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Les ambassadeurs et consuls généraux burkinabè se mettent en ordre de bataille pour « l’émergence » (1/3)

Publié le jeudi 23 février 2012 à 14h46min

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Ils étaient tous là. Et ce n’était pas la moindre des performances. Enfin presque tous là. Les ambassadeurs à Tokyo et à Berlin y sont restés, devant présenter leurs lettres de créance ; celui en poste à Brasilia ne fait qu’une courte visite dans la capitale burkinabè pour la même raison. Mais 25 des 28 ambassadeurs et les 6 consuls généraux, c’est un bon score.

Et leur joie de se retrouver tous ensemble, au pays, en un moment où le Burkina Faso peut savourer quelques performances, était évidente ; et même étonnante quand on sait les tensions qui existent, parfois, entre les uns et les autres, entre ceux de la « carrière » diplomatique et ceux du « reclassement » politique, entre les têtes d’affiche et les quasi inconnus, les anciens et les nouveaux, les « bien en cour » et les autres. Djibrill Bassolé, qui n’est pas du genre à exprimer bruyamment son enthousiasme, peut être pleinement satisfait. Non pas tant que cette 12ème conférence des ambassadeurs puisse se tenir ; mais qu’elle se tienne dans un contexte social et diplomatique apaisé.

Les « fortes têtes » (en tout premier lieu Juliette Bonkoungou et Salif Diallo) n’étant plus en fonction vont ainsi pouvoir s’affronter sur un autre ring : la conquête de la présidence du CDP ; et le corps diplomatique burkinabè, qui avec doigté et discrétion a été notablement recomposé depuis « la crise des mutineries de 2011 », a pu célébrer comme il convient la fin de « la crise ivoiro-ivoirienne » - qui doit beaucoup à Ouaga – la réussite de la conférence de la SCADD à Paris et la nomination de l’un des leurs, Kadré Désiré Ouédraogo, à la présidence de la commission de la Cédéao. Sans compter les bonnes performances globales, un peu partout, sur tous les fronts, de la diplomatie burkinabè pour laquelle Bassolé ne ménage pas sa peine (n’oublions pas la récente nomination de Filippe Savadogo, ancien ambassadeur à Paris, ancien ministre de la Culture, du Tourisme et de la Communication, porte-parole du gouvernement, au poste d’ambassadeur, représentant permanent de l’Organisation internationale de la francophonie – OIF – auprès des Nations unies à New York).

Cerise sur le gâteau : le premier ministre est lui aussi un ancien ambassadeur. Et c’est à ce titre qu’il avait participé à la 11ème conférence en 2009 (Alain Yoda était alors ministre des Affaires étrangères et de la Coopération régionale). Ce qui ne garanti rien, bien sûr : son prédécesseur, Tertius Zongo, l’était aussi lors de sa nomination à la primature et son expérience diplomatique n’a pas pesé lourd face aux mutins de 2011. C’est d’ailleurs Beyon Luc Adolphe Tiao, communicateur devenu ambassadeur puis premier ministre en pleines « mutineries », qui a eu l’insigne honneur d’ouvrir, ce matin, lundi 20 février 2012, les travaux de la conférence des ambassadeurs, non pas à la primature mais au ministère des Affaires étrangères qui, pour l’occasion, avait fait le plein non seulement des ambassadeurs, consuls généraux, directeurs de l’administration mais aussi des ambassadeurs étrangers accrédités à Ouaga, de ministres et d’anciens ministres, de personnalités politiques et institutionnelles, d’anciens ambassadeurs… Il y avait même là un ancien chef d’Etat, le colonel Saye Zerbo, qui, il est vrai, est le beau-père d’un ancien premier ministre, ancien ambassadeur, Ernest Yonli (que la rumeur dit, lui aussi, en course pour la présidence du CDP). Bref, l’occasion rêvée de montrer que le Burkina Faso existe sur la scène diplomatique. Ce qui n’est pas nouveau ; ce qui est nouveau, c’est qu’il en a pris pleinement conscience, qu’il entend l’affirmer haut et fort et en tirer profit.

