Dans la logique du printemps arabe, les vrais démocrates s’attendaient à plus de réalisme politique de la part du colonel libyen. Il n’a pas compris très tôt qu’en réprimant par la force son propre peuple, il servait sur un plateau d’argent, le prétexte recherché par tous ceux qui ont subi ses humeurs pendant 42 ans, de le chasser du pouvoir.

L’Union africaine, à travers son Conseil de paix et de sécurité, a certes privilégié la solution négociée jusqu’au bout. C’était son devoir de solidarité. Celle des chefs d’Etat africains, qui tous autant qu’ils sont, n’avaient réellement aucune emprise sur le "guide" pour l’amener à prendre conscience de l’urgence de la situation. Et d’ailleurs, leur position a compté pour du beurre dans l’engagement ou non des hostilités contre Kadhafi. Les Etats africains ont donc fait le service minimum tandis que La France et l’OTAN ameutaient l’ONU et le Conseil de sécurité pour une solution militaire. Quelques rares pays dont le Sénégal ont osé franchir le Rubicon, pris parti pour le CNT, et demandé au "guide" de préserver son pays d’un bain de sang en quittant le pouvoir.

C’était osé de la part du vieux Wade. Aujourd’hui, devant le fait accompli, les Etats africains se bousculent pour reconnaître le CNT. Les nouveaux maîtres de Tripoli sauront reconnaître leurs vrais amis. La plupart des pays africains sont restés de simples observateurs de la révolution libyenne. Ils ont manqué de réactivité, au contraire de pays comme la France, qui a ainsi rattrapé son faux pas tunisien à travers un soutien aux démocrates libyens. Dès lors, la question la plus importante à nos yeux est la suivante : quelles seront les limites du devoir de reconnaissance des nouveaux maîtres de Tripoli vis-à-vis des forces alliées, ces nouveaux croisés de la démocratie à qui l’on prête l’intention de n’avoir d’yeux que pour les ressources pétrolières du pays ? La suite des événements et la nature des rapports entre les deux camps donneront à n’en pas douter une indication sur la crédibilité de telles opérations sous mandat onusien.

Pour le peuple libyen en tout cas, c’est une libération au prix du sang, une cohésion nationale à renforcer, une démocratie à construire. C’est un nouveau départ plein de promesses et pour lesquelles il faudra nécessairement être à la hauteur. Pour le CNT et les Libyens, une autre bataille commence, celle d’une Libye démocratique.

Abdoulaye TAO

Le Pays