra disposer plus longtemps de régions à bois et à variétés végétales.

A première vue, ça ne paraît pas raisonnable de parler ainsi. Tout le monde sait que la population augmente..., que le désert avance, que les gens se déplacent. Dès lors on ne voit pas com¬ment il y aurait moins d’occupation des terres, à moins de l’interdire.

Je n’entends pas dire qu’il faut refuser des terres à certaines personnes. Je dis que si on regarde bien, on verra que certains individus se livrent à une occupation spéculative des terres, se taillant ainsi des vingtaines d’hectares et faisant appel à des "ouvriers agricoles" pour en tirer de gros bénéfices.

Il y a là danger, et les pouvoirs publics sont interpellés. A suppo¬ser que nous sachions tous, comprenions et acceptions tous que "la terre appartient à l’Etat", cela ne veut pas dire qu’il faut donner tout à quelques individus ou à un ou deux groupes humains.

Le gouvernement doit faire en sorte qu’on ne se retrouve pas trop vite dans des situations du genre de celle du Zimbabwe. Aux lendemains de l’indépendance du pays et pendant 15 à 20 ans, la superficie des champs cultivés par une famille paysanne dépassait rarement 5 hectares.

Si les pouvoirs publics concernés faisaient en sorte que tout nouveau champ ou toute extension n’occupent pas plus de 10 hectares de terre, ils montreraient un souci louable de gérer équitablement et ration¬nellement le domaine rural.

Il apparaît en effet que nous avons plus intérêt à faire usage des fumures organiques et autres engrais à notre portée, qu’à nous tailler des latifun¬dia. Ceux qui savent, disent que la nature de nos sols est telle que grands ou petits, nos champs s’épuiseront vite si nous n’agissons pas minutieu¬sement dans le sens indiqué.

Cela étant, et tout en m’excusant pour la façon certainement peu conforme dont les choses vous sont présentées, je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, à l’expression de mes sentiments respectueux.

L’Observateur

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