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PASCAL AFFI N’GUESSAN (Pdt du FPI et porte-parole du candidat Laurent Gbagbo) : « Ceux qui exercent les pressions manquent d’informations »

Publié le mercredi 15 décembre 2010 à 02h09min

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Dans la situation de crise que vit la Côte d’Ivoire actuellement, les partisans du camp de La majorité présidentielle (LMP) affirment que le tout nouveau président élu n’est autre que celui proclamé par le Conseil constitutionnel, à savoir Laurent Gbagbo. Pour en savoir un peu plus, nous avons rencontré à la veille de notre départ d’Abidjan soit le mercredi 8 décembre dernier, le président du Front populaire ivoirien (FPI), Pascal Affi N’Guessan qui a été pendant la campagne présidentielle des premier et deuxième tours, le porte-parole du candidat LMP, Laurent Gbagbo.

Les échanges se sont déroulés en sa résidence du quartier de la Riviera Golf où Pascal Affi N’Guessan, qui fut le premier Premier ministre du président Laurent Gbagbo, multipliait les réunions et autres audiences en recevant les nouveaux ministres du gouvernement Gilbert Marie N’Gbo Aké et bien d’autres responsables de son parti. Il s’est prononcé sur le fait qu’il n’ait pas été rappelé à la Primature et bien d’autres sujets, dont comment faire face à la pression de la communauté internationale.

Le Pays : Comment expliquez-vous la situation actuelle dans laquelle se trouve la Côte d’Ivoire au lendemain du second tour de la présidentielle ?

Pascal Affi N’Guessan : C’est une situation consécutive à la grosse fraude électorale organisée dans la zone CNO (NDLR : Centre, Nord et Ouest) où le candidat Alassane Ouattara dispose encore de combattants armés qui imposent leur autorité aux populations. Ils ont ainsi profité de cette situation pour intimider les électeurs, séquestrer et bastonner les représentants du candidat de la majorité présidentielle (LMP), manipuler les élections. Ce sont ces situations qui ont été dénoncées et fait l’objet de contestations par le camp présidentiel, d’aboutir à des invalidations par le Conseil constitutionnel. A la suite de cela, le Conseil a proclamé le président Laurent Gbagbo élu.

Alassane Ouattara refuse cette décision et s’accroche au contraire à une mascarade de proclamation de résultats orchestrée à son quartier général avec le président de la CEI qui avait été pris en otage. Nous nous en tenons au droit, aux décisions des institutions ivoiriennes compétentes en la matière notamment le Conseil constitutionnel. C’est sur cette base que le président Laurent Gbagbo a été investi puis a formé son gouvernement qui se met progressivement au travail, tandis que la vie économique et sociale se normalise. Au fur et à mesure, les choses vont rentrer dans l’ordre et le président et son gouvernement vont s’attaquer aux questions essentielles, à savoir la réunification du pays, la normalisation de la vie politique, économique et sociale.

Que dites-vous lorsque le camp d’en face vous reproche d’avoir délibérément bloqué le processus de publication des résultats au niveau de la CEI afin que le Conseil constitutionnel qui vous est favorable puisse récupérer les documents et les proclamer ?

Le désaccord qu’il y a eu au niveau de la CEI s’appuie sur des questions objectives. La CEI avait pris sur elle d’invalider les résultats sur l’ensemble de la France au premier et au deuxième tours du fait qu’il y a eu des troubles à Paris. Cette situation a été une jurisprudence que nos représentants à la commission ont demandé d’appliquer suite aux cas des troubles et des incidents qui ont été enregistrés dans certaines localités au Nord du pays. Si la CEI s’est fixée comme règle d’invalider les résultats à Paris et ne pas tenir compte de ceux de la localité de Fresco (Sud-Ouest de la Côte d’Ivoire) du fait de troubles, il est donc tout à fait normal que là où il y a eu des troubles plus graves, elle le fasse. Celle-ci n’a donc pas pu sortir de ce dilemme parce que les représentants du camp Alassane Ouattara voyaient bien que dans ce cas précis l’invalidation portait préjudice à leur candidat.