Tiao l’a joué bien plus premier ministre qu’ex-ambassadeur. Celui qui était en train de mettre un point final à son livre sur les médiations menées par Blaise Compaoré quand la crise post-présidentielle a éclaté en Côte d’Ivoire, et avant de se trouver aux prises avec la gestion des mutineries au Burkina Faso, a mis le doigt sur les maux qui minent la région sans jamais perdre de vue qu’il y a quelques semaines, il était à Paris pour y mobiliser les bailleurs de fonds et le secteur privé autour des objectifs de la SCADD. Pas un grand discours géopolitique sur l’évolution du monde, de l’Afrique dans le monde et du Burkina Faso en Afrique, pas non plus de tour d’horizon de la situation régionale, pas un mot sur la fin de « la crise ivoiro-ivoirienne », les tensions au Sénégal à quelques jours d’une présidentielle à risques, la « guerre » déclenchée par les Touareg contre Bamako (si ce n’est un rappel à la ligne politique d’ATT au Mali : « la solution aux problèmes de la bande sahélo-saharienne réside dans la combinaison intelligente du binôme sécurité-développement »). Mais la stigmatisation du « crime organisé », du « trafic des drogues et des armes », des « commerces illicites », autant de « facteurs de désintégration sociale et économique ».

Toutes ces dérives peuvent être placées sous le même intitulé : le « terrorisme ». Il est vrai que la diplomatie burkinabè est entre les mains « privilégiées », d’une part, du président du Faso (« inspirateur de la politique étrangère du Burkina Faso » n’a pas manqué de rappeler, d’emblée, Tiao), d’autre part, du ministre des Affaires étrangères et de la Coopération régionale, et que le premier ministre n’est pas un acteur majeur en la matière ; il est vrai surtout que les mutineries de 2011 obligent Ouaga à de la retenue dans l’expression. Ces événements douloureux sont l’expression que personne n’est à l’abri d’une crise majeure dont le facteur déclenchant peut apparaître bénin mais dont les conséquences peuvent remettre en question les fondements même d’un régime, y compris le plus « stable ».

Il s’agissait pour Tiao de convaincre un corps diplomatique parfois enclin à jouer solo que l’essentiel pour le Burkina Faso est de « s’accorder sur les objectifs à atteindre et sur les moyens d’y parvenir ». Les ambassadeurs peuvent-ils « être capables d’agir collectivement face aux défis de la mondialisation » comme le souhaite le premier ministre ? Ce n’était pas imaginable hier, cela le devient aujourd’hui et plus encore demain avec la « professionnalisation » de la fonction. Certes, il y a encore des personnalités politiques – mais elles ne sont pas dépourvues d’expérience diplomatique et internationale – cependant les têtes d’affiche cèdent la place à l’instar d’un Kadré Désiré Ouédraogo, ancien premier ministre, qui quitte Bruxelles pour la présidence de la commission de la Cédéao. « Le grand jour est enfin arrivé », s’est exclamé Tiao à ce sujet. Il est vrai que la bataille diplomatique fut rude et le marchandage parfois aléatoire.

Il s’agit donc, maintenant que les états d’âme des uns et des autres, les ambitions politiques de quelques uns et l’attentisme de quelques autres ne sont plus à l’ordre du jour, de passer aux « actions » a souligné le premier ministre ; et de recoller aux réalités, non pas des capitales où les ambassadeurs sont accrédités mais du Burkina Faso. Et cette réalité tient en cinq lettres : SCADD, la Stratégie de croissance accélérée et de développement durable du Burkina Faso. Il s’agit donc pour les ambassadeurs et les consuls généraux de se mettre à niveau et c’est ce à quoi tendent ces trois journées d’écoute pendant lesquelles le corps diplomatique va voir défiler devant lui les plus prestigieux orateurs du pays. Les ministres sont ainsi mobilisés pour un exposé sur le développement économique et social du Burkina Faso, la gouvernance, le rayonnement international.

Ce grand oral est animé par Lucien Marie Noël Bembamba (économie et finances) et François Marie Didier Zoundi (Budget), Djibrina Barry (Conseil présidentiel pour les investissements), Soungalo Appolinaire Ouattara (fonction publique, travail, sécurité sociale), Alain Edouard Traoré (communication), Bongnessan Arsène Yé (relations avec le parlement et réformes politiques), etc. Au-delà de la stricte dimension diplomatique de la fonction d’ambassadeur (on traite bien sûr au cours de cette conférence des médiations menées par le chef de l’Etat et du redéploiement diplomatique du Burkina Faso), c’est donc toute la vie politique, économique et sociale du pays qui est passée en revue sans oublier la contribution majeure (enfin, qui doit devenir majeure) du secteur privé.

A suivre

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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