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ATTRIBUTION DE PARCELLES AUX SINISTRES : Dur, dur de loger à Yagma

Publié le vendredi 26 mars 2010 à 02h37min

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Lancée depuis le 3 décembre 2009, l’opération d’attribution de parcelles et de matériaux de construction aux sinistrés des inondations du 1er septembre 2009 suit toujours son cours. Si ceux qui veulent avoir un toit pour se loger grincent des dents parce que la procédure est longue et harassante, les autorités, elles, pensent que c’est un mal nécessaire afin d’empêcher les faux sinistrés de se faire attribuer des parcelles et des matériaux de construction indus.

Suivre la route qui mène à Yagma, telle a été la démarche. Un périple qui a commencé à la mairie de l’arrondissement de Boulmiougou où la commission d’attributions de parcelles qui y est installée doit reloger 55% des sinistrés de Ouagadougou. Vu du haut du monticule sur lequel trône le siège de l’ONEA, on a l’impression que Zabr-Daaga s’est déporté au siège de la municipalité en ce jeudi 18 mars 2010 : motocyclettes, vélomoteurs et bicyclettes s’y sont, comme, donné rendez-vous et sont alignés dans un ordre impeccable tout autour des murs d’enceinte. A l’intérieur, une marée humaine. Assis, debout, penchés, accroupis, femmes, hommes, vieux et jeunes attendaient. Le ciel, où brûlait un soleil qui indiquait 11h sur les cadrans des montres et horloges, leur servait de toit, vu la rareté des hangars et des arbres, qui n’étaient que des filaos aux feuilles maigrichonnes. Tout pouvait se lire sur ces visages : poussière que soulevaient les machines qui assuraient dehors l’interconnexion de la RNI, faim, soif, lassitude, etc.

Grogne contre la longue procédure

Ils attendent qu’on leur désigne leur nouveau toit. Kiswensida Dakissaga, commerçant de son état et habitant au secteur 18, n’est pas content. "C’est depuis le 12 mars que je traîne ici", dit-il. "La procédure pour avoir le papillon qui t’indique le numéro de ta parcelle est très longue." "Heureusement que mon patron est compréhensif, ajoute Félix Diarra, machiniste, sinon, ce n’est pas facile." L’accusée déroule ses annaux comme suit : les sinistrés sont répartis par zone et le calendrier de passage de chaque zone est affiché à la mairie. Les sinistrés inscrits dans une zone donnée sont appelés le jour indiqué pour leur passage. Un rang se forme alors devant un premier hangar pour vérifier si l’identité des personnes présentes correspond à celle mentionnée sur la liste. Les photocopies des cartes d’identité sont alors appelées à la rescousse. A ces photocopies est joint un engagement sur l’honneur à utiliser à bon escient les matériaux et la parcelle qui seront remis.

L’engagement signé, une fiche d’identification complète sera encore remplie par le postulant. Cette fiche signée, le postulant ira former un autre rang pour faire une photographie. Cela fait, le sinistré est renvoyé à un autre hangar où il recevra des bons pour 20 tôles, 30 sacs de ciment et 50 000 F CFA. L’avant-dernière étape consiste à la remise du bon portant le numéro de la parcelle qu’il aura, entre-temps, tiré dans le labyrinthe des étapes. Pour faire le tour de ces étapes, le chef de cabinet du ministre de l’Habitat et de l’urbanisme, Yombi Ouédraogo, par ailleurs superviseur général des opérations de distribution de parcelles et des matériaux de construction aux sinistrés, estime qu’il faut quatre jours au maximum. Mais les principaux concernés contredisent cela en disant qu’il faut user ses semelles sur le chemin de la mairie pendant 6 à 10 jours. D’autres ont d’ailleurs préféré élire carrément domicile à la mairie pour épargner lesdites semelles.

Un filtre contre les fraudeurs

Mais Yombi Ouédraogo a l’explication de cette longueur qui serait un filtre contre les fraudeurs. En tout cas, les sinistrés de Boulmiougou sont excédés et il y en a qui fulminent contre ceux qui trouvent des raccourcis pour ne pas suivre la procédure comme les autres, en passant notamment par les conseillers ou les membres de la commission. Amidou Ouédraogo, le deuxième adjoint au maire et vice-président de la commission d’attribution et de distribution des matériaux aux sinistrés de Boulmiougou, tout en précisant qu’il n’accepterait pas lui-même d’être un raccourci, estime que le fait n’est pas mal en soi. Cela constitue ce qu’il a appelé "une rapidité dans le traitement." Kiswensida Dakissaga avoue d’ailleurs que s’il connaissait un conseiller, il n’hésiterait pas à demander ses services !