On voulait ainsi faire deux poids deux mesures parce que dans un cas, on invalide parce que cela arrange Alassane Ouattara et dans l’autre, on refuse de le faire parce que ça le pénalise. Or, ce n’est pas ainsi que doit fonctionner une structure censée être indépendante. Il y a eu blocage parce que jusque-là, les résultats étaient pris par consensus et sur dix-neuf régions, il y a eu consensus sur quinze et il n’y en a pas eu sur quatre régions. Dans ces conditions, la CEI s’est trouvée bloquée jusqu’à la fin du temps légal qui lui était imparti pour rendre public les résultats. A partir de là, la CEI était forclose et n’avait plus compétence pour statuer sur les résultats. Elle devait rédiger un procès-verbal de carence à transmettre au Conseil constitutionnel pour que ce dernier, en tant qu’organe régulateur du fonctionnement des institutions, se saisisse du dossier pour proclamer les résultats définitifs. C’est sur ces faits que le camp Alassane Ouattara a kidnappé le président de la CEI, l’a transporté à son quartier général et l’a obligé à proclamer des résultats qui n’étaient pas connus de la commission centrale de la CEI qui ne s’est en aucun moment prononcé là-dessus.

Il y a donc un président élu qui a été investi et formé son gouvernement qui est au travail et un candidat malheureux qui s’accroche en instrumentalisant ses réseaux à travers le monde pour donner le sentiment que c’est lui qui a gagné après avoir manipulé le président de la CEI à cette fin.

Que dites-vous alors lorsque les responsables du RHDP dénoncent des irrégularités dans les zones proches du camp de la majorité présidentielle ?

S’ils pensent qu’il y a des irrégularités, ils n’avaient qu’à saisir le Conseil constitutionnel dans les délais de soixante douze heures prévus par la loi. Ce n’est pas une question qui relève de notre ressort et je constate qu’ils ne l’ont pas fait. Or, en la matière, ce sont les textes qu’il s’agit d’appliquer et les lois qu’il faut respecter. Nous l’avons fait avec des preuves à l’appui, des témoignages faits devant un huissier et de notre point de vue, le vrai débat est d’aller regarder les éléments constitutifs de preuve pour savoir si la décision qui a été prise est sans fondement juridique.

Quelles sont les raisons qui vous permette d’affirmer que les forces armées des forces nouvelles sont acquises à la cause de Alassane Ouattara et pourquoi êtes-vous allés aux élections si vous saviez que les éléments armées dans la zone n’ont pas désarmé ?

Depuis le 19 septembre 2002, l’on sait que la zone Centre, Nord et Ouest est occupée par les combattants des forces nouvelles. Tout ce qui a été entrepris à travers les différents accords était de faire en sorte qu’ils libèrent les territoires qu’ils occupent pour que l’Etat se réinstalle afin d’exercer la plénitude de ses prérogatives. De notre point de vue, ces combattants devaient être désarmés et encaserné deux mois avant les élections. A un moment donné, il nous a été dit que le processus était en cours et que nous pouvons aller aux élections. Et comme nous étions dans l’Accord de Ouagadougou qui est un engagement pris par toutes les parties, nous considérions que les uns et les autres avaient renoncé à la rébellion, à l’usage des armes pour amener Alassane Ouattara au pouvoir.

Il y avait donc une présomption de bonne foi et nous avons considéré que les forces nouvelles ont signé l’Accord politique de Ouagadougou dans ce sens. Pour nous, elles étaient totalement sorties de la rébellion et se sont engagées dans la république or, le respect des lois de la république suppose le respect des libertés individuelles et collectives, des droits des citoyens, des institutions de la république et la renonciation à user des armes à quelques fins que ce soit. Ce sont les bases sur lesquelles nous sommes allés aux élections mais l’expérience du terrain nous a montré qu’elles n’avaient pas renoncé à cela et étaient restées dans la logique de tout mettre en œuvre pour que leur objectif de départ soit atteint.

En effet, le jour du scrutin, les éléments des forces nouvelles sont sortis lourdement armés, ont exercé toutes sortes de violence, de pression, d’intimidation, des arrestations, des séquestrations, des destructions de véhicules de citoyens et des représentants du candidat de La majorité présidentielle, avec des procès-verbaux falsifiés. Ce qui fait qu’au Nord, il n’y a pas eu d’élection. Il faut souligner qu’en zone gouvernementale, le pouvoir aurait pu mobiliser les forces de défense et de sécurité à cette fin pour faire du faux et se faire voter à 98% comme Alassane Ouattara l’a fait au Nord mais tel n’était pas notre objectif. Il s’agissait de sortir de la crise par des élections justes, transparentes et sincères or nos adversaires n’ont pas respecté cet engagement et ont trahi la parole donnée à Ouagadougou.

