LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Avec de la persévérance et de l’endurance, nous pouvons obtenir tout ce que nous voulons.” Mike Tyson

Marie-Odile Bonkoungou-Balima en Allemagne : Comment donner une nouvelle impulsion aux relations diplomatiques et économiques entre Berlin et Ouagadougou ?

Publié le vendredi 30 septembre 2011 à 00h36min

PARTAGER :                          

L’arrivée de Luc Tiao à la primature et la nomination de Djibril Bassolé à la tête de la diplomatie burkinabè sont l’occasion de multiples nominations qui visent à rompre le ron-ron dans lequel l’administration burkinabè, parfois, avait tendance à se complaire. Inévitablement, dès que le temps passe, la routine s’installe et chacun ayant conquis ses positions tend à les défendre. 2011 sera donc, pour la diplomatie burkinabè (mais c’est l’ensemble de l’administration du « pays des hommes intègres » qui est, au total, concernée), l’année de tous les bouleversements.

Rappel de quelques têtes d’affiche, promotion de diplomates de carrière, recasement de personnalités politiques, création de nouveaux postes, etc. la liste des promus ne cesse de s’allonger et il faudra bientôt un annuaire pour dresser le nouvel état des lieux de la diplomatie burkinabè. Et ce n’est sans doute pas fini ; Ouaga 2000 a les yeux rivés sur le Proche-Orient (Qatar, Turquie…) et l’Asie (Sri Lanka…) et pourrait étoffer (en les dédoublant) ses représentations diplomatiques à travers le monde.

Le dernier changement opéré l’a été hier, mercredi 28 septembre 2011, en conseil des ministres. Marie-Odile Bonkoungou-Balima, administrateur civil, a été nommée ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Burkina Faso auprès de la République fédérale d’Allemagne. L’Afrique francophone ne porte pas toujours à l’Allemagne l’attention que mérite ce pays ; vieux syndrome franco-français qui relativise ou exorcise sa relation avec un pays qui, par trois fois, en l’espace d’un siècle, lui avait fait la guerre et, plus encore, avait longuement occupé le territoire français. En ce qui concerne le Burkina Faso - qui entretient des relations diplomatiques avec l’Allemagne depuis 1961 - Berlin est le deuxième partenaire bilatéral derrière la France et son aide en faveur de Ouagadougou s’est élevée à près de 900 millions d’euros au cours de la période 2008-2010 (et plus d’un demi milliard d’euros de 1973 à 2007).

C’est dire que le poste d’ambassadeur à Berlin mérite une attention particulière et Bassolé ne manque pas de souligner que « le partenariat entre l’Allemagne et le Burkina est un partenariat exemplaire ». Il est vrai que les Allemands, quant à eux, prennent en considération leur relation avec Ouaga et n’y nomment pas n’importe qui. Ulrich Hochschild - en poste 6 ans et 2 mois au Burkina Faso - et qui vient tout juste de quitter la capitale burkinabè pour être nommé consul général d’Allemagne à Strasbourg, docteur es lettres, a été enseignant de formation mais devenu diplomate il a été en poste à New York, Paris, Cotonou, Sarajevo, Bruxelles et Toronto avant d’être nommé à Ouaga.

Son successeur, Christian Germann, de la même génération que lui (ils sont nés tous deux en 1949), a été en poste en Iran, au Pérou, au Costa Rica, aux Philippines et en République dominicaine. Un nouvel ambassadeur allemand est ainsi nommé à Ouaga alors qu’un nouvel ambassadeur burkinabè est nommé à Berlin. Et le fait que ce soit une personnalité significative de la vie politique burkinabè montre la volonté de Ouaga 2000 d’impulser un souffle nouveau aux relations diplomatiques et économiques entre les deux pays et de recentrer l’ambassade de Berlin sur l’Allemagne (l’ambassadeur à Berlin était, par le passé, accrédité auprès de la Russie, de la Suisse, de l’Ukraine, de la Pologne…)

Xavier Niodogo, en poste depuis de longues années, avait été formé en Union soviétique (étant à Berlin, il était également accrédité auprès de la Russie). Ancien député, conseiller économique et commercial à Paris, c’est un homme chaleureux, fraternel et disponible qui s’est efforcé de rendre plus visible le Burkina Faso en Allemagne (le premier obstacle étant, cependant, la langue : l’information en allemand sur le Burkina Faso est inexistante).

