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Côte d’Ivoire : Amer Noël pour le frère Gbagbo

Publié le lundi 27 décembre 2004 à 07h54min

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Prières, Dieu, prédestination... thèmes religieux par excellence, mais thèmes récurrents également dans les actes du président tribun ivoirien Laurent Gbagbo et de sa soror de femme, Simone Ehivet.

Repas, meetings, conférences de presse du chef de l’Etat ivoirien sont désormais précédés par des incantations religieuses. Normal quand on sait que Gbagbo professe partout qu’il a toujours été un bon chrétien, mais surtout, c’est connu, il ne se sépare plus de celui que l’on considère à Abidjan comme le conseiller spirituel de Laurent Gbagbo : le pasteur Moïse Koré, patron de l’Eglise Shekinah Glory Ministeries (ministère de la Gloire de Dieu).

Même si l’intéressé confesse qu’il n’est "qu’un simple ami du président", le conseiller spirituel officiel, effacé, lui, répondant au nom d’Oré Gneze. Rien de tel donc que la fête de Noël pour un président de la République très croyant, que d’espérer un miracle qui viendrait peut-être sous la forme de la résolution de la crise ivoirienne, à laquelle il est confronté depuis le 19 septembre 2002.

Et pourtant point de ce miracle ! Au contraire, la semaine de la Nativité n’aura pas été particulièrement bénite pour le frère en Christ Laurent Gbagbo. Tout est parti en effet le 21 décembre dernier quand les Etats Unis d’Amérique ont décidé de rayer le nom de la Côte d’Ivoire de la liste des pays bénéficiant de l’Africa growth and opportunity act (AGOA), une sorte de coopération préférentielle non seulement militaire, mais surtout économique, car elle porte sur la levée des droits de douane d’un certain nombre de produits africains à leur entrée aux USA. Bonne gouvernance économique et politique, respect des droits de l’Homme sont entre autres les critères qui entrent en ligne de compte.

Un cinglant camouflet pour le maître d’Abidjan, qui passait pour être introduit dans les arcanes du pouvoir américain... par le truchement de la religion ou plutôt des hommes de Dieu. Et l’on retrouve dans cette galaxie l’inévitable Simone Gbagbo, mais surtout l’incontournable pasteur Moïse Koré. Ce dernier, fondateur de l’Eglise Shekinah, une réplique tropicalisée de la Four square, une Eglise d’Amérique, est, dit-on, proche des "born again christians" de l’administration Bush, en particulier de ses néocons. Il a aussi quelques oreilles attentives au Congrès, où il a des coreligionnaires qu’il rencontre annuellement lors de la journée nationale de prière au Sénat des USA.

Autant donc dire qu’avec ce lobbyiste-évangéliste auprès de l’Oncle Sam, il était inimaginable que la Côte d’Ivoire soit rayée de cette fameuse liste de l’AGOA, un acte qui s’apparente à un revers aussi bien économique que diplomatique. Car les Américains auraient voulu sanctionner, ne serait-ce que formellement, ce pays qu’ils ne s’y seraient pas pris autrement. Une déconvenue qui donne de l’urticaire à Gbagbo d’autant plus que son voisin du Nord de triste réputation faisait dans la foulée son entrée dans le cercle restreint de cette AGOA.

On l’aura constaté, il y a eu comme une substitution entre le Burkina et la Côte d’Ivoire, car si le second a été ôté de la liste, le premier y a été inscrit. Il est vrai qu’au Burkina Faso, on voyait les choses venir depuis que de nombreux obstacles politiques ont été levés : d’abord manifestement les contentieux (Liberia, Sierra Leone, enquêtes onusiennes sur les ventes d’armes) entre le Burkina et les USA ont été apurés, et mieux, depuis que l’axe Ouaga-Washington expérimente la diplomatie des OGM, le dégel des relations est perceptible. Ensuite, on ne saurait dénier à Blaise Compaoré de s’être racheté une conduite sur certains théâtres d’opération. Toutes choses qui auront sans doute contribuer à en arriver à cet état de fait et qui font qu’au bord de la lagune Ebrié, on a doublement raison d’enrager...

