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Justice pour Norbert Zongo : Quand le Collectif sifflera-t-il la fin de la mobilisation ?!

Publié le lundi 20 décembre 2010 à 00h57min

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Pour la 12e année consécutive, le Collectif des organisations démocratiques de masse et de partis politiques a sonné la mobilisation de ses troupes pour exiger la lumière sur l’assassinat du journaliste Norbert Zongo et de ses compagnons d’infortune. C’est depuis le lendemain du 13 décembre 1998 que ce mouvement a engagé ce combat qui s’apparente désormais à une bataille contre des moulins à vents. Mais au lieu de sonner le glas du dossier, le non-lieu prononcé par la justice burkinabè en juillet 2006 a apporté de l’eau au moulin du Collectif qui croit dur comme fer que l’issue du dossier est intimement liée au cœur du régime.

Comment le pousser à se faire hara-kiri ? Telle est la grande question qui amène à se demander : quand va-t-on siffler la fin de la mobilisation pour que la cause soit entendue ?

En effet, le 12e rituel de commémoration de la tragique disparition du fondateur du journal "L’Indépendant" intervient à la veille de l’investiture de Blaise Compaoré suite à sa réélection à plus de 80% à l’issue du scrutin présidentiel du 21 novembre dernier. Lundi prochain, il prêtera serment pour un nouveau bail de 5 ans à la tête de l’Etat. Ce détail est d’autant plus important qu’il vient rappeler aux membres du Collectif qu’ils ne changeront pas d’interlocuteurs d’ici là. Ils seront obligés de composer avec les mêmes acteurs qui ont officiellement enterré le dossier Norbert Zongo en juillet 2006 en l’enrobant d’un non-lieu judiciaire.

En plus, le décès en détention de l’adjudant Marcel Kafando, ancien chef de la sécurité rapprochée du Blaiso national, rend le dossier orphelin d’accusé. Ce sous-officier était le dernier "rescapé" -au sens judiciaire- des 6 sérieux suspects désignés par la Commission d’enquête indépendante (CEI) au plus fort de la mobilisation sociale pour exiger justice pour Norbert Zongo et ses compagnons.

Pressé par la rue, le pouvoir avait accepté, à l’époque, de jeter ces « gardes rapprochés » en prison pour sauver sa peau. Comme les gens vont s’en apercevoir plus tard, ce fut un repli tactique pour reprendre du poil de la bête.

À ce jour, la seule consolation du Collectif demeure le procès de David Ouédraogo, du nom du chauffeur du frère cadet du président qui avait trouvé la mort dans des conditions lugubres. Son assassinat ayant ressuscité ce dossier sur lequel le journaliste enquêtait, la justice militaire a eu le mérite d’établir un lien entre les deux affaires. Curieusement, elle n’a jamais pu aller plus loin, malgré une débauche de moyens que le gouvernement avait mis à sa disposition à l’époque. Elle a plutôt ramé à contre-courant, ruinant les indices les uns après les autres jusqu’à vider le dossier de sa substance accusatrice.

Force est aussi de reconnaître que la coordination du Collectif n’a pas toujours été constante et harmonisée dans sa lutte. Dans ses tentatives de fragilisation du mouvement, le régime a souvent joué la carte du bâton, mais aussi de la carotte. Les sirènes de différents gouvernements de « réconciliation », d’« ouverture » ou encore « protocolaire » ont ébranlé la conviction de pas mal de camarades qui sont allés à la soupe, comme on dit trivialement. La prétendue « ouverture électorale » de 2000 avait envoyé ses opposants intrépides à l’Assemblée nationale pour mieux les mouiller. Dès que le tour a été joué, le Code électoral a été bel et bien modifié pour revenir au statu quo. Ce n’est donc pas pour rien que le « pouvoir de la IVe République », pour reprendre un jargon du Collectif, a repris la part du lion à laquelle il n’a jamais renoncé vraiment. Avec des manœuvres d’appât et de compromissions, il a bien réussi, c’est de bonne guerre, à se payer la tête de certains ténors du Collectif.

Ce lundi 13 décembre 2010, au moment où la direction du Collectif lançait des invectives contre le régime à la Bourse du Travail de Ouagadougou, on pouvait lire sur une pancarte posée contre un container, « 15 000 000 pour les ministres et 3 000 000 pour les députés, ce n’est pas acceptable... ». On se rappelle qu’au moment où cette dénonciation était bruyamment faite, d’anciens et actuels membres du Collectif - et pas des moindres - siégeaient au gouvernement et surtout au Parlement où ils ont été le plus piqués dans leur amour-propre. Mais trop tard, le mal était déjà fait et consommé. Des langues trop fourchues avaient poussé le bouchon jusqu’à vilipender les opposants, ou ceux qui se considéraient encore comme tels, à l’époque. Et cela n’a pas moins choqué des militants de base qui tirent le diable par la queue.

Certes, en faisant cohabiter syndicats, organisations de défense des droits humains et partis politiques, le Collectif contre l’impunité a réussi à élargir sa base et à faire de sa lutte une cause nationale et internationale. Cependant, la présence en son sein de politiciens habitués aux va-et-vient et à des retournements de veste ne lui a pas toujours permis de se déterminer clairement, d’harmoniser et de défendre, sans équivoque, sa plate-forme revendicative. Le plus paradoxal est de voir que des partis politiques qui militent dans ce même mouvement se retrouvent encore à se combattre sur le terrain, pire, à présenter différents candidats à la présidentielle.

Par conséquent, si le regroupement se donne des aspirations légitimes, on se demande s’il ne disperse pas trop facilement ses énergies lorsqu’il s’agit simplement de faire un front commun contre la même cible. Au moment où la lutte a franchi l’étape de la décennie et à l’heure du bilan, n’est-il pas temps que la coordination du Collectif s’interroge plus fermement sur les raisons de ses appels à la mobilisation et le temps que cela doit encore durer pour voir le bout du tunnel ?

F. Quophy

Journal du Jeudi

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