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Situation des mineurs burkinabè : Entre précarité et insécurité !

Publié le mercredi 17 mai 2023 à 12h06min

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Situation des mineurs burkinabè : Entre précarité et insécurité !

Dans cette tribune, Omar Sylla analyse la situation des mineurs burkinabè (orpailleurs) qui évoluent entre précarité et insécurité.

Le Burkina Faso est l’un des pays les plus riches et les plus variés en sous-sol dans le continent africain. Ces ressources, composées notamment d’or et de matériaux de construction, sont essentiellement « exploitées » par des populations rurales qui tentent de juguler la précarité et l’insécurité qui règnent dans toute la zone.

Les (re)sources de la précarité !

Suite à de grandes sécheresses qui ont mené à l’appauvrissement de la population, notamment en zone rurale, l’exploitation artisanale de l’or a débuté tard dans les années 80 et devient rapidement un moyen de survie de cette population.
Par nécessité, donc, cette population rurale, mais aussi celle venue des pays voisins, a appris à rechercher et à exploiter les mines au fil des années, faisant de l’or produit par l’exploitation artisanale le 3e produit d’exportation du pays. Mais ces activités d’exploitation désorganisées ont entraîné la destruction de l’environnement et provoqué des accidents graves sur place. Ceci a poussé l’État à créer des structures d’encadrement, comme le Comptoir Burkinabè des Métaux Précieux (CBMP), afin de collecter l’or et de le faire passer par un circuit légal et former les exploitants miniers sur la sécurité au travail.

Ces mesures et l’expérience n’ont pas permis de sortir les mineurs de la précarité et les enfants se sont, ainsi, retrouvés retirés des écoles et impliqués dans les recherches.

Bien que le code minier burkinabè se veuille très strict sur l’emploi des enfants dans les mines, la réalité est toute autre. Selon ledit code, « est puni d’une amende de cinq millions (5 000 000) à vingt-cinq millions (25 000 000) de francs CFA et d’un emprisonnement de deux ans à cinq ans, ou de l’une de ces deux peines seulement, tout titulaire d’un titre minier ou bénéficiaire d’une autorisation qui […] tolère ou feint d’ignorer la présence ou le travail d’enfants mineurs ou scolarisés, ou en a connaissance, mais s’abstient de prévenir les autorités administratives compétentes, ou de prendre des mesures pour y mettre fin. ».

Or, selon l’analyse de protection de décembre 2022 de Global Protection Cluster, réseau regroupant des ONG, d’organisations internationales et d’agences des Nations Unies (ONU), « au cours de l’année 2022, le travail des enfants a constitué de manière constante le principal risque de protection ». « Les enfants sont très exposés à ce phénomène, pour des raisons évidentes selon les cas : évolution dans un milieu d’orpaillage, exemples de “réussite” sociale d’orpailleurs. Les enfants sont exposés à de nombreux dangers : produits chimiques, travail dangereux et pénible, risque élevé d’exploitation et d’abus sexuel, notamment pour les très jeunes filles », peut-on lire dans l’analyse.

La Sécurité, une mine qui dort !

L’exploitation aurifère représente environ 10,6 % du PIB et 71 % des exportations burkinabè. Cette exploitation, essentielle pour le développement du pays et source de revenus pour de nombreux burkinabè, est, elle aussi, victime de la présence des groupes armés terroristes dans la région.

Le terrorisme n’est plus une simple menace : elle pousse des milliers de personnes à quitter leurs foyers. Le pays recensait plus de 1,8 million de personnes déplacées internes (PDI) à la date du 31 décembre 2022. Les moins chanceux, eux, sont sommairement exécutés par les terroristes.

« Après une forte croissance en 2021, le secteur secondaire s’est contracté de 4,9 % en 2022 en raison de la fermeture de plusieurs mines due à l’insécurité », peut-on lire sur le site de la Banque mondiale. Les sites aurifères sont souvent ciblés par les groupes armés terroristes. Ainsi, dans le Centre-Est du pays, les sites de Boulgou, du Koulpélogo et du Kouritenga avaient été fermés par arrêté le lundi 23 janvier dernier. Plus récemment, le 1er mars, ce sont ceux de la région de la Boucle du Mouhoun qui ont connu un arrêt « pour des raisons de sécurité », comme l’a affirmé le gouverneur.

Selon le Centre Stratégique pour la Sécurité du Sahel Sahara, la production aurifère a reculé de 13,73 % en 2022 par rapport à 2021, passant de 66,8 à 57,6 tonnes. Ce recul des chiffres est directement imputable aux mouvements terroristes. En effet, l’appât du gain les y attire, notamment lorsque le niveau de sécurisation de ces sites est faible. En 2018, le Burkina Faso comptait plus de 800 sites d’exploitation artisanale d’or, dont 600 actifs. Nombreux de ces sites, se trouvant dans des zones où évoluent des groupes armés terroristes, sont devenus des cibles potentielles pour ces derniers. Pour rappel, en plus du vol, du pillage, du trafic et de la raquette, les terroristes vivent aussi de ces sites.

Wagner à la rescousse ?

En 2018, selon les chiffres officiels, les sites aurifères employaient près de 3 millions de personnes. Au vu de la très grande partie de personnes exerçant dans l’exploitation artisanale, il est évident que la sécurisation des sites est nécessaire pour continuer à garantir des moyens de subsistance à ces mineurs burkinabè.

Compte tenu de tout le bien que ces mines procurent à ces innombrables familles burkinabè, la simple présence de ces artisans miniers entrave fortement la liberté du gouvernement à solliciter une aide extérieure. Le nom de la Société Militaire Privée (SMP) Wagner est celui qui est le plus souvent évoqué par les spécialistes en géopolitique africaine.

Il n’est pas un hasard que le nom de la SMP soit associé à ces mines au vu de son passé (et de son présent) dans certains pays voisins, notamment en République Centrafricaine. Dans ce pays, de nombreuses sources authentiques, dont l’ONG ACLED (Armes Conflict Location & Event Data project), évoquent le rôle que joue Wagner dans le pillage des mines.

Plus récemment, c’est l’organisation de la société civile Global Initiative, dans sa lettre d’analyse, pour le mois de février 2023, qui avance qu’ « un réseau de sociétés (principalement entités minières) liées à Wagner ont également poursuivi des intérêts commerciaux dans des pays où Wagner a fourni un soutien militaire ou politique. Dans certains cas, l’accès aux ressources naturelles a été la contrepartie fournie par les gouvernements africains en échange du soutien mercenaire de Wagner ».

Dans ce document, l’organisation affirme que « des entreprises liées à Wagner ont été accusées d’explorer illégalement des ressources minières et de trafic de produits aurifères ». Conscients, les hauts décisionnaires du pays ne seraient pas tentés de dégrader les conditions de travail de ces milliers de burkinabè. Ces derniers, vivant avec la crainte de voir leur secteur d’activité leur échapper à jamais, ont donc tout un intérêt à ce que ce nouvel acteur épargne le pays.

Omar Sylla
omarsylla489@gmail.com

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