Gbagbo n’avait pas encore digéré cette retentissante gifle américaine à la veille de la naissance de l’Enfant Jésus, que sur le front intérieur, son Parlement lui en administrait une autre. Rien en effet n’est encore définitif quant à l’issue du bras de fer entre l’Exécutif et le Législatif, mais toujours est-il que le 23 décembre, les députés ivoiriens, réunis en session plénière, n’ont pas donné leur aval au projet de loi portant organisation de référendum en Côte d’Ivoire.

Ce projet de loi organique, qui avait pourtant été adopté à l’unanimité en commission le lundi 20 décembre, n’a pas obtenu les suffrages des deux tiers des députés, nécessaires pour son adoption. 108 élus on en effet voté pour tandis que 89 autres s’abstenaient. Et de deux en moins de72 heures ! Car cette fin de non-recevoir des parlementaires, même si elle est provisoire comme l’a relevé le ministre chargé des Relations avec le Parlement, qui promet de remettre cela en mars 2005, n’en constitue pas moins un désaveu de Gbagbo.

Comme on le sait, le chef de l’Etat ivoirien tient à son référendum pour toute modification constitutionnelle. Et le vote d’une telle loi, qui devait combler "un vide juridique" en définissant un cadre général du référendum sur "la révision de la constitution, un texte législatif ou une question donnée", lui aurait permis d’organiser un référendum sur l’article 35 relatif aux conditions d’éligibilité à la présidence de la République. Ce qui donne des insomnies à l’illustre fils de Gagnoa est la nouvelle mouture de cet article, votée le 17 décembre et qui épouse les dispositions des Accords de Linas-Marcoussis de janvier 2003.

Cet article 35 nouveau met fin (définitivement ?) à la guerre des conjonctions de coordination, qui fait rage depuis quelques années. Désormais le candidat à la magistrature suprême ivoirienne, selon cette mouture, doit être "de nationalité ivoirienne, né de père ou de mère ivoirien d’origine" et non plus "de père et de mère ivoirien d’origine". On comprend Gbagbo, car cette version révisée de l’article 35 de la loi fondamentale de Côte d’Ivoire permet au chef du RDR, Alassane Dramane Ouattara (ADO), de se mettre sur la ligne de départ de la course pour la présidentielle de 2005, si elle a lieu.

Or c’est un euphémisme de dire que Gbagbo ne veut plus voir ADO, même en peinture. Les parlementaires viennent donc, par cet acte, de contrer un dessein avoué du président de la République : écarter coûte que coûte un candidat plus que gênant à l’éventuelle présidentielle. Un crime de lèse-majesté, que la première dame de Côte d’Ivoire a qualifié de "sorcellerie politique". Amer Noël donc que celle de 2004 pour le frère Laurent Gbagbo, car malgré sa foi inébranlable, que vivifient prières et conseils du pasteur Koré, il aura essuyé coup sur coup deux revers cuisants.

Mais les voies de Dieu étant impénétrables, et avec un tel mentor spirituel, il est possible qu’en dépit de tout cela, il lui prédise que "Ya fohi !" Le pasteur Moïse Koré n’avait-il pas prédit en 1998, après des jours de méditation dans la forêt de Dabou, que Laurent Gbagbo deviendrait président dans les circonstances d’octobre 2000 ?

Observateur Paalga,

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Vos commentaires

  • Le 28 décembre 2004 à 17:16, par GBACHE En réponse à : > Côte d’Ivoire : Amer Noël pour le frère Gbagbo

    Sachez que vous aussi vous serez servis ; vous aurai votre part de gateau de la part de la meme France qui est en train de detruire la Cote d’Ivoire avec votre president et votre peuple. ce que vous ignore peut-etre c’est que vous avez plus que les ivoiriens interet a ce cette situation de crise aie une issue favorable. sinon on vera bien qui rira le dernier. car quand toute l’economie d’un pays depend d’un autre pays en difficulte, il est clair que vous non plus vous ne vous en sortirez pas. et c’est ce qui risque d’arriver si cette guerre ne cesse pas.

  • Le 29 décembre 2004 à 16:24 En réponse à : > Côte d’Ivoire : Amer Noël pour le frère Gbagbo

    Cette décision ne va pas du tout appauvrir la Cote d’Ivoire car nos échanges commerciaux avec les USA sont très infimes ! espèce d’abrouti !

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