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Cuba, un « paradis touristique » où s’opposer au pouvoir est encore mortel.

Publié le mercredi 8 août 2012 à 17h47min

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« Un regrettable accident de trafic » dit-on, officiellement, à Cuba. Mais la mort sur une route de province, le dimanche 22 juillet 2012, d’Oswaldo Paya, 60 ans, et d’Harold Cepero Escalante, 31 ans, ne saurait être – selon l’entourage des deux Européens (un Espagnol et un Suédois) qui étaient dans la voiture accidentée et ont été, tous deux, blessés – imputable à une mauvaise manœuvre du conducteur sur une route mal entretenue au bord de laquelle se trouvait malencontreusement un arbre que le véhicule a brutalement percuté.

La réaction des autorités de La Havane (communiqué officiel, bouclage par la police de l’hôpital où les blessés ont été soignés, inculpation pour « homicide » du chauffeur du véhicule, l’accompagnateur espagnol…) sème le doute. Une opération d’intimidation qui aurait mal tourné pourrait avoir causé la mort de Paya et d’Escalante ; les vieux réflexes staliniens du régime de Cuba ne sont pas morts. Il est vrai que Paya n’était pas n’importe quel opposant aux frères Castro. Il en était la tête d’affiche. Et son action ne manquait pas d’être instrumentalisée, au gré de l’évolution des relations internationales de Cuba, tout autant par La Havane que par Washington, Bruxelles, Paris, Le Vatican…

Né le 29 février 1952 à La Havane dans une famille d’immigrés espagnols, Oswaldo José Paya Sardinas était, d’abord et avant tout, un catholique fervent et pratiquant. Formé chez les frères maristes (jusqu’à la fermeture des écoles catholiques), c’est donc en tant que chrétien qu’il s’est opposé au régime castriste. Au mitan des années 1980, il publiera une simple feuille d’information : « Peuple de Dieu » ; à la fin de la décennie, il fondera le Mouvement chrétien de libération (MCL). Le réseau paroissial va lui permettre de donner de l’écho à son combat. Il le placera sous le patronage du Père Félix Varela y Morales* : le « projet Varela » visera ainsi à recueillir suffisamment de signatures (il en obtiendra plus de 20.000 ; il en fallait 10.000) pour demander un référendum sur les réformes politiques et sociales conformément, d’ailleurs, à l’article 88 de la Constitution cubaine. En vain.

C’est d’ailleurs cette action qui projettera Paya sur le devant de la scène : le mardi 17 décembre 2002, à Strasbourg, il recevra le prix Sakharov du Parlement européen, l’occasion pour lui de voyager en Europe (et d’être reçu à Paris par le ministre délégué à la Coopération, Pierre-André Wiltzer qui le recevra à nouveau, en février 2003, lors d’un voyage de deux jours à Cuba). A cette occasion, Paya ne manquera pas de souligner que « les plus progressistes et les plus idéalistes en Europe ont en fait traité notre peuple comme si nous n’étions pas des êtres humains » (entretien avec Alain Abellard – Le Monde daté du 25 décembre 2002). Pas faux tant la « révolution » cubaine est encore porteuse d’illusions au sein de la gauche (et même de l’extrême gauche).

C’est que l’ancrage politique international de Paya est, du fait de la plateforme religieuse de son mouvement, à droite ; la droite la plus conservatrice. En 2002, il avait été reçu à Madrid par José Maria Aznar, le chef du gouvernement espagnol**. Et Angel Carromero, ce jeune espagnol qui pilotait la voiture de location le dimanche 22 juillet 2012, est un cadre de Nuevas Generaciones, le mouvement de jeunesse du PP, le Parti populaire de Mariano Rajoy ; quant à son compagnon suédois, il est le président de KDU, la ligue de la jeunesse démocrate chrétienne. Pour les autorités cubaines se sont, nécessairement, des agents de la « réaction ».

Paya était la variable d’ajustement du régime castriste. Quand tant d’autres opposants étaient emprisonnés, lui était toujours en liberté. Et quand on lui posait la question (il reconnaissait que c’était la première question que lui posaient les journalistes), il répondait que « la seule vraie question est de savoir pour quelles raisons tous les gens qui se battent ici pacifiquement sont condamnés comme des terroristes ». Il ajoutait : « Il y a aujourd’hui une grande probabilité pour que l’on me tue » (entretien avec F.H. – Le Figaro du 10 février 2004).