Marie-Odile Bonkoungou-Balima est, quant à elle, une stricte « politique » : elle était ministre de l’Education nationale et de l’Alphabétisation jusqu’à l’arrivée de Tiao au poste de premier ministre le 18 avril 2011 ; elle était entrée au gouvernement le 5 septembre 2005 au portefeuille de l’Enseignement de base et de l’Alphabétisation après avoir été nommée secrétaire général du gouvernement et du Conseil des ministres lors du remaniement ministériel du 10 juin 2002 (en 2005, elle sera remplacée à ce poste par Clément Sawadogo). C’est dire que depuis dix ans, Bonkoungou-Balima fait partie du paysage politique.

Mal loti en matière d’alphabétisation et de scolarisation (le taux de scolarisation était de 5,6 % au moment de l’indépendance), le Burkina Faso a fourni un effort considérable en la matière (officiellement, le taux de scolarisation est aujourd’hui de 74,80 %) mais doit, dans le même temps, faire face au gap social qui se creuse entre parents et enfants dès lors que ces derniers ayant été scolarisés sont confrontés à un milieu familial où ils ne trouvent pas le relais nécessaire à l’école pour aller plus loin que le primaire.

Née le 15 décembre 1961, Marie-Odile Bonkoungou est originaire de Tenkodogo (Sud-Est de Ouagadougou), dans la province du Boulgou. Ecole primaire catholique de Tenkodogo, lycée technique de Ouagadougou, bachot G1, Ecole supérieure de droit de l’Université de Ouagadougou (maîtrise en droit des affaires en 1985), ENAM (option administration générale), c’est le 1er avril 1987 qu’administrateur civil elle intégrera le ministère du Travail, de la Sécurité sociale et de la Fonction publique dont Salif Sampebogo sera nommé ministre le 25 avril 1989.

C’est Juliette Bonkoungou qui donnera ses lettres de noblesse à ce ministère dont elle deviendra la patronne le 16 juin 1991 (avec en charge la modernisation de l’administration), Salif Diallo récupérant alors le portefeuille de l’Emploi, du Travail et de la Sécurité sociale. Rédacteur à la direction centrale de la fonction publique (1987-1990), chargée d’études à la direction des études et du contentieux (1990-1992), c’est en tant que directrice générale de la fonction publique (1992-1998) que Marie-Odile Bonkoungou va tout particulièrement s’illustrer à l’occasion de la première Conférence annuelle de l’administration publique (CAAP) qui se tiendra du 27 au 30 septembre 1993 à Ouagadougou. Elle sera, par la suite, inspecteur général des services (1998-2001) avant de rejoindre le gouvernement en tant que secrétaire général adjoint (2001-2002) puis secrétaire général (10 juin 2002 - cf. supra).

Bonkoungou va débarquer à Berlin alors que la diplomatie allemande s’interroge sur son présent et son avenir. Dans une conjoncture mondiale qui se délite, Berlin a tendance à se recroqueviller à l’intérieur de ses frontières avec, juste, un regard circonstancié sur ses voisins immédiats. Un regard plus complaisant à l’Est qu’à l’Ouest. Varsovie - et, au-delà, Moscou - plutôt que Paris. Hubert Védrine, l’ancien ministre des Affaires étrangères de la France, dit que « l’Allemagne est revenue à un égoïsme organique ». Mais il est vrai qu’à Berlin, l’agitation permanente de Paris, donne le tournis à une équipe dirigeante qui se refuse à « changer d’avis en 48 heures » et réclame « une analyse complète de la situation » avant de s’engager dans la résolution des « crises » internationales.

La résolution 1973 des Nations unies (concernant l’intervention en Libye pour protéger les civils de la répression menée par Kadhafi) est l’aboutissement de cet atermoiement qui n’est pas dans le mode de production diplomatique de Nicolas Sarkozy. Berlin s’est abstenu, suscitant la réprobation de ses partenaires de l’Union européenne et de son allié américain. Il est vrai que l’arrivée, pour des raisons de politique intérieure (formation d’une coalition de droite à la suite des législatives du 27 septembre 2009), de Guido Westerwelle à la tête de la diplomatie allemande ne la pas rendue plus visible.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

PARTAGER :                              

Vos commentaires

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique