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Crise ivoirienne : Gbagbo et le père "rigolo" de Libreville

Publié le lundi 13 juin 2005 à 07h39min

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On le savait spécialiste des volte-faces, on vient de lui découvrir une nouvelle facette, celle de grand provocateur. Car, imaginez-vous, Laurent Koudou Gbagbo s’est permis d’insulter son plus que grand frère Omar Bongo Ondimba. Oui, il l’a proprement fait par le biais d’un grand journal français, France-Soir pour ne pas le citer.

Cet outrage, l’énigmatique président ivoirien se l’est permis à la faveur d’un entretien qu’il a accordé à ce quotidien le 6 juin dernier.

Au détour d’une question, il répondit en effet en ces termes : "Regardez le Gabon : le père Bongo veut donner des leçons, mais c’est un rigolo ! Pour être candidat à l’élection présidentielle, il faut être Gabonais depuis au moins quatre générations...". "Un père rigolo" ! Quelles manières de fils sérieux ! Evidemment il n’en fallait pas plus pour qu’Ondimba réagisse au quart de tour, sorte de ses gonds et exige des excuses publiques, par écrit et au grand jour de la part de son insolent homologue.

A cet effet et comme l’exige l’usage diplomatique, dont ne s’est malheureusement pas entouré le bien-aimé époux de Simone, Madame l’ambassadrice de la Côte d’Ivoire auprès du Gabon, Claudine Yapobi Ricci, reçut du directeur de la Communication du ministère des Affaires étrangères gabonais, Jean-Claude Franck Mendome, une note verbale de protestation à transmettre à qui de droit.

Et comme les excuses en provenance de la lagune Ebrié n’arrivaient toujours pas, le locataire du palais du bord de mer a rappelé pour consultation son plénipotentiaire à Abidjan. Un incident diplomatique des plus graves qui vient conforter encore plus d’un sur le fait que le président ivoirien a encore beaucoup à apprendre dans ce domaine, lui qui n’est pas à sa première bourde. Car à peine a-t-il momentanément oublié son frère ennemi Blaise Compaoré qu’il vole dans les plumes d’Omar Bongo. Sans oublier Jacques Chirac dont il dit qu’il l’a déçu et d’avec qui il avoue avoir rompu le dialogue depuis novembre 2000.

Il est vrai que de problèmes, l’homme en est submergé avec ce DDR qui peine à prendre corps alors que les élections se profilent à l’horizon ; ou avec ces tueries qui n’en finissent pas à Duékoué et derrière lesquelles il voit la main d’ADO et de Bédié ; mais quand même c’est un peu trop fort. Car à se mettre tout le monde sur le dos, on finit plus par amplifier ses problèmes qu’à les résoudre. Et l’ex-opposant de feu Félix Houphouët Boigny devrait savoir qu’il a changé de statut, ce qui lui commande un certain langage de circonstance même si l’autre n’est pas non plus le parfait exemple dans le domaine...

Carnage à Addis Mais que fait donc Konaré ?

Mercredi 8 juin 2005, à l’ombre du siège de l’Union africaine (UA) à Addis-Abeba, l’Opposition éthiopienne représentée par la Coalition pour l’unité et la démocratie (CUD) et le Front éthiopien démocratique uni (UEDF) manifeste contre la proclamation anticipée, par la Commission électorale, des résultats des élections législatives du 15 mai dernier, qui donnent le pouvoir vainqueur.

Pour toute réponse, le Premier ministre, Melès Zénawi, grand sachem du Front populaire démocratique révolutionnaire éthiopien (EPDRF), et certainement digne héritier du négus rouge, Mengistu Haïlé Mariam, lâche ses chiens. Le décompte sur le macadam fait état de 29 morts parfaits et d’une centaine de blessés. Melès Zénawi se justifiera en ces termes : "Les choses devenaient ingérables. A ce stade, il était prudent d’arrêter cela en agissant de manière énergique".

Pourtant, les malheureux manifestants étaient loin d’avoir tort, eux qui attendaient l’examen des plaintes formulées devant la Commission électorale, dont on sait les membres nommés par le Premier ministre soi-même. Cela n’est pas sans rappeler, à une échelle incomparable il est vrai, cet autre carnage de manifestants en Chine populaire et révolutionnaire dans la nuit du 3 au 4 juin de l’année de malheur 1989 qui fit entre 1 500 et 3 000 morts sur la place Tianamen.

Dans une moindre mesure donc, la répression du 8 juin dernier à Addis-Abeba semble être la réplique, seize saisons après, de la secousse de Tianamen d’où le pouvoir éthiopien tire son essence. Evénement dans l’événement de cette morgue à ciel ouvert improvisée par Zenawi et les siens, on entendait le silence inhabituel du président de la Commission de l’Union africaine, Alpha Omar Konaré, que le crépitement macabre des armes n’a visiblement pu réveiller.

Pourtant, ne sont-ce pas les mêmes qui, du siège de l’Organisation panafricaine à Addis-Abeba, voient, sans jumelles, les violations des droits de l’Homme et des Constitutions, les crimes contre l’humanité et les charniers en Côte d’Ivoire, au Liberia, au Soudan et au Togo ? Faure Gnassingbé, l’héritier du grand timonier Etienne Gnassingbé Eyadéma, en sait quelque chose, lui qui a été aux lendemains du décès de son géniteur et à ses premiers pas vers le trône vacant, tancé vertement par l’Union africaine et la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) tel le premier et le dernier des impertinents du continent noir.

Pourquoi maintenant ce silence radio après que Melès Zénawi eut fait de ses opposants des moutons sacrificiels ? La récente crise au sommet de l’Union africaine ne saurait expliquer cette surdité, et ce mutisme subits de Konaré et d’Olusegun Obasanjo, le tout-puissant président du Nigeria, eux qui pourtant s’étaient découvert un destin de gendarmes de l’Afrique unie.

Même loin de nous, le Secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, le ministre britannique du Développement, Hilary Benn, et le Secrétaire d’Etat américain, Condoleeza Rice, ont haussé le ton en guise de réprobation et de désaveu. Une balle que les nôtres devraient saisir au bond pour sauver la face. Bien vrai que l’Organisation panafricaine a établi ses pénates dans la capitale éthiopienne, mais si l’accord de siège est synonyme de fermeture des yeux quel que soit ce qui s’y passe...

Rabi Mitibkèta
Observateur Paalga

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