En 2003, à l’occasion du « printemps noir », les rafles d’intellectuels, d’activistes, de journalistes cubains vont se multiplier à la suite d’un durcissement du régime ; elles donneront naissance au « groupe des 75 » : 75 raflés condamnés à de longues peines de prison (six à vingt-huit ans de prison) et dont certains, une vingtaine, seront « exilés » avec leur famille en Espagne en 2010. Une « déportation » diront-ils (c’est Carlos Paya, le frère d’Oswaldo, qui organise leur accueil à Madrid). Alors que depuis 1972 aucune mort de « dissident » n’avait été enregistrée à Cuba (où on compte - bon an, mal an - plusieurs centaines de détenus politiques), Orlando Zapata Tamaya, 42 ans, est décédé en février 2010 à la suite d’un grève de la faim de quatre-vingt-cinq jours.

Une mort en trop qui va, un temps, brouiller les relations entre La Havane et les capitales européennes qui étaient engagées, alors, dans une politique de rapprochement avec Cuba : Raul Castro ayant pris la suite de Fidel Castro en 2006 (officiellement en 2008) chacun pensait que le régime était appelé à se « libéraliser ». Mortelle illusion. Cette relation à géométrie variable entre les « dissidents » et le pouvoir va permettre à l’Eglise catholique de s’immiscer dans le jeu politique. Raul Castro, confronté à d’énormes difficultés économiques et sociales, soumis aux tensions politiques qui traversent l’appareil bureaucratique (et gérontocratique) cubain, est à la recherche d’une force organisée capable de canaliser le mécontentement populaire : La Havane est dans la nécessité d’opérer un réajustement économique pour tenter de faire oublier celle d’un changement politique.

Le cardinal Jaime Ortega y Alamino, archevêque de La Havane depuis… 1981, a été le « médiateur » dans l’affaire du « groupe des 75 » après que le cardinal Tarcisio Bertone, secrétaire d’Etat du Saint-Siège, ait séjourné dans l’île pour y commémorer le dixième anniversaire de la visite de Jean-Paul II (1998-2008). N’évoquant jamais le caractère politique des emprisonnements, Bertone fera part, cependant, à cette occasion, de la « préoccupation de l’Eglise pour les prisonniers et leurs familles ».

A l’instar de Jean-Paul II, qui avait jugé « injuste et moralement inacceptable » l’embargo US, le bras droit de Benoît XVI le condamnera fermement apportant ainsi de l’eau au moulin de Paya (qui a toujours eu des difficultés à faire admettre cette prise de position contre l’embargo US au sein de la communauté cubaine de Miami). L’Eglise obtient ainsi une visibilité officielle à Cuba alors que la « dissidence » est l’affaire d’intellectuels (surtout des écrivains) ou de groupuscules peu structurés (les « mémos » du département d’Etat US, révélés en 2010 par WikiLeaks, évoquaient même « une dissidence exsangue »). Et s’ils accumulent les « prix » (après les Dames en blanc, épouses de prisonniers politiques cubains, récompensés par le prix Sakharov 2005, c’est Guillermo Farinas qui a l’a été en 2010), leur ancrage local est faible dans un pays où, désormais, l’aspiration des populations est d’abord au libéralisme économique.

En fait, à l’instar de toutes les « bureaucraties staliniennes », mais plus qu’aucune autre du fait de son positionnement géopolitique, la société cubaine est une société bloquée. Et elle devra imploser avant de pouvoir envisager de se réformer. Car ce n’est ni de l’intérieur (le castrisme a plus de 53 ans - le régime de Fulgencio Batista avait duré, au total, 17 ans ! - et la nomenklatura n’entend pas perdre ses avantages) ni de l’extérieur (compte tenu du poids politique de la diaspora cubaine aux Etats-Unis) que cette réforme sera possible.

* Félix Varela y Morales, né à La Havane en 1788, était prêtre. Il s’exilera aux Etats-Unis après avoir défendu l’abolition de l’esclavage à Cuba. Vicaire général du diocèse de New York, il va s’investir particulièrement auprès des immigrés irlandais. Mort en Floride, en 1853, son corps sera rapatrié à La Havane le 22 août 1912. C’est une figure majeure de l’histoire pré-révolutionnaire de Cuba pour laquelle un lobby catholique a entrepris de le faire canoniser (il serait ainsi le premier saint de l’île).

** Oswaldo Paya a été reçu par le président tchèque Vaclav Havel, le secrétaire d’Etat US Colin Powell, le pape Jean-Paul II.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 8 août 2012 à 22:13 En réponse à : Cuba, un « paradis touristique » où s’opposer au pouvoir est encore mortel.