Raccourci ou pas, la procédure aboutit à l’obtention de bons de matériaux et de parcelles. Mais comment transformer ces bouts de papier en objets palpables ? Pour le savoir, il faut se rendre sur le site de Yagma pour ceux dont les parcelles s’y trouvent. Un voyage hors de Ouaga s’impose donc. Arrivé là, une équipe devrait être présente pour distribuer les matériaux. Quant aux parcelles, selon le superviseur général, une équipe mobile sur le site aménagé s’en charge. A Yagma, nous n’avons trouvé trace d’un seul membre de cette équipe. "C’est normal, explique Yombi Ouédraogo. Si vous les aviez trouvés, c’est qu’ils ne faisaient pas leur travail ! Il faut tourner dans le site, si vous avez la chance de tomber sur l’un d’eux, il vous montrera votre parcelle." Le périple, en principe, s’arrête là. Mais un regard en arrière sur le chemin parcouru montre que les inondations du 1er septembre n’ont pas encore fini de faire subir son lot de calvaire aux sinistrés.


YOMBI OUEDRAOGO, SUPERVISEUR GENERAL DES OPERATIONS D’ATTRIBUTION DE PARCELLES : "La longue procédure, c’est pour éviter les fraudes"

Chef de cabinet du ministre de l’Habitat et de l’urbanisme et superviseur général de l’opération d’attribution des parcelles et de distribution des matériaux de construction aux sinistrés, Yombi Ouédraogo explique les raisons de la longueur de la procédure d’attribution.

"Le Pays" : Toutes les dispositions sont-elles prises pour éviter les infiltrations et les fraudes ?

Yombi Ouédraogo : Il faut d’abord planter le décor. Il y a 24 271 sinistrés propriétaires de maisons écroulées. On a mis en place cinq commissions d’attribution de parcelles dans les cinq arrondissements de la ville de Ouagadougou. Le ministère de l’Habitat assure la présidence de chaque commission et la mairie assure la vice-présidence. A ceux-là s’ajoutent l’ONI (Office national d’identification) et le ministère de l’Economie et des finances qui assure le rapportage et qui donne la liquidité, c’est-à-dire les 50 000 F CFA. Comment arrive-t-on à découvrir les faux sinistrés ? Il faut comprendre qu’au début, le recensement a été fait dans l’urgence. Il y a des gens qui se sont fait enregistrer dans n’importe quel arrondissement sous plusieurs identités pour pouvoir bénéficier de l’aide alimentaire. Mais en ce qui concerne les parcelles, nous travaillons avec l’ONI et chaque sinistré est photographié et un registre est constitué sur lui. De sorte qu’il ne peut plus se présenter une deuxième fois. Nous avons présentement enfermé quatre personnes et cela dissuadera tous les faux sinistrés. Vous vous rendrez compte qu’on n’atteindra pas les 24 000 recensés.

Il n’y aura pas d’affaires ?

Il n’y aura pas d’affaires ! Il ne peut même pas y avoir affaires. Des directeurs généraux ont été sciemment désignés pour occuper les postes de président des commissions. Ils vont assurer le maximum de garantie possible.

Ne trouvez-vous pas que la procédure d’attribution est un peu longue ? Les gens affirment mettre 6 à 10 jours avant d’arriver au bout du tunnel.

Vous venez de me demander si tout est mis en oeuvre pour éviter les fraudes, n’est-ce pas ? Si on doit délivrer les parcelles au pif, je vous assure qu’on aura 80 % de faux sinistrés. La procédure de vérification est telle que les gens peuvent faire deux à quatre jours dans les commissions. C’est vrai que c’est long et nous-mêmes n’avons pas intérêt à ce que ça traîne ainsi parce que cela prend tout le temps au ministère. Mais ce n’est pas parce qu’on veut que cela finisse que l’on bâclera le travail. On ne veut pas qu’un seul jour la presse ait quelque chose à redire sur le travail fait par le ministère de l’Habitat dans le cadre des inondations.

