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L’Afrique du Sud et la crise ivoirienne :une diplomatie à coups de marteau

Publié le mercredi 7 septembre 2005 à 08h23min

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Ainsi si la messe de la médiation sud-africaine dans la crise ivoirienne n’a pas été officiellement dite, nombre d’observateurs et de protagonistes de cette crise n’y croient plus ; et paradoxe apparent, même pas le général Philippe Mangou, chef d’état-major général des armées, qui aurait confié à des proches qu’"avec la situation des responsabilités dans le blocage du processus (NDLR : par les Forces nouvelles, le PDCI et le RDR), la médiation du président Thabo M’Beki est terminée. Il faut maintenant que l’ONU passe à l’action avant que nous le fassions".

Si ces propos, que l’Agence de presse ivoirienne (API) attribue au n°1 des FANCI, sont avérés, il à parier que l’Etat de ni guerre ni paix dans lequel la Côte d’Ivoire se trouve aujourd’hui risque de dégénérer rapidement au grand dam d’abord des populations ivoiriennes et ensuite de celles de la sous-région dans son ensemble. Surtout si l’on intègre dans les causes possibles de l’explosion les déclarations du colonel Jules Yao Yao (ancien porte-parole des FANCI) et du général Mathias Doué, ancien chef d’état-major général des FANCI, toutes hostiles aux méthodes de gestion de Koudou Laurent Gbagbo.

Là, ce serait vraiment dommage car après Marcoussis, Accra-Lomé, Bamako et Pretoria, où les protagonistes se sont transportés à plusieurs reprises, plus d’une personne croyait que le dernier essai serait le bon. Un optimisme probablement motivé par la lassitude des médiateurs successifs et les préjugés positifs au sujet de la diplomatie sud-africaine.

Et il faut reconnaître que celle-ci avait ses chances car le pays de T. M’Beki est un poids lourd de l’Afrique, économiquement, militairement et culturellement cela s’entend. Il (le président M’Beki) avait l’avantage de n’avoir pas, à l’instar d’Olosegun Obasanjo, le profil de quelqu’un que l’on pourrait soupçonner de considérer les dirigeants ouest-africains avec condescendance ou de voir en l’Afrique de l’Ouest son arrière-cour. Le flegme tout british de T. M’Beki, comparé aux accès de colère indéssimulable d’O. Obasanjo, faisait également de lui une personnalité tout indiquée pour assécher diplomatiquement les marécages politiques ivoiriens.

Hélas, mille fois ! Les fruits n’ont (pour le moment en tout cas) pas tenu la promesse des fleurs. Pour preuve, la semaine dernière, faisant le bilan de la médiation, l’Afrique du Sud, par la voix de sa ministre des Affaires étrangères, Mme Nkosazana Dlamini-Zuma, a fait savoir à l’ONU que K. Laurent Gbagbo, en tant que président de la Côte d’Ivoire, a rempli sa part d’engagement et que si le processus est bloqué, c’est du fait des Forces nouvelles du PDC et du RDR notamment. Dans cette affaire, Pretoria aura commis trois (3) bourdes :

1re bourde : la méconnaissance du rôle d’un médiateur

Comme les Sud-Africains le savent certainement, la médiation est un mode de solution pacifique des conflits, caractérisé par un tiers : le médiateur. Ce dernier sert alors d’intermédiaire entre les personnes, les groupes ou les Etats en vue de résoudre le problème, le différend ou le conflit. En droit international, elle intervient dans le conflit avec l’accord des parties en présence pour leur proposer une solution de règlement.

C’est donc admettre que la légitimité du médiateur tire sa source des parties belligérantes. Il doit alors œuvrer à ne pas effriter cette légitimité, qui s’est construite sur la confiance. Le jour où une des parties n’aura plus confiance au médiateur, le travail de médiateur ne sera plus guère possible. L’Alternance sera la suivante : ou il rend le tablier, ou il impose (ou contribue à imposer) sa volonté à l’une des parties.

Dans les deux cas, il ne s’agira plus d’une médiation,. Pour en venir à l’exemple sud-africain dans la crise ivoirienne, le moins que l’on puisse dire c’est que le pays de T. M’Beki a dilapidé son capital de confiance auprès d’une fraction incontournable dans la résolution du problème, que sont les Forces nouvelles (armées et contrôlant la moitié Nord du pays), le PDCI et le RDR, dont l’alliance (au sein des houphouétistes) risque, selon bien d’observateurs, de sonner le glas du régime Gbagbo en cas d’élection.

Pour ce faire, même si pour des raisons que nous évoquerons plus tard, T. M’Beki (dont il faut se rappeler qu’il avait dénoncé la manière dont L. Gbabgo avait été élu) penche du côté de l’ancien président ivoirien, il aurait dû faire preuve de plus de tact. Son rapport à l’ONU aurait dû être plus nuancé et il aurait pu associer l’ONU, à travers l’envoyé de Kofi Annan en Côte d’Ivoire, la CEDEAO, l’UA, la France à la touche finale de son rapport. En voulant engranger tout seul les fruits que cette "victoire" diplomatique aurait pu engendrer, le successeur de l’illustre Nelson Mandela s’est complètement planté.

