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MUTINERIE A PO : Au-delà des fesses et des primes

Publié le mardi 17 mai 2011 à 01h02min

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Le Burkina est à la croisée des chemins. Et l’image de pays de paix et d’hospitalité dont on avait de cesse de se délecter avec suffisance, est en train de voler en éclats. En effet, après la manifestation des militaires, la mi-avril dernière, qui avait conduit à la dissolution du gouvernement de Tertius Zongo et à un remue-ménage sans précédent de la chaîne de commandement, les Burkinabè se croyaient sortis de l’auberge, tant la nouvelle "équipe de combat" dirigée par Luc Adolphe Tiao se voulait rassurante. Aussi avait-on cru sans doute avec une désinvolture impertinente, qu’en s’adjugeant le poste de ministre de la Défense, le président Compaoré devrait s’employer pour que le Burkina ne devienne pas un "far west" où les plus puissants mèneront à la baguette les plus faibles.

Que nenni ! Pas plus tard que le samedi 14 mai dernier, à Pô, les hommes en treillis sont sortis de leurs casernes, et ont tiré en l’air, pour, dit-on, revendiquer des primes salariales. On n’y comprend plus rien. Et à l’analyse, on y perd même le nord si l’on sait que le gouvernement avait claironné à qui voulait l’entendre que le problème des primes était définitivement réglé et que les soldats avaient même fait leur mea-culpa.

On se rappelle effectivement cette mise en scène télévisuelle où des soldats se fendaient en repentir et réaffirmaient leur loyauté au chef de l’Etat. Mais, que se passe-t-il donc ? Le gouvernement a-t-il passé le temps à conter fleurette à la population ? Ou veut-il nous faire croire que les soldats en font de trop ? Rien n’est moins sûr. D’autant que l’un dans l’autre, cette nouvelle mutinerie dont on imagine qu’elle a été vite circonscrite pour éviter qu’elle n’essaime d’autres garnisons, achève de nous convaincre qu’au-delà des fesses et des primes, il y a un malaise profond qui nécessite une cure profonde et durable.

En fait, il est d’autant plus consternant de remarquer que cette récente mutinerie émane d’une ville symbole à laquelle le régime en place doit pouvoir, longévité et assurance. Faut-il le rappeler, Pô a été le fer de lance de la Révolution et du Front populaire. Et c’est là que le bât blesse. Car comment rassurer les partenaires techniques et financiers si le berceau du régime emboîte le pas aux autres, notamment aux éléments du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) pour revendiquer, à coup de canons ou de kalachnikovs des primes salariales ? On se rappelle d’ailleurs qu’après une interview qu’un mutin avait accordée à une chaîne de télévision internationale, l’Etat-major s’était vite empressé de dire qu’il ne s’agissait pas d’un soldat burkinabè. Sans doute qu’aujourd’hui, il doit battre sa coulpe puisque les faits parlent en sa défaveur.

A la vérité, il est temps que le président Compaoré tire les conclusions qui s’imposent en annonçant dans un sens ou l’autre, une mesure décisive et courageuse à même de couper court aux supputations qui vaillent sur la probable modification de l’article 37 dont le débat, à la faveur de la relative accalmie observée depuis peu, regagne du terrain. Certains affidés du régime, avec une outrecuidance qui leur est propre, laissent croire qu’en dépit de la traversée du désert, la modification de l’article 37 est à l’ordre du jour.

Selon toute vraisemblance, le régime en place n’a qu’une seule préoccupation : assurer sa propre survie et faire du lib-lib (1) jusqu’à ce que la fronde sociale retombe pour enfin reprendre du poil de la bête. En tout cas, en attendant une action forte du président Compaoré, les Burkinabè, fort exaspérés, vivent dans la hantise des coups de feu, et ne savent plus désormais à quel milieu du mois se vouer.

Boundi OUOBA

Le Pays

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