Nous avons remarqué qu’à Yagma, la Croix-rouge donnait des matériaux et des tentes aux sinistrés. Quelle collaboration existe-t-il entre le ministère et les ONG ?

La Croix-rouge, au même titre que Save The Children, l’UNICEF, Cathwell, ACF, Plan Burkina, Aide à l’enfance, et plein d’ONG interviennent dans le cadre du relogement des sinistrés. C’est un partenariat entre le gouvernement et les ONG. Lors de la rencontre entre le gouvernement et les ONG, le Premier ministre leur avait dit de centraliser leurs actions et de tenir le gouvernement au courant. C’est suite aux orientations du comité directeur que les ONG ont été déportées à Yagma pour être plus proches des sinistrés. Naturellement, nous sommes au courant de leurs actions.

A quand estimez-vous la fin de l’opération ?

En principe, d’ici le 15 avril 2010, avant l’hivernage.

Des informations complémentaires ?

Il faut que les gens comprennent que l’Etat a fourni un grand effort. Mais les commerçants aiment dire que "c’est bon mais ce n’est pas arrivé." Les matériaux donnés sont certes une aide substantielle, mais l’Etat ne peut pas construire pour tout le monde. Aujourd’hui, il reste beaucoup de choses à faire. Si chacun pouvait aider les sinistrés à reconstruire leur maison, ce serait l’idéal.

Les préoccupations des nouveaux habitants de Yagma

Les matériaux obtenus, la parcelle désignée, il reste une dernière paire de manches et qui n’est pas des moindres : construire. La plupart des premières constructions qui sortent du sol de Yagma sont en banco. "Les gens vendent le ciment pour payer à manger", indique l’un des habitants qui a requis l’anonymat. "Les matériaux ne suffisent pas, poursuit-il. Pourtant, les gens n’ont rien. C’est la seule solution." A défaut d’avoir de l’argent, Amidou Bantango, garagiste, s’est transformé en maçon et construit tranquillement et doucement sa maison avec sa femme et ses enfants.

Les pluies ayant détruit leur maison, ils habitent pour l’instant sous la tente que leur a donnée la Croix-rouge. Yagma ressemble d’ailleurs à un vaste champ où cohabitent ces dômes blancs scarifié d’un croissant et d’une croix rouges. "Ce qui nous manque cruellement ici, c’est l’eau", indique Amidou Bantango. "Dans un proche avenir, l’adduction en eau potable de l’ONEA sera effective, mais nous projetons 25 forages pour l’instant et une dizaine sont déjà réalisés à Yagma", répond Yombi Ouédraogo, à cette préoccupation.


Parcours du combattant d’une veuve sinistrée

Marie Ouédraogo est une veuve d’une quarantaine d’années et mère de 7 enfants. Son travail était de ramasser du sable afin de le revendre pour nourrir sa famille. Le 1er septembre l’a privée de son habitacle. Elle a reçu sa parcelle à Yagma. La veuve raconte comment elle a abouti à ce résultat, pendant qu’elle rassemblait le matériel que venait de lui remettre la Croix-rouge pour sa tente provisoire :

"Ma maison était à Boulmiougou et est tombée avec les inondations. On nous a amenés à Vénégré puis à l’Hippodrome. C’est là que l’on nous a dit de venir chercher nos parcelles le 15 janvier. A l’arrivée de l’échéance, on nous a dit de revenir le 15 du mois suivant (février, ndlr). Quatre à cinq jours plus tard, j’ai obtenu l’indication de ma parcelle. Je suis alors venue m’installer ici à Yagma. Pendant 12 jours., je dormais à l’air libre, mangeant avec l’aide des gens. Le douzième jour au matin, nous avons fait un long rang. C’est ainsi que j’ai reçu les 50 000 F CFA donnés par l’Etat, les tôles, le ciment et une moule. Je suis ensuite allée à la tente où la Croix-rouge donnait les tentes. On m’y a dit que je n’avais pas mon nom sur leur liste. Je suis allée voir le chef de la Croix-rouge qui a démenti. On m’a donné un papier il y a quatre jours de cela me disant de venir chercher les matériaux aujourd’hui. Nous dormons à la belle étoile. J’ai déposé mes sacs dans un coin. Cela fait une trentaine de jours que je suis ici. Mes enfants sont au village. C’est la Croix-rouge qui m’a donné deux sacs de sorgho blanc que j’ai déposés chez moi. Si un ami ou un proche parent me donne un peu d’argent, je vais moudre les grains pour que mes enfants en fassent du couscous. C’est avec les 50 000 F CFA que l’Etat m’a donnée que j’ai réglé la scolarité d’un de mes enfants qui fait le CM1. C’est également avec cette somme que je me nourris et ai payé le transport des matériaux de construction jusqu’à ma parcelle. Je creuse présentement pour extraire les cailloux qui vont servir à la construction de ma maison. Si Dieu me donne de l’argent, je prendrai des maçons qui feront les briques pour moi."


