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France : Une affaire aux relents foccardiens

Publié le vendredi 31 décembre 2004 à 07h29min

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"On est dans une histoire de fous". Voici, comment, acculé et excédé, le député Didier Julia qualifie la rocambolesque affaire de tentative avortée de libération des otages français au coeur de laquelle il est empêtré. Mais tous ceux qui se sont lancés dans cette aventure, à commencer par lui-même, sont-ils aussi fous que cela ? Pas si sûr.

C’est plutôt un jeu d’intérêts bien compris qui est à l’origine de l’engagement des uns et des autres. Car si la mission avait réussi, tous autant qu’ils sont, s’en glorifieraient et en tireraient certainement un bénéfice politique. Commençons par les acteurs visibles dont le chef de file est Didier Julia, un député de l’UMP, le parti de Jacques Chirac. Voici un personnage jadis inconnu du grand public et qui se fait un coup de pub extraordinaire grâce à une opération digne d’un roman d’espionnage.

Le problème, c’est qu’il est un élu, de surcroît du parti qui est aux affaires et qui a fait de la libération des otages Chesnot et Malbrunot un challenge à relever. Il suffit de voir la promptitude avec laquelle Chirac a interrompu ses vacances pour venir accueillir, en personne les journalistes libérés, pour comprendre que l’Elysée suivait de très près le dossier. Après son expédition ratée et le naufrage politique qui le menace, le député Julia pointe un doigt accusateur sur le ministre des Affaires étrangères dont il remet en cause les compétences.

Et c’est là qu’apparaissent à la lumière du jour, les acteurs de l’ombre. L’Elysée, Matignon, le Quai d’Orsay et le groupe parlementaire UMP étaient-ils au courant de la démarche du député Julia ? Si oui, ont-ils tenté de l’en dissuader, au regard des risques qu’une action parallèle fait courir aux otages ?

Si du côté des autorités on parle peu, Julia lui ne se gêne pas pour faire feu de tout bois, allant jusqu’à déclarer que les procédures judiciaires qui le guettent sont "une manoeuvre politicienne par laquelle Barnier (ndlr : le ministre des Affaires étrangères) essaye de sauver sa tête et sa place". Le déclenchement d’une information judiciaire annule en effet toute enquête parlementaire que Julia réclame à cor et à cri. Bref, on est en plein imbroglio où les otages semblent oubliés. Seule compte désormais l’image des politiciens qu’ils tentent de soigner et de préserver.

Dans les clameurs qui ont suivi l’échec de Julia, on a su qu’un acteur africain avait aussi mis pied dans le bourbier irakien, via la classe politique française de droite. Là aussi, Julia est au coeur de la polémique. Mais s’il avoue avoir obtenu un avion ivoirien, il nie cependant avoir reçu 1,2 million d’euros de la part de Laurent Gbagbo. On peut imaginer ce qui se passe dans la tête d’un homme comme Gbagbo quand il affrête tout un avion pour un député français. Il ne l’a certainement pas fait pour les beaux yeux de Julia ou seulement par compassion pour les otages.

En animal politique, Gbagbo a dû se dire que c’était un coup à jouer, même s’il était risqué. Les retombées, en cas de succès sont inestimables et sont à la fois politiques et diplomatiques. Un échec par contre n’entraînerait pas de graves conséquences puisqu’à ce moment, c’est Julia qui servirait de paravent et prendrait les coups. Gbagbo s’en tire donc relativement à bon compte. Reste qu’il a le pied dans les relations tordues que peut entretenir la France avec ses ex-colonies.

On n’est pas loin de la période Foccart avec ses réseaux, ses ingérences et ses manoeuvres. Ce Monsieur Afrique du Général Charles De Gaulle dirigeait un réseau informel relayé en Afrique par les Bongo, Houphouet, Mobutu et autres Eyadéma. Le chef de l’Etat ivoirien, qui est devenu subitement le porte flambeau de l’anti-colonialisme français, n’a-t-il pas, en réalité, perpétué ces relations coupables à travers l’affaire Julia ?

En tout cas, cet épisode des relations franco-ivoiriennes est à méditer. Il pose le problème des jeux d’intérêts entre dirigeants africains et français et la véritable capacité des premiers à gérer en toute indépendance leurs affaires intérieures. Si les chefs d’Etat africains doivent continuer à servir de planche à billet pour des hommes politiques français, il y a de quoi s’inquiéter. Et se demander si les pays de l’espace francophone pourront un jour couper ce cordon ombilical qui ne leur fait pas que du bien.

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 31 décembre 2004 à 14:38, par jean_paul Dorval de Londres En réponse à : > France : Une affaire aux relents foccardiens

    C’est un article bien elabore et tres bien equilibre.Un pays ne fait que defendre ses interets. Et nous africains devons en avoir conscience de facon permanente. Merci cher ami .

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