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REPRESSION DES MANIFS EN GUINEE : L’impossible mutation de Condé

Publié le lundi 19 mars 2012 à 00h29min

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En Guinée Conakry, c’est à nouveau le bras de fer entre le pouvoir et l’opposition à propos des élections législatives dont la nouvelle date a été fixée au 8 juillet prochain. Si le pouvoir ne trouve pas à redire, ce n’est pas le cas de l’opposition qui pose comme préalable le changement du président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) avant la tenue du scrutin. Jusque-là, l’opposition se limitait à des déclarations dans les médias. Mais voulant mieux se faire entendre et prendre au sérieux par le pouvoir, les opposants ont tenté de tenir un meeting le 17 mars dernier dans un stade du quartier Matam de Conakry. Mais mal leur en a pris car le pouvoir les en a empêchés à coup de dispersion de militants et d’arrestation de certains d’entre eux. Motif invoqué : la manifestation était interdite. Une énième interdiction, serait-on tenté de dire.

En effet, il y a belle lurette que l’opposition a eu le droit de manifester librement en Guinée. Chaque fois qu’elle veut le faire et en fait la demande, le gouverneur de Conakry, pour ne pas dire le pouvoir en place, lui interdit de battre le macadam. Les leaders de l’opposition ont beau donner des gages d’un déroulement pacifique, rien n’y fait, les autorités n’en ont cure. Sauf omission de notre part, nous n’avons pas souvenance d’une manifestation de l’opposition qui ait été autorisée. Depuis l’avènement d’Alpha Condé, on a beaucoup plus en mémoire des échauffourées sur fond d’usage de gaz lacrymogènes embaumant des quartiers de Conakry, de courses-poursuites entre forces de l’ordre et manifestants, de dispersions et/ou arrestations de militants, de casses d’édifices publics en réaction aux répressions, etc.

En gros, des scènes indignes d’un Etat démocratique dans lequel l’on est censé être depuis l’arrivée au pouvoir du non moins opposant historique Alpha Condé. Mieux vaut prévenir que guérir, justifierait le pouvoir. Mais il y a fort à craindre que cet excès de prévention ne soit, en fait, qu’un prétexte pour museler l’opposition, l’infantiliser et la présenter finalement comme une bande de vandales. Cela frise la paranoïa qui, elle-même, confine à l’autoritarisme. Sur le plan du respect de la liberté de manifester sur la voie publique, il y a toujours un goût d’inachevé avec l’absence de rupture avec un passé récent du pays. En tout cas, en matière d’interdiction, de répression de manifestations de l’opposition, on attend toujours de l’opposant historique devenu président qu’il fasse la différence avec Lansana Conté et Dadis Camara.

Les répressions systématiques des manifestations de l’opposition sous le prétexte de prévention de troubles à l’ordre public renforcent la thèse d’une incapacité pour le vieil opposant, d’enfiler véritablement son costume de président. Peut-il réellement se dire démocrate alors qu’il continue à casser de l’opposant ? Il est permis d’en douter sérieusement et c’est là un paradoxe pour celui qui a passé sa vie à s’opposer aux pouvoirs qui se sont succédé dans son pays. A moins que, mais sans vouloir l’absoudre, son attitude ne soit une « déformation professionnelle ». S’il a suffisamment appris pour se convaincre qu’un opposant est par définition un empêcheur de gouverner en toute tranquillité, il n’y a pas lieu qu’il lui fasse de cadeau. Reste que la beauté du jeu démocratique tient aussi à l’existence d’une opposition forte, pour faire contrepoids au pouvoir.

Séni DABO

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 19 mars 2012 à 11:48, par Hamado1 En réponse à : REPRESSION DES MANIFS EN GUINEE : L’impossible mutation de Condé

    Une fois de plus, l’implacable dialectique de la conquête et de l’exercice du pouvoir..."Tous les régimes naissent à gauche et meurent à droite" ! Le pouvoir corrompt-il ou rend-t-il effectivement fou à ce point ? L’on est bien tenté de le croire et de convenir avec l’homme de lettres Fagan Magan KEITA : "A la pêche au harpon, celui qui tient le pouvoir prendrait son propre pied pour un poisson".

    En démocratie, si le pouvoir refuse de se prêter au jeu de la contradiction et s’applique à museler et à anéantir l’opposition, il se tire ainsi une balle dans la jambe (car ayant besoin de celle-ci pour tenir en équilibre) ! Auquel cas, il bascule dans la dictature ! Pouvoir et opposition ne sont-ils pas la face et le revers de la même médaille qu’est la démocratie ?

    Qui l’eût cru ? Ceux-là mêmes qui ont passé plus de la moitié de leur vie à guerroyer contre les dictateurs et pour la démocratie, la liberté, se révèlent tout aussi répressifs et oppressants quand ils accèdent au pouvoir. Pauvres peuples, pauvres africains...Et ainsi, nous méritons nos dirigeants. Il y a vraiment maldonne quelque part !

    Question à ...une voix : Quand-est-ce allons-nous pouvoir enfin intégrer la démocratie et la liberté dans notre culture et la gestion de la chose publique dans nos pays ?

    Il est grand temps de changer de mentalité.

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