Pendant encore combien de temps allez-vous résister à la pression de la communauté internationale qui maintient que le président élu est Alassane Ouattara ?

Nous sommes à l’écoute du peuple de Côte d’Ivoire qui a élu le président Laurent Gbagbo et non la communauté internationale. Les institutions de la république se sont prononcées et nous nous en tenons à cela. Par rapport aux pressions, nous pensons que ceux qui l’exercent manquent d’informations ou sont de mauvaise foi. S’ils manquent d’informations, notre devoir est de porter à leur connaissance la vraie information sur la réalité électorale en Côte d’Ivoire pour qu’ils comprennent que le président Laurent Gbagbo n’est pas là par la force, la violence mais parce qu’il a été choisi et reconnu par les institutions. Face à ceux qui sont de mauvaise foi, il faut leur opposer la résistance pour qu’ils comprennent que cela ne peut pas s’imposer à la souveraineté de la Côte d’Ivoire.

Dans ces conditions, ne va-t-on pas vers un isolement de la Côte d’Ivoire ?

A l’heure actuelle, la Côte d’Ivoire n’est pas isolée puisqu’il y a des pays amis qui nous défendent à l’ONU. La Russie, qui comprend bien la situation en Côte d’Ivoire et qui sait très bien qu’il s’agit d’un vaste complot ourdi de l’extérieur pour faire main basse sur le pays, est aux côtés du droit. Pour nous, c’est un grand acte de soulagement et nous travaillerons à rallier davantage de pays à cette position de manière à briser le cercle de l’isolement. Ce n’est pas la première fois que la Côte d’Ivoire se retrouve depuis le début de cette crise dans une telle position puisqu’à un moment donné, on a tenté de nous conduire devant le Conseil de sécurité pour suspendre la constitution ivoirienne mais cela a échoué parce que tel n’était pas l’acte conforme au droit international.

Comment allez-vous faire face aux forces armées des forces nouvelles qui ont déclaré être sur leurs gardes pour agir à tout moment et vous n’allez pas continuer à diriger une Côte d’Ivoire toujours divisée ?

Il faut retenir que la réunification de la Côte d’Ivoire est un défi qui est posé au gouvernement et au régime et nous devons le relever. Cela constitue notre objectif principal et c’est par rapport à tout ça que nous avons signé tous les accords parce que notre volonté n’est pas de gouverner la moitié du territoire mais son intégralité. Nous souhaitons que cela soit atteint dans la paix, le rassemblement des forces et nous y sommes très engagés.

Est-ce qu’on peut connaître les raisons pour lesquelles vous n’avez pas été reconduit à la Primature quand on sait comment vous l’avez quittée en 2002 ?

Il n’y a pas de mystère à cela. La Primature n’est pas la seule position de lutte pour nous et à chaque instant, selon les circonstances et les défis à relever, il faut savoir comment disposer de ses forces pour faire face à la situation. Le travail qui a été fait à la tête du parti et les défis de ce moment exigent que je conserve la position que j’ai depuis 2003 pour poursuivre le travail qui a été engagé en faveur de la libération de la Côte d’Ivoire. Il s’agit tout simplement d’une répartition des rôles, d’une organisation interne qui nous parait la plus indiquée pour faire face à la situation actuelle. Il ne faut donc pas y voir une mise à l’écart du président du FPI mais il est au contraire au centre, à une position stratégique et importante de la lutte pour que la Côte d’Ivoire retrouve son intégrité.

Avez-vous un message particulier pour les Burkinabè aussi inquiets face à la situation de la Côte d’Ivoire ?

Il n’y a pas de raison que les populations burkinabè vivant en Côte d’Ivoire aient des craintes par rapport à leur sécurité, leurs biens puisque ce ne sont pas elles qui constituent l’enjeu de cette crise. Ce que nous souhaitons, c’est qu’à leur niveau et par les voies et moyens qui leur paraissent appropriés, elles participent à la résolution de la crise, en faisant évoluer les positions des uns et des autres. Un pays qui est en crise, ce sont tous les intérêts qui sont menacés alors que nous avons besoin de la paix, de la sécurité et de la stabilité pour que l’économie reprenne, la prospérité soit au rendez-vous et c’est ce qui est souhaité par tous. Tous ceux qui peuvent engager une quelconque action en faveur du retour de la paix et de la stabilité doivent le faire y compris les populations burkinabè vivant en Côte d’Ivoire.

Propos recueillis à Abidjan par Antoine BATTIONO

Le Pays

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