    Ecrit laborieux, confus, sans inspiration et a la limite forcee. Ce n’est pas du Bejot, ca. En tout cas, ceci n’est pas du meilleur cru.
    Jean Marie Vianey Fayama

  • Le 9 août 2012 à 00:02 En réponse à : Cuba, un « paradis touristique » où s’opposer au pouvoir est encore mortel.

    Evidemment c’st du Bejot ! le contraire aurait surpris plutot ! un tel article a charge ne peut que reveler a qui ne le voyait deja la haine epidermique de ce monsieur en mission pour abrutir et asservir encore les africains Mais il se trompe de periode. Meme si vous n’aimez pas l’idee de revolution, encore moins cuba, (c’est votre droit) restez au moins objectif dans votre approche ; vous n’en serez que aucunement credible tellement vous etes aveuglé par votre haine de tout ce qui touche a quelque idee de revolution, etc.
    Les « freres dictateurs » castro ne peuvent que tuer des democrates persecutés pour leur religion et la liberté. Vous tentez de presenter M Paya comme quelqu’un de bien en occultant qui il est en realité ; mais les personnes qui savent le lisent entre vos lignes. Sachez que les africians ont compris et c’est ce qui vous chagrinent et vous tentez de les aveugler comme avant. Changez de disque !!!

    (le castrisme a plus de 53 ans - le régime de Fulgencio Batista avait duré, au total, 17 ans ! - et la

    ainsi sous Batista cuba etait un paradis pour les cubains puisqu’il n’a regné « que 17 ans » et la revolution cubaine n’apporta que mort, assassinat et misere. Vous ne parlez meme pas des assassinats de citoyens cubains par ces mafieux que vous, vous qualifiez de combattants de la liberté. Vous cachez le fait que ces terroristes financés et entretenus par la CIA, ce n’est un secret pour personne. Je ne mentionne meme pas les 5 cubains injustement emprisonnés et qui sont une honte pour VOTRE « justice democratique ». Vous defendez vos interets perdus depuis Batista, mais le peuple cubain defend ses interets aussi depuis 53 ans C’est la la difference de classe et des interets !
    je rappellerai le president carter des Eats unis qui a dit que ce que les africains doievent coprendre s’is veulemnt sortir du sous developement c’est de suivre l’exemple de castro a cuba ! Carter ce n’est pas n’importe qui qui parle ainsi
    SOME

  • Le 9 août 2012 à 13:47 En réponse à : Cuba, un « paradis touristique » où s’opposer au pouvoir est encore mortel.

    Dans cet article, j’attendais de voir comment la mort a frappé de manière "non accidentelle" et attentatoire (du fait du pouvoir castriste) ces malheureux. Et, je n’ai rien vu. M Béjot peut ne pas aimer le pouvoir cubain, tout comme tous ces apatrides vendus aux USA qui se camouflent sous le couvert d’"opposants". Mais, lorsqu’il écrit comme journaliste et pas romancier, il devrait avoir l’honnêteté de relater des faits et non pas des fables. Le pouvoir cubain a-t-il donné des ordres à l’arbre ou a-t-il saboté la voiture ?
    En tout cas, si pendant plus de 50 ans la révolution cubaine a survécu aux complots des Yankee c’est qu’elle a le soutien de son peuple. Et cela, grâce à ses dirigeants.

  • Le 21 août 2012 à 14:33, par Philippe THOMAS En réponse à : Cuba, un « paradis touristique » où s’opposer au pouvoir est encore mortel.

    Chers internautes qui ont réagi, je trouve cet article, comme d’habitude, très bien écrit (j’ai reconnu de suite "le style Béjot"), très clair et très synthétique. M.Béjot ne peut évidemment pas nous dire ce qui s’est passé, et personne ne le pourra puisqu’il n’y aura jamais d’enquête. D’ailleurs il s’agit peut-être tout bêtement d’un véritable accident ! Quoi qu’il en soit, je pense pour avoir séjourné à Cuba et avoir beaucoup lu sur ce pays que la situation est beaucoup plus complexe que vous semblez le croire. Tout mettre sur le dos de l’impérialisme US, c’est un peu facile. En même temps il faut bien reconnaître que la position du gouvernement cubain est intenable. Je ne vois pas de solution venant de l’intérieur (en effet l’opposition est trop faible), peut-être des immigrés de Miami qui sont de plus en plus nombreux à souhaiter un rapprochement entre les deux pays, autrement dit ils ne sont plus favorables comme par le passé à une guerre ouverte avec les Castristes.

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