DES FAITS ET DES GESES : Des fraudeurs démasqués et jetés en prison

Des bruits couraient sur la possibilité de fraudes dans l’attribution des parcelles. Ils craignent que de faux sinistrés ou des commerçants véreux en profitent pour acquérir les parcelles. "Il y a toujours des affaires dans ce genre de chose", affirme d’un air convaincu Boukary Nikiéma, boucher. " Il n’y aura pas d’affaires !" a martelé le chef du cabinet du ministre interrogé. D’ailleurs, "quatre personnes sont présentement en prison pour avoir essayé de frauder", poursuit-il, pendant que Amidou Ouédraogo avance qu’une dizaine en tout "réfléchissent sur leur sort à la MACO" (Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou) depuis le début de l’opération.


L’occasion fait le larron, mais tout de même !

Pendant que nous l’interrogions sur les conditions de travail de sa commission, Amidou Ouédraogo a fini par exploser contre les sinistrés qui veulent jouer aux plus rusés. Il cite comme exemple cet homme qui s’est fait recenser en trois lieux différents et pour l’attribution des parcelles, a donné une procuration à deux personnes pendant que lui-même se présentait à Boulmiougou. Il parle également de ces chefs de ménage qui inscrivent le nom de chacun des membres de leur famille, espérant avoir des parcelles pour chacun d’eux. "C’est vraiment déplorable", dit-il en secouant la tête. "Nous leur demandons de s’aider eux-mêmes et de nous aider aussi", conclut-il.


L’Action sociale veille au grain

Dans la batterie de services mobilisés pour suivre cette opération d’attribution figure l’Action sociale. Elle intervient notamment pour vérifier si des imposteurs ou des parents véreux ne confisqueront pas la parcelle d’un sinistré décédé. Jean Boussim, éducateur social et représentant l’Action sociale au sein de la commission de Boulmiougou explique : "Notre mission consiste à faire ressortir le lien entre celui qui se présente à nous, (cela peut être l’enfant, la femme ou une autre personne), et le défunt. Mais la parcelle reste au nom du défunt et la construction profitera à ses héritiers."


Quelques chiffres

- Nombre de sinistrés à reloger : 24 271.
- Nombre de sinistrés censés être relogés à Yagma à la date du 18 mars 2010 : 10 835.
- Date butoir des attributions : 15 avril 2010.
- Yagma : 15 520 parcelles.
- La commission d’attribution de Boulmiougou est à 65 % de ses attributions à la date du 17 mars 2010.
- L’adduction en eau potable à Yagma coûtera environ 1,5 milliard de F CFA.

Rassemblé par A.Z.

Propos recueillis par A.Z

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 27 mars 2010 à 23:13, par un burkinabé à l’étangé En réponse à : ATTRIBUTION DE PARCELLES AUX SINISTRES : Dur, dur de loger à Yagma

    slt à vous ; svp j’aimérai savoir précisement, si c’est chaque sinistré qui a droit a une parcelle ou bien ya certains ki ont seulment droit à l’aide de construction , parceque ya des sinistrés qui avaient des parcelles déja, il faudra cas meme etre tranchant la dessus car ceux qui ont fait les dont sont des gens bien, on dévrait avoir honte. faut pas que certains vont profiter de la situation, meme les conseillés et autres la, c’est sure quil y aura de la fraude mais soyons sérieux un jour car si notre pays navance pas c’est à cause de ces genre d’esprits qui veulent tjrs profiter du malheur des autres ; ceux qui ont étés aretés doivent etres sévèrement punis pour servir d’exemples. si non on restera toujours en arriere.

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