2e bourde : la non-prise en compte de l’évolution de la crise

Les Forces nouvelles, le PDCI et le RDR, pour ne citer que ceux-ci, ont souligné que si les faits selon lesquels il y a eu des avancées dans la résolution de la crise sont indéniables, ils n’étaient pas près de se sentir concernés par les lois que L. Gbagbo a fait élaborer et signer dans l’intimité de son palais.

A leurs yeux, la procédure était tout aussi importante que le principe. Autrement dit, ils devaient avoir la possibilité de donner leur avis. Ce qui est juste car la crise ivoirienne trouve beaucoup de ses raisons d’être dans la manière dont le pays est géré, dont certaines décisions sont prises. En outre, quand, dans les lois qui ont été signées, les parties concernées décèlent des aspects qui, à leurs yeux, peuvent poser problème maintenant et/ou ultérieurement, il faut éviter de les envoyer balader d’un revers de la main : elles connaissent leur chef d’Etat et leur pays mieux que le président sud-africain.

Par ailleurs, n’oublions pas les pavés que le général Mathias Doué et le colonel Jules Yao Yao ont récemment jetés dans la mare et que la médiation n’a même pas jugé nécessaires d’intégrer dans son appréciation des faits. Or, tout le monde sait bien que c’est parce que les revendications des Forces nouvelles sont fondées et que pour cela, il faut trouver les moyens de faire céder L. Gbagbo, qu’il y a crise. Sinon qu’est-ce qui empêche l’ONU d’ordonner la libération du Nord de la Côte d’Ivoire ?

Absolument rien ! Ces revendications sont si fondées que les populations de la sous-région assez proches du Nord ivoirien font leur ce combat même si elles ne le clament pas haut et fort. C’est dire que si le pouvoir d’Abidjan domptait, avec la complicité de T. M’Beki, les oppositions politique et armée ivoirienne, les nuits des longs couteaux qui s’ensuivaient n’épargneraient personne en Afrique de l’Ouest.

3e bourde : sa volonté de continuer la médiation

"Ecouter beaucoup, afin de diminuer vos doutes ; soyez attentif à ce que vous dites, afin de ne rien dire de superflu ; alors vous commettrez rarement des fautes". Visiblement, cette sagesse du Chinois Conficius, dont le fond existe dans toutes les cultures même si elle ne s’exprime pas de la même façon, est inconnue des autorités sud-africaines. Après avoir pris fait et cause pour L. Gbagbo et demandé de façon voilée à l’ONU de sanctionner "ceux qui bloquent" le processus de paix, elles soulignent qu’elles peuvent continuer la médiation.

Devant le peu d’empressement de l’ONU à sanctionner "ceux qui bloquent" le processus (qui, du reste, demandaient le report des élections) et l’admission de la possibilité de reporter les consultations électorales de la part de l’organisation mondiale, la médiation a compris qu’elle était en train d’être désavouée, et les autorités sud-africaines se sont résolues à reconnaître que les élections pouvaient être reportées et que les textes de lois contestés devraient être révisés par L. Gbagbo. Alors que l’on croyait les choses rangées, le ministre de la Défense sud-africain, Moshu, a déclaré que les Forces nouvelles n’étaient pas compétentes pour récuser la médiation et qu’il n’était plus question de médiation mais d’application des accords. Il a affirmé cela lundi.

Bien entendu, il a tort sur toute la ligne. Concernant le premier point, les Forces nouvelles, en tant que protagonistes, ont le droit de demander la disqualification de l’Afrique du Sud en tant que médiatrice car c’est avec leur accord qu’elle entreprend les actions de médiation. A propos du second point, il y a lieu de rappeler à Moshu Walekota qu’une médiation comporte deux étapes : amener les parties à signer un accord et suivre la mise en œuvre dudit accord. Tirez-en vous-même la conclusion.

Au regard de tout ça, on est quand même déçu par la légèreté et l’amateurisme de la diplomatie sud-africaine. Ce n’est pas digne d’autorités qui ont combattu pour que les Noirs, dont elles, ne soient plus des étrangers dans leur propre pays.

Or, en Côte d’Ivoire bien d’Ivoiriens le sont. N’en parlons pas des traitements réserves aux populations d’origine étrangère. A moins que comme on le susurre, Gbagbo ait promis à M’Beki la cession, à d’entreprises sud-africaines, des entreprises bringuebalantes ivoiriennes en échange de "matériel militaire" et de son retournement de veste, de médiateur impartial en imposteur agissant pour le compte du pouvoir ivoirien. De toute évidence, cette diplomatie à coups de marteau est loin d’être désintéressée. Les efforts de rationalité du discours des autorités sud-africaines cachent mal l’irrationalité de leurs comportements.

Zoodnoma Kafando

L’Observateur

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Vos commentaires

  • Le 9 septembre 2005 à 03:09, par Ali Ouattara (Bruxelle) En réponse à : Tout a une fin

    Avec une analyse pareille vous ferez mieux d’etre un des lieutenants de Soro(si vous ne l’etes pas deja) au lieu de vous donner le sentiment d’etre un journaliste. Prenez votre courage en main... et bonne chance dans.... vos betises .La recreation sera bientot terminee et vos rebelles retourneront au Burkina pour rejoindre le beau Blaise le parrain .

    • Le 11 septembre 2005 à 01:15, par GOHOU En réponse à : > Tout a une fin

      Passion,Passion, quand tu nous tiens !

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